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L’Algérie célèbre ces jours-ci les journées nationales du patrimoine. Que reste-t-il de notre patrimoine ? Je reviens un peu en arrière pour mieux comprendre comment nos concitoyens, avec spontanéité et le souci de bien faire les choses, réagissent pour préserver notre patrimoine. En 2007 un conseil de village d’Ait Ha-fedh a décidé de détruire la dernière mosquée qui porte la mémoire de tout un village, pour en construire une autre toute neuve. Cette mosquée, selon Boutellâa Cherif, un membre actif de l’association du village, a été construite avant 1921 par les gens du village et en 1921 Cheikh Elmouloud Elhafidhi, un membre fondateur de l’association des Oulamas, était présent à l’extension de cette mosquée.
A vrai dire, les villageois n’arrivent pas à situer exactement la date de la fondation de cette vieille mosquée et pourtant ses murs portent les séquelles des histoires que nos ancêtres avaient vécues. Elle était un lieu qui regroupe toutes les générations confondues autours des évènements divers. Une décision qui a surpris beaucoup de villageois, y compris ceux qui vivent loin de leur village. Dans le même village, quelques années en arrière, plus exactement en 1973, l’ancienne mosquée de « Thaderth » (du village), qui a été construite par Cheikh Si L’hocine Wanou en 1735, à l’époque la construction de cette mosquée était l’occasion de regrouper cinq villages, qui faisaient la guerre contre les autres villages, a été sujette de démolition pour cause de la dégradation de la construction. A cette époque, certains villageois avaient opté pour la démolition et la construction d’une autre à la même place et d’autres auraient préféré construire une autre mosquée ailleurs. Au final, la mosquée a été détruite et une nouvelle a été construite, mais sans aucun respect de notre architecture locale ! A terme cette pensée dichotomique, entre le noir et le blanc, il n’y a plus de couleur, entre démolir et démolir, il n’y a pas rénovation, restauration, réhabilitation, etc. Ils choisissent la facilité, démolir et construire, comme l’ont fait les autres villages. Où est la créativité, qui s’imprègne du patrimoine culturel local et qui intègre les dimensions modernes de la construction ? L’absence de « conscience identitaire et culturelle » est perceptible via l’architecture des maisons et les vues panoramiques des villages. Certains villageois s’égarent dans la culture du « paraître » et aspirent « à être et/ou faire mieux que l’autre », sans respect de notre identité, ni celle de l’harmonie du village. Nos villages perdent leur charme architectural d’autrefois. Les matières de construction, les tuiles romaines, qui ancrent nos villages dans la culture méditerranéenne disparaissent, laissant la place au béton sauvage, sans imagination, un ensemble d’emboitement de puzzles sans âme. Cette nouvelle architecture ne s’imprègne ni de la modernité, ni de notre culture locale ! Quelle sera la toponymie de nos villages d’ici la fin de ce siècle ? Après avoir perdu l’architecture de nos ancêtres et effacer leurs traces dans notre patrimoine aux quotidiens, peut être le nom de nos villages seront-ils un jour changé pour effacer le peu qui reste ? Les mutations rapides que subissent nos villages imposent une réflexion sur l’aménagement du territoire, qui est quasi-absent dans certaines de nos villes, mais également dans nos villages. Quelle spécificité donnera-t-on pour chaque région pour qu’elle réussisse à mettre en avant ses atouts touristiques et mémoriels ? En Kabylie, comme ailleurs, les constructions se ressemblent, c’est une forme d’uniformisation architecturale (c’est le reflet de l’uniformisation de la pensée, pensée unique), qui fait perdre la spécificité culturelle de chaque région. Par ailleurs, au moment où on assiste, dans les pays du nord de la méditerranée, au retour à la matière de construction écologique, chez nous on fait le chemin inverse. Lorsque je voyage dans le bassin méditerranéen, je constate que leurs villages sont réaménagés, restaurés, adaptés mais sans nier leur histoire et leur identité architecturale, ni mémorielle. De plus, l’inculturation des lieux de mémoire forcement peut accélérer la démolition des vestiges archéologiques. Les richesses que notre région et notre pays possèdent, car à ce jour nous n’avons pas encore parlé des sites romains, ni des autres cultures et civilisations, qui sont malheureusement dans l’abandon total, quelques traces isolées, que nous trouvons, mais sans leur donner suite, doit être enseigné au niveau local pour que les générations montantes soient conscientes de l’enjeu de ces lieux et de ce patrimoine. A ce niveau, l’école algérienne, malheureusement cultive l’ignorance totale, par mégarde l’école produit l’inculturation et le déracinement. Ce n’est pas étonnant de voir des jeunes qui cherchent à comprendre leur histoire, au moment où d’autres essayent de combler ce vide en lui donnant une autre identité et racine loin de l’histoire authentique de notre pays. Si nos ancêtres nous ont légué leur histoire, via les lieux et les objets, les contes, etc., bref, matériel et immatériel notre responsabilité est de le transmettre et de leur donner un sens, car si ce sens n’aura pas lieu, dans un siècle notre histoire sera enterrée dans le cimetière des oubliettes ! * Neuropsychologue et Auteur |
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