Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

LE SEPTENNAT DU LMD, PERIODE 2005-2012

par Ali Derbala*

«J’ai pris une route par laquelle j’irai sans cesse et sans trêve, autant qu’il y aura plume et papier au monde». Montaigne.

Normalement, si des universités grandissent et se transforment à vitesse accélérée, il est le signe d’une grande distinction d’esprit. Avec le LMD, contraction de Licence, Master et Doctorat, système pédagogique et scientifique qui se dispense respectivement en 3-2-3 années, il n’est pas de mauvaise foi de dire qu’il est une politique d’abaissement du niveau des connaissances. Nous recevons trois éducations différentes: celle de nos parents, celle de nos maîtres ou professeurs et celle de la vie ou du monde. Nous aurions aimé que le programme LMD en question, ne soit pas directement copié sur celui d’un autre pays. Il était préférable d’étudier les solutions adoptées dans de nombreux pays pour y rechercher des idées nouvelles avec des adaptations appropriées. L’Université devait devenir un site du mouvement et de la transformation. Il est à rappeler que du temps des Babyloniens, les professeurs n’étaient pas payés, mais gagnaient leur vie en travaillant manuellement. Ma contribution modeste consiste à donner des idées et jamais de leçons, bien que je sois un enseignant de rang magistral. Du début des recherches sérieuses au lancement du système LMD, une durée probable de deux années approximativement, était indispensable.

1. QU’EST-CE QU’UN SYSTEME ?

Un système est un ensemble d’éléments interdépendants en interaction dynamique organisés afin d’atteindre un but, l’ensemble se modifiant plus ou moins dans le temps, tout en conservant une certaine performance, et étant en rapport réciproque avec un environnement, avec lequel il entretient des échanges et tout en gardant son autonomie [Cours de la programmation dynamique]. Le LMD devait comporter trois phases :
 a. Recherche et formation des responsables des universités et de la centrale MESRS,

 b. Etude et élaboration du système en définissant tout le langage et les notions qui lui sont inhérents.

 c. Décision de principe, organisation, recrutement du personnel et lancement des activités pédagogique et scientifique.

 Dans l’implantation de ce système en 2005, l’Université algérienne était partie de presque zéro. La réforme de l’Enseignement supérieur devait passer par l’étude des écoles, des collèges et des lycées. Cette étude n’a pas été réalisée ou si elle a été faite, elle n’a pas été diffusée.

2. OBJECTIFS DU LMD

La société a évolué et évolue rapidement. Le LMD n’était pas destiné à faire subir à l’Université la «Mouadjiza», une transformation instantanée. Il devait être une évolution universitaire permanente. Il fallait chercher une adaptation réciproque des offres d’emplois et des enseignements universitaires. Le choix des programmes à enseigner influe sur l’évolution de la société. L’un des objectifs du LMD était de créer un climat et des procédures de dialogue, de négociation et de prise de décision, regroupant le MESRS, le représentant de l’Etat algérien qui fixe les objectifs, et les Universités. Ce système visait une transformation pédagogique, la modernisation et la démocratisation de l’Université. Il devait naître des aspirations des Universités algériennes. C’est aux Universités de concevoir et d’exécuter des programmes ou des systèmes de formation des étudiants et les programmes de la post-graduation et de la recherche. Pour que cette négociation de l’adoption du LMD se noue dans les meilleures conditions, il était nécessaire qu’elle se fasse dans la clarté, la transparence, ce qui n’était pas le cas. Même s’il y a eu négociation avec quelques universités, il n’était question que de nombre de places pédagogiques créées, que les responsables confondaient avec le nombre de chaises disponibles, du nombre de lits dans les cités universitaires, du nombre de blocs de classes réalisés par les entrepreneurs en maçonnerie, etc. Il n’était nullement question d’énumérer le nombre de professeurs et de maîtres assistants disponibles, du nombre de blocs de laboratoires et de leurs bureaux pour accueillir les chercheurs, du nombre de bibliothèques ouvertes et prêtes à accueillir des étudiants, du nombre de livres et de recueils pour la consultation sur place ou pour le prêt, du nombre de salles d’informatique disponibles et opérationnelles, du nombre de micro-ordinateurs non défectueux, etc. Il faut pratiquer une pédagogie moderne avec des moyens de communications modernes tels l’Internet, les réseaux sociaux qui, outre-mer, ont fait leur entrée même dans les classes du primaire. La démocratisation de l’Enseignement supérieur doit s’accompagner de sa modernisation, de l’évolution des moyens d’enseignement et de l’évolution de la société. A l’Université, avec le faible débit de l’Internet, la navigation dans le Web et la visite de certains sites, qui ne sont pas douteux mais justes contiennent dans leur adresse les noms de Youtube, Facebook ou Twitter, est devenue trop restreinte même pour les enseignants chercheurs. Vous risquez de voir afficher dans votre «monitor» ou «l’écran» de votre ordinateur l’écriteau suivant : «L’affichage de ce site est bloqué», avec une plaque en rouge des «Interdits» où en Anglais est prescrit en grand : «ACCESS DENIED». Les réseaux sociaux sont proscrits !!!

3. L’IMPOSSIBILITE FONDAMENTALE DU SYSTEME LMD A PRENDRE EN CHARGE LE NOMBRE ELEVE DES ETUDIANTS

L’accroissement démographique est un phénomène très préoccupant dans notre pays. Ce n’est pas seulement d’accroître l’investissement estudiantin qu’il s’agit, il faut aussi en améliorer la qualité. Certains enseignants sont favorables à la sélection des étudiants à leur entrée à l’Université.
 Quand on a peu d’étudiants et s’ils sont choisis par leurs professeurs, on a forcément des étudiants bien formés. Mais si on limite l’accès à l’enseignement supérieur, ce sont toujours les enfants des favorisés culturellement, économiquement et socialement qui en bénéficient. Avec le système dit «multiplier les capacités d’accueil», système qui autorise tout bachelier à accéder à l’université, et dans ma classe de Master 1re année mathématiques, sur 18 étudiants, 12 sont fils de retraités ou de chômeurs ou de personnes décédées, 04 sont fils de fonctionnaires moyens, 01 seul fils de fellah et 01 fils de technicien de l’industrie. Actuellement et suivant mon intuition, on retrouve beaucoup d’étudiants d’origine très modeste, qui ne sont pas introduits et qui n’ont pas pu s’inscrire dans d’autres spécialités, se retrouvent échoués ou forcés de s’inscrire en mathématiques.

 Il ne s’agit pas d’accueillir tout le monde à l’Université, mais ceux qui sont aptes à y entrer. Les années scolaires rétrécies et les programmes surchargés ont amené le ministère de l’ Education, sous la pression des lycéens, à examiner les postulants au Bac sur la base d’un programme mutilé qui fait que les futurs bacheliers atterrissent à l’université handicapés par des connaissances fondamentales censées être acquises au lycée. Et pourquoi à l’entrée de l’Université, le MESRS ou les enseignants du supérieur ne refusent-ils pas ces étudiants d’un niveau de Bac de complaisance ? Au vu des quelques milliers de professeurs de rang magistral disponibles dans nos universités, le seuil dépassé du million d’étudiants relève de «l’euphorie».

4. SUGGESTIONS SUCCINCTES

Durant le second semestre des études, nous passons plus de temps à examiner et à surveiller les examens que d’enseigner un «savoir» aux étudiants. Ainsi, nous confirmons la théorie d’Einstein, celle du «rétrécissement du temps». Ce semestre d’études n’est même pas un trimestre de dispense de cours, il est devenu un «bimestre». Je suggère que : -à la fin de chaque semestre, pour chaque module et d’une durée de deux heures, un seul examen ou EMD soit programmé.
 Prévoir d’autres examens inutiles, harassants, du genre rattrapage, appelés aussi «contrôle continu», engendre un retard énorme dans la dispense des cours et la bonne marche pédagogique. -L’on prolonge d’une année la scolarité en licence. La licence soit délivrée au bout de quatre années d’études pour pouvoir combler les lacunes des étudiants, lacunes qui sont énormes. Certains étudiants de la troisième année de licence de mathématiques ne savent pas encore pourquoi on détermine un «vecteur directeur» d’une droite, cours du niveau de la première année secondaire. Ainsi, l’emploi du temps des études sera bien ventilé et aéré. L’étudiant aura plus de temps à se préparer, à revoir ses cours, aller à la bibliothèque pour consulter la bibliographie du module dispensé, aller aux salles d’Internet et d’informatique, à faire du sport, à jouer du «Stradivarius» et autres.
 Cette prolongation des études peut donner des chances aux étudiants, de les voir adopter des techniques modernes, d’utiliser de nouveaux produits tels les logiciels de mathématiques et bien d’autres. Une personne plus instruite assimile plus vite l’information nouvelle et applique plus efficacement des procédés nouveaux et des facteurs de production nouveaux auxquels elle n’est pas habituée.

 Selon un rapport de la Banque mondiale, la prolongation de la scolarité d’un an peut entraîner une augmentation de salaires de plus de 10% et à augmenter la production agricole de près de 2% dans certains pays [01]. -l’on prolonge d’une année la préparation du Doctorat et autoriser au cas échéant le doctorant à présenter sa thèse au bout de la cinquième année. - Comme la mathématique est devenue une spécialité où les étudiants ne se hasardent pas et pour brasser les meilleurs étudiants, il faut revaloriser cette science exacte à sa juste valeur en octroyant aux professeurs de mathématiques des salaires équivalents à ceux d’un médecin spécialiste ou d’un pharmacien installés en privé ou d’un avocat ou d’un notaire, salaire de 4.000 euros ou plus, soit 440.000 DA. Vous allez voir la ruée des étudiants sur cette spécialité. - Il faut dépenser beaucoup plus dans l’éducation que dans l’Enseignement supérieur.

 Il faut faire de l’Enseignement secondaire un «vivier» de l’Enseignement supérieur.

 Le système LMD deviendrait le système qui se préparera respectivement en 4-2- 4 années.

 Le 4-2- 4 nous fait rappeler cette tactique du football brésilien appelé style «Carioca», style de jeu qui a fait quatre fois championne du monde l’équipe du Brésil. Le choix et la formation des responsables sont des éléments déterminants dans l’implantation du LMD. Nous ne pouvions espérer des changements scientifique et technique de quelque importance tant qu’une sélection démocratique n’enverrait pas les enseignants chercheurs, les plus jeunes, les plus dynamiques, les plus solides, parmi ceux disposant de bonne santé mentale et physique, les plus qualifiés aux organismes centraux et à la direction des établissements universitaires. Le MESRS fait monter aux fonctions scientifiques de responsabilité des hommes et des femmes à opinions conservatrices au sens où ils n’arrivent plus à suivre le rythme infernal de la science. Ces responsables ne dispensent presque plus de cours et ne publient plus ou ne publient que rarement.

 Par «Appel à Candidatures», il faut donner des chances à des enseignants chercheurs nouveaux, à ceux qui étaient les plus capables sur le plan scientifique, les plus expérimentés sur le plan pédagogique, à des enseignants qui, en même temps, avaient la confiance de leurs collaborateurs.

CONCLUSION

Les enseignants chercheurs doivent accomplir la mission de transmettre du savoir et d’avancer dans l’espace et le temps.

Le système LMD a fait l’objet de nombreuses publications dans les quotidiens nationaux.

Avec une rétention d’information et faute de statistiques fiables, rares sont les articles qui proposent aux lecteurs une analyse des établissements universitaires. Une étude sur l’origine sociale des étudiants serait d’une grande utilité, pour pouvoir expliquer les ruées vers certaines spécialités et pas d’autres. Les pays qui se sont attachés de longue date à développer l’enseignement ont aujourd’hui les économies les plus avancées.
Au lire du classement des Universités algériennes dans le monde, on peut conclure qu’un pays qui ne renouvelle pas profondément ses classes dirigeantes, en particulier les responsables de la centrale MESRS et des Universités, risque de perdre pied dans la compétition internationale.

*Universitaire

Référence:
[01] Rapport sur le Développement dans le monde 1991. Le défi du Développement. Indicateurs du Développement dans le monde. Banque mondiale, Washington, 1991, p.66.