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Avec un taux d'abstention élevé, le FLN, qui dispose
d'un électorat constant, l'a emporté sans surprise. Les commentaires, parfois
insultants à l'égard des Algériens qui auraient mal voté, fleurissent sur le
net. Ils relèvent, eux aussi, du déjà-vu. Sur le mode du «on s'est trompé de
société» dans un contexte qui semble moins grave. On imagine comment les
Algériens auraient été traités s'ils avaient donné plus de poids aux
islamistes.
Ce n'est pas nouveau : dans nos élites prétendument éclairées, on confond les désirs avec la réalité. On est dans l'épidermique et non dans la réflexion. L'arithmétique est implacable et elle ne correspond pas toujours aux calculs et aux souhaits. Une assemblée nationale est le produit des votants et non de l'ensemble du corps électoral. Les électeurs traditionnels du FLN ont voté et le parti a fait le plein. L'Alliance verte n'a pas réussi à drainer un électorat islamiste, qui s'est surtout retrouvé dans le camp anomique de l'abstention. Outre l'incidence de l'appel des dirigeants de l'ex-FIS, cet échec est une sanction à l'égard d'un islamisme agréé participationniste incarné par le MSP. L'électorat islamiste, contrairement à celui du FLN, ne s'est pas mobilisé. Les dirigeants de l'Alliance verte ont crié à la fraude. Il leur revient, bien entendu, d'en apporter les preuves. Mais il leur sera difficile d'occulter que leur statut de locataire toléré au gouvernement au sein de l'Alliance présidentielle les a grandement desservis. Si les électeurs du FLN et du RND trouvent «normal» que leurs partis soient au gouvernement, cela n'est pas le cas des électeurs islamistes. Le MSP avait déjà perdu beaucoup de cadres et de militants écœurés que leur parti puisse soutenir, en 1999, le «candidat du consensus» Bouteflika, après que feu cheikh Mahfoudh Nahnah eut été interdit de participation. La tendance s'est renforcée avec une participation au gouvernement où, contre quelques promotions individuelles, le MSP a été contraint d'avaler des couleuvres. Finalement, les «gains» gouvernementaux très relatifs se sont traduits par une crise du militantisme? Les cadres «FM», souvent bien formés, se sont retirés discrètement au fil des années sans faire d'esclandre. Et dans certains quartiers d'Alger où il arrivait jusqu'à tenir tête au FIS au temps de son ascension, le MSP s'est retrouvé incapable de trouver des candidats aux municipales. La crise du militantisme est d'ailleurs générale, elle touche aussi la gauche, les démocrates? ou les laïcs présumés. Le niveau élevé de l'abstention exprime bien une défiance générale à l'égard du système politique en place. Mais la crise de vocation militante, qui n'est pas totalement réductible à l'autoritarisme ? on milite aussi sous les régimes autoritaires ! ?, ne permet pas de lui donner un contenu politique. C'est ce qui fait que certains se réveillent groggy en constatant ? ou en refusant de le faire ? que l'abstention ne perturbe pas le régime, qu'elle conforte même le parti qui dispose d'un réservoir d'électeurs constant, qu'il soit dirigé par Belkhadem, Benflis ou quiconque. Il a manqué à l'abstentionnisme un contenu politique. Celui-ci ne peut pas être le produit d'un miracle et encore moins d'un renoncement militant. Est-il utile de rappeler que, hormis le combat admirable mené par les militants syndicaux ou par les militants des droits de l'homme, la contestation en Algérie reste au niveau de l'émeute, violente et vaine ? Ceux qui insultent les Algériens et les traitent de tous les noms devraient se réveiller. Le FLN a ses électeurs. Arithmétiquement, ils ne sont pas majoritaires? si l'on prend en compte le corps électoral. Mais le vote, ce sont les suffrages exprimés. Il y a donc une majorité d'abstentionnistes à conquérir? pour ceux qui acceptent de militer et de se battre pour une démocratisation réelle du pays. La victoire du FLN est le produit d'un étouffement politique imposé pendant plus de deux décennies. Mais il serait erroné de nier qu'elle est aussi l'effet d'une lourde crise de vocation militante? |
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