Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
En 2025, 75 % des Algériens vivront sur à peine 4% du territoire. Il en
résultera alors un déséquilibre fortement préjudiciable au pays et une
situation sociale certainement des plus tendue, si rien n'est fait dès à
présent pour atténuer les effets pervers de ce risque majeur.
Faut-il croire qu'il est déjà trop tard ? Est-ce à dire que la politique d'aménagement du territoire dont on parle depuis plus de quatre décennies, a échoué ? Ou à contrario, ne faut-il pas se demander si en réalité, cette volonté de recherche d'un meilleur équilibre spatial a réellement existé ? Le maintien dans cette tendance d'un aménagement spontané du laisser-faire, comme quotidiennement observé, conduira sans nul doute, à une quasi-littoralisation des activités et du peuplement, déjà aujourd'hui, largement entamée. Cette tendance lourde de conséquences est de nature à attiser bien des inquiétudes chez nos concitoyens, au regard des pressions qui continueront à s'exercer de façon encore plus accrue, sur le potentiel agricole en voie de disparition et les potentialités hydriques des écosystèmes fragiles des ensembles littoraux. Si nous sommes dans cette situation d'une urbanisation démesurée, de surcroît anarchique et fortement consommatrice de ressources rares non renouvelables, c'est que quelque part l'on n'a pas su anticiper et prévenir ce phénomène totalement inscrit dans la durabilité. Il apparaît de toute évidence, que nous n'avons pas accordé toute l'attention voulue à la gestion rationnelle de notre territoire, en l'absence d'une authentique politique, qui aurait pu être déclinée à différents horizons à partir de la définition d'un cap, comme c'est le cas dans tous les pays soucieux tout à la fois, de leurs intérêts immédiats et de l'avenir de leurs générations futures. Mais comment expliquer cet état de fait devenu source de tourmente collective ! Il faut tout d'abord rappeler, qu'au rendez-vous manqué pour l'aménagement du territoire durant la décennie 70, où la prospérité aurait pu permettre le maillage infrastructurel du territoire, le desserrement des aires métropolitaines du Nord et la revitalisation des espaces agricoles, a succédé la décennie 80, marquée par le démembrement des réalisations malgré tout, non négligeables de la période antérieure. Cette politique savamment entretenue par des opérations de restructuration des potentiels industriel et agricole a généré l'émiettement de la base productive et la perte de son efficacité. Tout laisse à croire, que cette dislocation des outils nationaux de production, était programmée, comme pour faire taire la voie discordance de cette Algérie, que d'aucuns percevaient comme « arrogante » à outrance, dans l'espace de plus en plus restreint du non alignement. Bien que suggérée de l'extérieur, cette opération menée à la hussarde, aurait pu être justifiée par la nécessité d'un meilleur équilibre régional, si elle avait permis d'amorcer les options Hauts plateaux et Sud, à partir de la décentralisation des unités auxquelles elle a donné naissance ! Ce ne fut malheureusement pas le cas et c'est là, une seconde opportunité de perdue pour l'ancrage de l'aménagement du territoire à l'échelle les régions intérieures dévitalisées. En effet, même si au niveau du discours on continue à faire référence à ses principes cardinaux et à ses dimensions stratégiques, dans la réalité, la planification dirigiste faite d'atomisation, de saupoudrage et d'addition de projets sectoriels et communaux a pris le dessus sur l'ingénierie territoriale, dont le champ d'action est resté tout à fait limité aux grands ensembles urbains des régions du Nord. AMENAGEMENT TERRITORIAL SANS OBLIGATION DE RESULTATS En matière d'aménagement opérationnel, le fait le plus significatif aura été sans aucun doute, la création de l'agence nationale pour l'aménagement du territoire (A.N.A.T.) grâce à la lucidité de certains cadres du Conseil National de la Planification, qui ont su l'entretenir en plans de charge, comme pour la maintenir à flot, et c'est bien heureux que la veille territoriale, fût de la sorte maintenue ! Encore faut-il préciser que le schéma national d'aménagement du territoire, les schémas régionaux et les plans d'aménagement de wilaya élaborés par cette agence, sont restés à caractère indicatif et par conséquent, non opposables au tiers. A l'inverse de ces instruments, les plans directeurs d'aménagement et d'urbanisme ont quelque peu retenu l'attention des collectivités locales plus intéressées par la création de lotissements que par la rigueur dans la planification de leurs espaces respectifs. Il est bien évident que dans ce cas, l'anarchie dans la gestion du foncier s'est durablement installée, en même temps que sont continuellement opérés des prélèvements de terres agricoles, ce qui a induit un appauvrissement des collectivités locales, en même temps qu'on assiste à la prospérité de la sphère informelle alimentée par le passe droit et la corruption. La restructuration du Ministère de la Planification et de l'Aménagement du Territoire, œuvre du sieur « Abdelhamid la science » donna par la suite naissance, au Comité des Grands Equilibres et au Conseil National de la Planification, avec en prime pour lui bien sûr, un poste de Premier Ministre. Dans le contexte de cette époque marquée par la surveillance des équilibres macro-économiques, l'aménagement du territoire n'est plus une priorité, bien que fortement consacré par la charte nationale, le cinquième congrès du F.L.N., une loi organique et des instruments d'exécution. A partir de 1986, cette politique va subir le contre coup de la crise de l'Etat, générée par la baisse du prix du pétrole et accentuée par les fluctuations du dollar. Durant cette période, l'Etat a fini par se retirer de toutes les actions d'aménagement du territoire, vidant ainsi cette mission de toute sa philosophie, en la rattachant de façon tout à fait symbolique à une direction du Ministère de l'Urbanisme et de la Construction, chargée du suivi de l'étude sur l'idée de projet de la ville nouvelle de Boughzoul, des plans d'urbanisme et des études d'impact de projets alibis qui n'ont d'ailleurs jamais pu être concrétisés, en raison de l'absence de cohérence dans la conduite du développement global du pays. Le coup de grâce fût donné à la politique d'aménagement du territoire après les événements d'octobre 1988. Durant cette période, se développe un discours contradictoire qui consiste à expliquer les fondements de la crise algérienne et les formes d'exclusion et de marginalisation, par l'absence d'une politique cohérente d'aménagement du territoire, tout en continuant à disséminer au prix d'un endettement sans cesse croissant, les quelques ressources rares sur des projets sans maturation et à impact limité sur les conditions de vie de la population. Mieux encore, on assista à l'éclipse totale de l'aménagement du territoire à la fin de cette période, avec l'effacement de cette mission de l'organigramme du Gouvernement en 1989. De l'expérience de plus de quatre décennies, force est de constater que la gestion territoriale n'a jamais disposé d'une volonté politique forte qui aurait pu faire d'elle, le cadre référentiel à la conduite du processus de développement économique et social. C'est pourquoi, la «symphonie territoriale» n'a pu être jouée à défaut d'inscription des politiques sectorielles dans un cadre préalablement arbitré, afin de garantir la cohérence et la synergie d'actions. C'est ainsi que l'aménagement du territoire a été relégué à une fonction tout à fait secondaire et sans obligation de résultats, dés lors que ballotté de Ministère à Ministère, sans domiciliation appropriée à son caractère de mission horizontale ! A partir de là, l'on peut comprendre aisément, que soit réduite l'ardeur de sa dynamique vivifiante des terroirs et que furent différées les questions latentes d'équité et d'égalité des chances, qui remontent aujourd'hui en surface, au point ou elles sont devenues ces derniers temps, un véritable casse-tête pour les pouvoirs publics ! RENOUVEAU DE LA MISSION AMENAGEMENT DU TERRITOIRE Et pourtant, les journées d'octobre 1988 et les événements qui ont suivi, ont attiré l'attention sur la dislocation des territoires et ont révélé la gravité de la situation des quartiers périphériques des grandes villes, en proie à la marginalisation, à l'insécurité et au chômage. L'ampleur des dangers accumulés par une telle situation a souligné l'impératif d'une politique d'aménagement du territoire placée sous le signe du renouveau et du volontarisme mesuré de l'Etat, comme garant de l'équité sociale, de la cohésion territoriale et de l'unité nationale. Depuis, si cette politique a gagné en maturité, Dieu merci, c'est parce que la panne des années 80 et la léthargie des années 90, n'avaient pas paralysé la réflexion de ces cadres visionnaires, qui n'ont pas cessé d'attirer l'attention sur le caractère désastreux de l'attitude du laisser-faire. Oui, le renouveau de cette mission n'est certainement pas le fruit du hasard ! Il a pour explication, la ténacité et l'engagement de ses militants de la cause territoriale, qui ont su porter ce projet majeur à bras le corps ! Qu'ils soient morts ou vivants, ses êtres admirables qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes, méritent notre considération et un hommage des plus distingués ! A noter aussi, que le regain de la crédibilité de la politique d'aménagement du territoire depuis 1994 trouve son origine, dans la démarche pédagogique faite de concertation et de communication avec les collectivités locales, la société civile et les universitaires, qui a prévalu pour la recherche d'un consensus minimum autour de l'image souhaitable de l'Algérie de demain, par rapport aux enjeux et défis auxquels elle aura à faire face. L'on peut dire que cette détermination a fini par payer malgré tout, puisque la réactualisation du schéma national d'aménagement du territoire a donné lieu, quinze années plus tard, à son approbation en 2010. Oui, mieux vaut tard que jamais, diriez-vous, surtout quand l'enjeu territorial prend la signification d'un projet de société ! Mais, ce n'est là malheureusement, qu'une bataille de gagner contre les positions des fatalistes et des esprits laxistes du laisser-faire, dans ce long parcours parsemé d'embûches et d'anicroches des « tire- au- flanc » ! Même si confortée par une loi, par des schémas régionaux et sectoriels et par un ouvrage de référence, peut-on dire pour autant, que cette politique qui trace les contours de l'Algérie de 2025, qui se veut être conviviale dans ses villes et campagnes, soit devenue aujourd'hui irréversible quant à son application effective sur le terrain ? Rien n'est moins sûr au regard des pratiques toujours tenaces dans la programmation des actions de développement, marquées par des visions sectorielles réductrices et sans interdépendance, parce que non inscrites dans le cadre référentiel des réalités territoriales, d'où la persistance des disparités intra et inter wilayas, aujourd'hui fortement et violemment décriées par les citoyens ! Oui, il en sera toujours ainsi, tant que les actions initiées par les pouvoirs publics resteront inscrites dans cette logique. Ce mode de gouvernance des affaires publiques fait de cloisonnement sectoriel, s'apparente à cet orchestre ou chaque musicien s'emploie à jouer sa propre partition, ce qui ne peut conduire bien évidemment, qu'à une cacophonie. C'est cette incapacité de conjugaison des efforts des pouvoirs publics, qui désespère nos concitoyens, qui ont fini par plonger dans une sorte de scepticisme, alors que l'Etat dispose de réels moyens et d'atouts pour faire mieux, pour peu que soit imprimé un nouveau style d'actions, qui consiste à réfléchir globalement sur les problèmes de notre société et à agir par la suite localement, pour la recherche des solutions les mieux adaptées ! Dans cette situation du scénario de l'inacceptable qui ne pourrait mener qu'à l'effritement des solidarités et à l'implosion sociale, l'alternative serait, face à l'incertitude du monde d'aujourd'hui qui nous réserve bien des surprises, la recherche d'une réelle et plus large cohésion nationale renouvelée autour d'un pacte républicain ouvert sur une société fière de son authenticité et de ses valeurs plurielles, qui la prédisposent tout naturellement à l'universel. C'est pourquoi, il convient de considérer la politique d'aménagement du territoire, non comme seulement, un concept philosophique facultatif, mais comme la réponse la mieux appropriée aux besoins d'épanouissement du citoyen en tout lieu du territoire, dés lors que son volet opérationnel devrait prendre effectivement en charge, la pleine réalisation de l'égalité des chances à partir d'une répartition juste et équitable des fruits de la rente et de la croissance ! OPERATIONNALITE DES OPTIONS HAUTS-PLATEAUX ET SUD C'est de cela dont il s'agit aujourd'hui ! C'est dans cette problématique d'ensemble que s'inscrivent de plus en plus les revendications récurrentes des populations, qui pour ce qui concerne les régions intérieures, doivent trouver les éléments de leurs réponses, dans l'amorce effective des options Hauts-Plateaux et Sud. A travers la reconquête des régions intérieures, autrement dit leur mise à niveau et l'amélioration de leur attractivité, il s'agit de faire en sorte que l'ensemble de nos concitoyens aille de nouveau dans la même direction. Que les mêmes chances leur soient accordées au départ et que nul ne se sent exclu de cette dynamique, parce que son territoire de vie est moins richement doté, ou moins bien placé par la géographie, par rapport aux grands centres d'intérêts et de décisions du pays ! Des algériens réconciliés avec leur territoire, à l'aise dans leurs villes et leurs campagnes, voilà pour notre avenir, un « atout maître », qu'il faut jouer au plus vite, avec la certitude de gagner le pari d'une Algérie solidaire et globalement renforcée. Ceci d'autant plus, que la consécration effective des options Hauts-Plateaux et Sud a non seulement pour objet, de stabiliser les populations locales dans leurs territoires de vie, mais aussi, de préparer dans les meilleurs délais possibles, les conditions d'accueil pour le redéploiement des populations à partir des régions du Nord, qui arriveront à saturation, dans ci-peu de temps. Cette reconquête territoriale, qui anticipe l'apparition de méga-villes, de « favelas » de type brésilien, source de mal-vie et de problèmes inextricables de gestion et de sécurisation des établissements humains, a un prix à payer tout de suite, afin d'éviter que ce scénario ne soit du domaine du possible. Se prémunir de cette situation inacceptable, équivaut à entrevoir la création de nouvelles richesses et d'emplois par centaines de milliers, au niveau des régions Hauts-Plateaux et Sud. Il est bien évident, que cette entreprise majeure qui prend la signification d'une construction d'une « Algérie nouvelle » ne saurait s'accommoder de la conception habituelle d'un développement articulé autour de micro projets communaux, voire même sectoriels sans interdépendance. Elle fait référence à des actions pionnières de grande envergure, à hauteur des espoirs et des ambitions de ce pays-continent, qu'est l'Algérie ! C'est dans une dynamique de grands travaux d'aménagement et de mise en valeur à l'échelle des espaces géoéconomiques pertinents : d'Oued-Touil, du Hodna, de Chott-Chergui, des Aurès-Nememchas, de la Saoura, du Touat-Gourara, d'Oued-ghir et du Hoggar-Tassili, que les interventions des pouvoirs publics se doivent d'être inscrites ! J'ai eu déjà à développer cette question dans le détail, dans un article précédent paru dans le Quotidien d'Oran du 18 novembre 2012, pour qu'il soit nécessaire d'y revenir à nouveau ! Par rapport à tout ce qui a été dit dans cet article, je tiens à préciser en plus, que si la volonté existe, la conduite de grands travaux sous la responsabilité d'une Administration de mission dotée des prérogatives nécessaires à son caractère horizontal, assistée par des managers habilités à conduire des projets régionaux de grande envergure dans la logique des contrats-programmes, et par des outils performants d'études et de réalisation, est la meilleure manière de susciter l'enthousiasme des populations locales et d'offrir aux jeunes pionniers des options Hauts-Plateaux et Sud, l'opportunité d'un projet d'avenir, totalement ancré dans les réalités nationales. Comme il convient également, d'attirer l'attention sur le fait, que les espaces en question sont en grande partie inscrits dans des écosystèmes steppiques et oasiens sensibles, d'où la nécessité dans le lancement en tout premier lieu, d'un vaste «plan vert» de protection, de restauration et d'aménagement de ces milieux fragiles, largement entamés par la désertification. Sinon, comment peut-on penser faire aboutir le projet ex-nihilo de ville nouvelle de Boughzoul en cours de réalisation, combien même sa faisabilité a été confortée par un maillage infrastructurel articulé autour de la fibre optique, de la densification des réseaux d'énergie, du transfert hydraulique, de la modernisation des réseaux routiers et de la connexion des réseaux ferroviaires, sans l'amorce d'une plus large dynamique de développement durable à l'échelle de tout l'espace régional d'Oued-Touil, qui lui sert d'ancrage ! Il faut faire remarquer, que ce projet est en effet localisé dans un espace fortement soumis aux risques majeurs des inondations et de l'ensablement, ce qui pose comme préalable, des interventions à différents niveaux. En dehors du site d'accueil du projet de ville nouvelle en cours de traitement, l'agglomération actuelle de Boughzoul qui se présente comme un ensemble fortement marqué par la précarité de vie et par le dysfonctionnement de son tissu urbain, doit faire l'objet d'un traitement spécifique de mise à niveau. Il en est de même de l'arrière pays immédiat, à savoir la partie Nord de O.Touil constituée de (24) communes totalisant 800.000 Ha pour une population de plus de 500.000 Habitants. La répartition des communes par Wilaya, de cet ensemble géographique est donnée comme suit : Boughzoul-Chabounia-Bouaiche-O.Djelil-A.Boucif-O.Maarif-Saneg-Meftaha-Aouinet-Aziz-Ksar-Boukhari pour la Wilaya de Médéa, El Khemis-Guernini-Bouretlah-Hassi Fedoul-S. Laadjel-Ain Oussera-Benhar-Birine-H.Shary pour la Wilaya de Djelfa, Serguine-Zmalet El Emir AEK-Rechaiga-Ksar-Chelala pour la Wilaya de Tiaret. Cette prise en charge du projet de ville nouvelle dans sa dimension régionale, est une manière de corriger le coup parti d'un projet qui s'apparentait à l'origine, comme une greffe sur un corps étranger, de surcroit fortement marqué par la précarité de vie à l'échelle des communes rurales de son arrière pays ! Il s'agit en fait d'éviter de donner cette impression « du pousses-toi que j'arrive avec mon projet », fortement préjudiciable à ce projet d'envergure nationale qui doit intégrer dans sa problématique tout à la fois, la nécessité de redéploiement des populations du Nord et l'intérêt des populations locales, en terme d'amélioration de leurs conditions et cadres de vie ! Cette approche est aussi valable pour le cas de la ville nouvelle de Hassi-Messaoud ou tout autre projet similaire en cours de maturation, dès lors qu'il s'agit de mettre en exergue les principes d'équité et d'égalité des chances pour tous, c'est ce message fort que sauront décrypter nos concitoyens?. * Professeur |
|