Proche de François Hollande, Benjamin Stora, historien spécialiste de
l'Algérie, et dans un entretien accordé, ce samedi, au journal en ligne
Mediapart, a conseillé, en quelque sorte, le nouveau président français de
jouer la carte de l'apaisement avec l'Algérie. Une sortie synchronisée presque
sur le dernier discours de Bouteflika, à Sétif, à l'occasion de la
commémoration des massacres du 8 Mai 1945 commis à Guelma, Sétif et Kherrata,
où il a appelé à en finir avec la guerre des mémoires et de tourner la page.
L'historien estime que François Hollande doit faire des «gestes d'apaisement mémoriel»
en direction de l'ancienne colonie, et ce pont doit passer, entre autres, par
la reconnaissance officielle du 17 octobre 1961 défendue par le candidat
socialiste Hollande lorsqu'il s'est rendu, accompagné de Benjamin Stora, le 17
octobre 2011 dernier sur le pont de Clichy, où des Algériens ont été jetés dans
la Seine. Ce geste d'apaisement est également celui d'une réponse donnée à la
perche tendue par le président algérien, qui ne fait plus de la repentance une
condition sine qua non pour dépassionner les relations entre les deux pays. Le
natif de Constantine affirme que la question de la mémoire, contentieux qui a
longtemps envenimé les rapports bilatéraux, est un préalable pour éviter toute
accusation de pratiques «néocolonialistes». Une question ravivée après la loi
de 2005 sur les aspects positifs de la colonisation et des relations devenues
conflictuelles entre les deux capitales, principalement sous le mandat de
Sarkozy qui a multiplié les maladresses contre Alger en essayant désespérément
de s'allier les voix des nostalgiques de l'Algérie française et des harkis. La
gauche avait demandé l'abrogation de cette loi et Jean-Marc Ayrault, le
président du groupe socialiste à l'Assemblée française, est d'ailleurs
particulièrement sévère lorsqu'il explique ses motivations: «L'article que nous
voulons abroger est une faute politique et une aberration éducative. Il n'aide
pas notre pays à regarder lucidement son histoire. Il réhabilite le bon vieux
temps de la coloniale et occulte les violences, les exactions». Cette prise de
position de la gauche, vers qui l'Algérie garde encore des rancoeurs
historiques, encouragerait le nouveau locataire de l'Elysée à entreprendre des
démarches franches à même de relancer à nouveau les relations bilatérales. M.
Stora a tenu à rappeler, dans cet entretien, que François Hollande a déjà
plaidé pour que la France présente ses excuses pour son passé colonial et pour
qu'il soit condamné sans réserve. Mais est-ce pour autant un pas vers la
repentance. Selon toute vraisemblance, la première visite d'Etat de Hollande,
en dehors de ses engagements européens, devra être l'Algérie à l'invitation de
Bouteflika. L'homme se dit «l'ami de l'Algérie» et devra, à cette occasion,
reconnaître les crimes commis contre le peuple algérien. Une hypothèse qui ne
fait pas l'unanimité chez Benjamin Stora, qui souligne qu'avant de s'excuser,
il faut au préalable une reconnaissance officielle de ce qui s'est réellement
passé. «Les gens n'imaginent pas à quel point on n'en est qu'au stade de la
connaissance des faits», indiquera encore l'historien, pour qui «il n'y a
jamais eu de déclaration officielle française sur les exactions commises
pendant la guerre d'Algérie» et rappelant que François Hollande a dit qu'il
«était prêt à faire un geste».