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Présidentielle française : ouf !

par Pierre Morville

Ça y est, c'est fait, l'alternance politique s'est enfin réalisée dans la vieille République française.

La Vème République, dans sa sixième décennie entamée (contre les plus de huit décennies de la IIIe République), n'a connu que deux présidents de gauche (contre 5 de droite), les deux François, Mitterrand et Hollande, le 1er à deux reprise en 1981 et 1987, le second le 6 mai 2012.

Pour les vieux crétins qui se souviennent de la nuit de victoire fêtée à la Bastille le soir du 10 mai 1981 et le rassemblement qui s'est déroulé sur la même place symbolique de la Révolution française, le 6 mai dernier, il y avait tout à la fois des similitudes et des différences. Comme il y a un peu plus de trente ans, la foule était massive, heureuse et sans animosité. De nouveau, beaucoup de jeunes étaient présents, alors qu'on les voit peu, tant dans les bureaux de vote que dans les meetings politiques ou dans les manifestations syndicales. Bref, le peuple de gauche était rassemblé, et bien au-delà. Mais contrairement à la foule de 1981, tout aussi joyeuse, la centaine de milliers (ou plus) de citoyens rassemblés le soir du 6 mai 2012 manifestait leur grande satisfaction avec un réalisme étonnant : ce n'était pas le Grand Soir mais plutôt la satisfaction de se retrouver ensemble, plus forts mais conscients des épreuves à venir.

REALISME MAIS VRAIES ATTENTES

François Hollande ne doit pas s'y tromper. Ses électeurs, et par-delà le peuple français, n'attendent pas de miracles ni n'espèrent une sortie rapide de la crise qui va perdurer longtemps. Ils exigent néanmoins de vrais « changements, maintenant », pour reformer la situation critique de la France et surtout rétablir un certain sens de la justice et de l'égalité, notamment dans les efforts demandés à tous. François Hollande, dont les marges de manœuvre sont terriblement limitées, sait qu'il bénéficiera, un temps, de la bienveillance des Français, mais celle-ci s'amoindrira si quelques transformations, parfois même plus symboliques que réelles, ne s'opèrent pas ou pas assez vite. Bref, il y a du boulot ! Le nouveau président a d'ailleurs joué cette carte, entamant un vaste cycle de réunions, coups de téléphone, rendez-vous en France et à l'étranger.

Convaincre ses interlocuteurs internationaux de la pertinence de sa candidature, n'avait pas été l'épisode le plus réussi de sa campagne : la plupart des gouvernements européens avaient fait mine de l'ignorer, les Chinois l'avaient, par leurs médias officiels, jugé comme « inexpérimenté » ; Obama avait, à la dernière minute par une conversation surprenante et médiatisée, apporté son coup de pouce à la candidature de Sarkozy !

Mais l'analyse des sondages puis des résultats électoraux ont incité nombre d'experts et de commentateurs distingués, ainsi que beaucoup de chefs de gouvernement, à réviser leurs jugements hâtifs sur le « camarade Flamby », François Hollande, qui n'avait jamais réussi à même être ministre.

Bien plus, le « pacte de croissance » proposé par le nouveau président élu, au cours de sa campagne, a soulevé l'adhésion de nombreux gouvernements de droite, essentiellement dans le sud de l'Europe, qui n'en peuvent plus des diktats d'austérité de Mme Merkel.

Celle-ci a consenti à envoyer ses félicitations au nouveau président. Ils se rencontrent la semaine prochaine. Rendez-vous plutôt musclé. Angela, qui va bientôt affronter des élections décisives, ne voudra rien céder. De l'austérité, rien que de l'austérité. Mais le rapport de force avec la France n'est plus le même : et en Allemagne même, des critiques surgissent dans l'opposition social-démocrate, parmi les salariés et même dans une frange significative des chefs d'entreprises qui constatent les effets très négatifs de l'actuelle récession européenne pour les produits et services allemands qui s'exportent très majoritairement au sein de l'UE.

Un fois les premiers contacts pris avec la chancelière allemande, François Hollande s'envolera vers les Etats-Unis, pour être reçu à Camp David par Barak Obama, avant une réunion du G8 les 18 et 19 mai, suivie à Chicago par un sommet de l'Otan les 20 et 21 mai.

Là encore, il y aura parmi les chefs d'Etat certainement beaucoup de questionnements sur ce nouveau chef d'Etat français peu connu, peut-être un peu de sympathie mais certainement beaucoup d'appréhension.           Sauf en Amérique latine, où le sud-continent est très franchement « hollandiste ».

BIENTOT LES LEGISLATIVES

Entre-temps, le nouveau président devra régler quelques menues broutilles, comme la composition de son gouvernement et la préparation des législatives qui se dérouleront en juin prochain. Sur le futur gouvernement et le choix du Premier ministre, le Chroniqueur de Paris vous livre un authentique scoop : le choix est dans la seule tête de François Hollande et toutes les rumeurs qui courent ne sont que bavasseries de cour d'école.

Il n'empêche pas moins que le choix du Premier ministre, et plus largement la composition du premier gouvernement, vont indiquer les choix faits par François Hollande pour constituer sa majorité, qui devront être nécessairement confirmés par les élections législatives, celles-ci devant lui donner une majorité de députés favorables à sa politique. Quel Premier ministre ? Un profil plutôt technique, d'un proche comme Jean-Marc Ayrault, responsable du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, mais jamais ministre ? Martine Aubry, une vraie politique, plus à gauche mais pas du tout proche de Hollande ? Manuel Vals, un jeune quinqua mais très à droite de l'échiquier socialiste ? Quel gouvernement ? François Hollande a déjà imposé la règle de la parité : autant de femmes ministres que d'hommes. Mais où va-t-il chercher ses ministres hors du Parti socialiste ? Les Verts répondent déjà « présents ». Le Front de Gauche de Mélenchon et du Parti Communiste font le choix, aujourd'hui, du soutien sans participation. Et au-delà ? Allez ! Le Chroniqueur de Paris fait un pari et livre un nouveau scoop : il y aura un ministre de la Santé qui viendra des rangs du Modem du centriste François Bayrou.

Restent enfin les élections législatives elles-mêmes. Lionel Jospin, ex-Premier ministre socialiste et de cohabitation de Jacques Chirac, avait inventé cette machinerie stupide et à très haut risque qui voyait le septennat présidentiel ramené à un quinquennat, et à faire coïncider les échéances, les élections législatives devant suivre de très près l'élection présidentielle. Double stupidité qui contraint de choisir entre un Parlement aux ordres du Président, ou la succession de « cohabitations » entre un Président et une chambre qui ne sont pas de la même couleur politique.

L'UMP peut-elle conquérir la majorité à l'Assemblée nationale lors des élections législatives de juin prochain ? On peut en douter pour trois raisons : les électeurs souhaitent rarement se dédire à quelques semaines près ; les candidats de droite seront talonnés par des candidats du Front national qui feront tout pour miner l'UMP et réorganiser la droite autour de Marine Le Pen ; ils seront aidés en cela par le climat de haine interne entre les différents courants et sensibilités de l'ex-parti majoritaire, qui a bien évidemment du mal à avaler la défaite de son champion.

EN ALGERIE AUSSI UNE ELECTION

Aujourd'hui, les électeurs algériens se rendront aux urnes pour des élections législatives à un tour visant à élire les 462 députés de l'Assemblée nationale algérienne. Dans le grand bouleversement du monde arabe, ces élections prennent un relief particulier. Le 9 février dernier, le Président Bouteflika avait lui-même expliqué les enjeux de ce scrutin pour le pouvoir : il faut montrer que l'Algérie change et s'adapte aux mutations générales.

Antonin Tisseron, chercheur à l'IFRI, note que « cette ouverture a déjà été illustrée par la suppression de l'état d'urgence en février 2011 et des réformes annoncées par Bouteflika le 15 avril suivant, sur une révision de la Constitution, une refonte de la loi sur les partis et de celle sur les associations, et la promotion d'un nouveau code de l'information. Elle est en quelque sorte la suite politique des mesures économiques et sociales destinées à réduire des manifestations de mécontentement en augmentation durant les premiers mois de l'année 2011, notamment en ce qui concernait les denrées de première nécessité ».

Le Président Bouteflika a lui-même insisté sur les enjeux de ce scrutin le 19 janvier dernier, anniversaire des Accords d'Evian, dans un message aux électeurs algériens : « J'ai tout espoir, déclarait-il, que les prochaines élections verront une participation massive des enfants de la Nation avec l'engouement et l'enthousiasme qui avaient poussé ces derniers un certain jour de 1962 à exprimer leurs voix lors du référendum d'autodétermination ».

Libéralisation aidant, l'offre politique s'est en effet quantitativement accrue : le 24 janvier dernier, le ministre algérien de l'Intérieur annonçait « autoriser dix nouvelles formations politiques à tenir leur congrès constitutif, dans la foulée d'une nouvelle loi sur les partis votée en décembre 2011, note Antonin Tisseron. Deux mois plus tard, le 18 mars, ce sont sept nouveaux partis qui ont été « approuvés », pour un total de quarante formations pouvant participer aux élections.

Quarante formations politiques, quarante programmes distincts pour 36,3 millions d'Algériens et peut-être une vingtaine de millions d'électeurs inscrits, cela fait peut-être beaucoup pour le citoyen de base, d'autant que la participation lors du dernier scrutin législatif en mai 2007 ne fut que de 35,51%, l'un des plus bas enregistré depuis l'indépendance.

« Abondance de biens ne nuit pas », rétorqueront les optimistes et ils n'ont pas tort. Toutefois, sur le contenu des programmes proposés, « l'autre grande inconnue (après la participation, NDLR) est le poids des islamistes dans la future assemblée. Il faut dire que pour les membres de ces partis, galvanisés par les résultats électoraux en Tunisie, au Maroc et en Egypte, l'heure est aux recompositions et à l'espoir du changement », remarque le chercheur de l'IFRI.

Ainsi, les islamistes du Mouvement de la société pour la Paix (MSP) ont quitté, tout en restant au gouvernement, la coalition gouvernementale, l'Alliance présidentielle, dont ils faisaient partie depuis 2004 aux côtés du FLN et du RND, pour constituer avec deux autres partis islamistes, El-Islah et Ennahda, « l'Alliance de l'Algérie verte ». Que pèsera cette alliance ? De peu de voix, selon des sondages parus début avril. Mais l'élargissement du débat politique est entamé en Algérie.

Dans les éléments de débat, il serait peut-être temps de mettre un terme aux vieilles querelles franco-algériennes. La victoire de François Hollande contre Nicolas Sarkozy a été également la sanction du discours du président sortant qui avait, de façon obsessionnelle, stipendié l'immigration, notamment l'immigration maghrébine, et plus généralement avait mis en cause les millions de musulmans en France, qu'ils soient citoyens français ou non. C'était inacceptable. La communauté musulmane française ne s'y est pas trompée.

Dans certains sondages, elle aurait voté à 93% pour le candidat socialiste.

Le président sortant s'est également distingué en menant une pseudo « politique arabe » peu compréhensible, soutenant jusqu'aux derniers jours le dictateur tunisien Ben Ali, pour quelques mois plus tard organiser un putsch en Libye avec les troupes anglo-américaines.

L'Algérie et la France sont des partenaires naturels, géographiquement, économiquement, culturellement et historiquement : l'Islam est la seconde religion de France ; la communauté algérienne, par ascendances diverses, est de loin la première, avant la communauté portugaise, historiquement très importante en France. La Méditerranée n'est pas un obstacle ou un mur, c'est un lien ancestral. C'est pour cela qu'il est important que soit fêté avec la plus grande considération le cinquantième anniversaire de l'indépendance algérienne. Il faut espérer que l'Etat français sera représenté au plus haut niveau pour sceller enfin une amitié définitive.