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La fuite en avant
des dépenses publiques a créé un gros risque systémique : l'insoutenabilité des
ressources à moyen terme pour l'Algérie. L'initiative Nabni revient au
printemps 2012 comme prévu pour faire réfléchir l'ensemble des acteurs de
l'avenir algérien sur les solutions à engager. Le ton de son porte-parole,
Abdelkrim Boudra, est cette fois plus alarmiste. Normal, la réforme est restée
en rade depuis les 100 propositions pour 2012.
L'initiative Nabni revient avec cinq rapports thématiques et une prospective sur l'Algérie de 2020. Mais que sont devenues vos 100 propositions de réformes à réaliser durant l'année du cinquantenaire ? Après la publication de nos propositions le 13 juillet 2011, nous avons transmis notre rapport des 100 mesures à l'ensemble des partie prenantes : pouvoirs publics, partis politiques, associations, personnalités politiques? Nous avons été reçus par quelques-uns, les propos furent polis mais nous n'avons eu, à de très rares exceptions près, aucun échange de fond sur nos propositions. Quelques mois après, nous constatons que peu de réformes sont conduites de manière sérieuse. Malheureusement le fossé se creuse entre les préoccupations des citoyens et le niveau de réponse des gouvernants. Durant le long processus de production de vos propositions votre réseau a beaucoup insisté sur la qualité de la gouvernance pour déployer des réformes économiques et institutionnelles. La récente campagne électorale a encore montré, au moins par son issue, que l'enjeu de qui gouverne écrase celui des idées. Est-ce que Nabni maintient en 2012 son focus sur le «que faire», plutôt que sur le «comment faire» ? Nous n'avons pas d'autres choix que de travailler dans les deux directions. Le thème de la Gouvernance de l'Etat et des institutions est en fait le thème phare de notre vision Algérie 2020 que nous allons exposer dans les semaines à venir. Nous le présenterons symboliquement au moment du cinquantième anniversaire de l'indépendance nationale pour signifier son importance, car il est structurant et fondamental pour la réussite de tous les chantiers que nous aurons proposés d'ici là: économie, emploi, éducation, santé, protection sociale et vivre ensemble. La refonte de la gouvernance publique est le préalable au développement futur de notre pays. Si l'on ne réforme pas les institutions, il y a peu de chance de mener les politiques nécessaires et de mettre le pays sur la voie du développement. Nous demeurerons prisonniers de la rente. Mais nous ferions une grave erreur en sous-estimant le travail sur la production de solutions. L'Algérie est un pays qui a beaucoup perdu de ses capacités de réflexion et de production de politiques publiques. Regardez la qualité des textes publiés dans le Journal officiel et comparez-les avec ceux publiés dans les années 70 et 80. C'est l'un de nos grands défis de réunir les Algériens dans l'exercice citoyen de proposer des solutions. Vous avez programmé le lancement d'un observatoire pour évaluer les politiques publiques. Est-ce qu'il ne s'agit pas là d'une grande urgence, lorsqu'on voit combien les décisions du gouvernement paraissent peu documentées. Comme le montre, pour citer un exemple, la décision sur l'obligation du chèque reportée à deux reprises ? Il n'y a aucune culture de l'évaluation des politiques publiques chez nous. Nous avons par exemple mené une réforme du système éducatif en 2002, avez-vous vu publier une quelconque étude qui en évalue les résultats ? Instaurer la culture de l'évaluation suppose d'instaurer le principe de «redevabilité», de reconstruire les institutions en charge de concevoir et de mettre en œuvre les politiques publiques (administration, associations, partis, syndicats?) et surtout que l'Algérien se réapproprie sa citoyenneté. Dans le cadre du volet Gouvernance de la vision Algérie 2020, nous proposerons des mesures très concrètes pour développer la culture de l'évaluation d'impact. Et pour permettre à des institutions indépendantes de l'exécutif de pouvoir renseigner les citoyens et leurs représentants élus sur l'impact réel des politiques publiques, l'efficacité des administrations, la réalité de mise en œuvre des programmes du gouvernement ainsi que leur qualité, telle que la vivent les citoyens. Le cas du report de l'obligation du paiement par chèque est malheureusement un autre exemple de la détérioration des capacités de l'Algérie à régler ses problèmes de manière sérieuse. Quel est le scénario de risque le plus systémique qui guette l'économie algérienne en 2020 ? Une perte totale des capacités du pays et un débordement social incontrôlable sont inévitables si les politiques économiques et sociales ne sont pas profondément ajustées pour accélérer le développement et réduire la dépendance à la rente pétrolière et gazière. La politique de fuite en avant depuis le début de l'année 2011, avec une distribution inconsidérée de la rente, a provoqué une hausse de plus de 50% des dépenses de l'Etat. Aujourd'hui, l'Etat finance son budget de fonctionnement largement par la fiscalité pétrolière (près de 70 USD) - C'est un risque énorme que nous prenons. Et il faut sans cesse rappeler que construire une politique de l'offre nécessite du temps et qu'elle est hautement plus compliquée que de distribuer la rente et augmenter la dépense publique. Vous voulez dire que les politiques publiques continuent à être mal orientées de ce point de vue ? Pour s'en convaincre il n'y a qu'à se poser la question avec quels acteurs allons-nous affronter 2020. Les entreprises perdent de leur compétitivité, la ressource humaine est moins bien qualifiée, l'administration est de plus en plus bureaucratique? Sans développement du secteur privé, et donc de l'offre, le résultat est également une inflation galopante et une hausse vertigineuse des importations. La croissance est tirée par les dépenses publiques dont le niveau est insoutenable à moyen terme. Qui plus est, cette croissance est peu créatrice d'emplois durables. C'est ce qui explique que malgré les milliards dépensés, la situation sociale demeure aussi délétère, même si les revenus des ménages ont crû durant la décennie passée. Sans profondes réformes, notre économie va demeurer prisonnière de la logique rentière et le mécontentement social va aller croissant. Il y a urgence d'amorcer un processus de croissance diversifiée et créatrice d'emplois durables. C'est une tâche énorme. La dépendance aux revenus d'hydrocarbures ne nous y aide pas, même si cette rente nous donne les moyens d'entamer ces réformes de fond et investir dans l'avenir. C'est précisément sur ces "grands virages à prendre" dans les années à venir que nous concentrerons les propositions Algérie 2020. Ces dernières prendront la forme de "50 chantiers de rupture" pour accélérer le développement et sortir de la dépendance à la rente pétrolière. |
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