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Beaucoup espéraient que le sanglant bras de fer qui
se déroule depuis plus d'une année en Syrie épargne un Liban fragile qui a eu
son compte de déchirements et de conflits. Il y a eu, jusque-là, des incidents
à la frontière, des lots d'armes destinés à l'opposition syrienne saisis, des
incursions de l'armée syrienne? Ils ont été contenus vaille que vaille par une
sorte de consensus non écrit entre les forces politiques de ne pas aller
au-delà des prises de positions politiques.
Pourtant, et à mesure que les choses se durcissent en Syrie, le conflit déborde au Liban et sur des bases confessionnelles. La ville de Tripoli, au nord du pays, était notoirement sous tension avec des affrontements entre sunnites et alaouites qui ont fait une dizaine de morts. La tension a été ravivée, dimanche, par la mort de deux cheikhs sunnites tués dans un barrage dans des circonstances qui suscitent la controverse. Les violences se sont étendues jusqu'à Beyrouth, où les partisans de Saad Hariri se sont attaqués à un petit parti sunnite partisan du président Al-Assad, faisant deux morts. Le Liban commence, peu à peu, à être happé par la crise syrienne, confirmant les plus sombres des projections. L'effort, relatif, accompli par les différents responsables politiques libanais pour garder le pays loin des sanglants tumultes de la Syrie est d'une grande fragilité. Les dirigeants des partis politiques libanais semblent désormais sous pression de leurs rues qui les poussent à des extrémités dangereuses. Le fait que l'armée soit désormais entraînée, en raison d'un incident grave mais dont on ne connaît pas réellement les circonstances, dans une sorte de réarmement des divergences confessionnelles, est plus qu'inquiétant. L'armée libanaise, dans un contexte de divergences politiques aiguës et fortement alimentées par des considérations stratégiques externes, a un rôle stabilisateur. La mettre en cause, sans attendre une connaissance exacte des circonstances de l'incident, ne sert pas les Libanais qui ont besoin d'une institution plus ou moins rassembleuse. Or, l'opposition libanaise, dirigée par Saad Al-Hariri, paraît dans une optique d'escalade en mettant en cause les « alliés » de la Syrie au Liban. L'armée libanaise - qui a déploré l'incident et promis une enquête - est même accusée de travailler pour le régime syrien. Beaucoup de Libanais, qui se souviennent que la guerre civile a commencé avec ce genre d'incident et par des déclarations incendiaires, se sont réveillés avec une forte appréhension. Comme toujours dans ce genre de situation, les uns dénoncent une volonté syrienne de créer des problèmes au Liban, ce qui n'est pas forcément exclu ; d'autres relèvent que le pays, fortement miné par le confessionnalisme institutionnalisé, n'a besoin que d'une dose d'irresponsabilité de ses propres hommes politiques pour basculer. Et dans ce domaine, le Liban est malheureusement trop bien servi. Faire tout pour ne pas être entraîné dans la crise syrienne était une option de sauvegarde de bon sens, même si l'on n'apprécie guère le régime syrien. Le Liban doit tout simplement tenir compte de ses propres fragilités, qui elles sont réelles et ne relèvent pas d'un complot syrien. |
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