|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Les
fonctionnaires de la justice, à leur tête le corps de greffe, ont entamé hier
une grève nationale de trois jours. Contrairement au débrayage de fin février
2011, qui était plutôt improvisé, celui-ci intervient à l'appel d'un syndicat,
le Conseil national des fonctionnaires de la justice, affilié au syndicat
autonome Snapap.
En effet, samedi 31 mars dernier, cette section syndicale avait, au terme d'une réunion tenue à la Maison des syndicats de Dar El-Beïda, donné au ministère de tutelle un ultimatum jusqu'au 10 avril pour la concrétisation de tous les engagements qu'il avait donnés l'an dernier en réponse aux revendications des fonctionnaires de la justice. «En réponse à la volonté des fonctionnaires de la justice, il a été décidé à l'unanimité de demander au département de tutelle de concrétiser sur le terrain les revendications pour lesquelles elle s'est engagée. Le 10 avril est la date butoir fixée pour une grève générale de trois jours», avait prévenu alors le syndicat dans un communiqué. Hier, il est passé à l'action. Bien qu'en mal de représentativité jusque-là, ce syndicat émergent semble avoir réussi le défi de se faire entendre dans les quatre coins du territoire national, puisque son appel à la grève a été observé dans la quasi-totalité des juridictions du pays. 95%, selon un représentant syndical. Un chiffre qui n'a pas pu être vérifié, les maintes tentatives d'avoir le son de cloche du côté du ministère de la Justice n'ayant pas abouti. Sur le terrain, en tout cas, la situation qui prévalait durant la journée d'hier dans la plupart des 36 cours du pays et les tribunaux qui en dépendent était marquée par un arrêt de travail collectif observé, dans un premier temps, par le personnel de greffe en début de matinée, et ensuite, au fil des heures, par les corps communs qui ont rejoint leurs collègues grévistes. Dans l'après-midi, l'impact de la grève sur le fonctionnement des tribunaux a atteint son pic. De tous les services, celui du casier judiciaire en était le plus perturbé. Dans certaines structures à l'instar de la cour d'Oran, cette prestation a été carrément mise à l'arrêt à cause de la grève, non sans faire grincer des dents parmi les nombreux citoyens qui sont revenus bredouilles. Les greffiers préposés aux guichets n'ont pas rejoint leurs postes, tout comme les techniciens qui assurent le fonctionnement de ce réseau informatique national, mais également les autres connexions reliant les différentes structures du secteur. Du coup, le service du courrier électronique inter-tribunaux, ce canal d'échange d'informations et de communication très important, n'était pas en reste. Dans nombre de cours, même le service minimum n'a pas été assuré. Si les audiences et autres actes de présentation, annulés faute de greffiers, peuvent être reportés sans grandes conséquences, il en est tout autre s'agissant des procédures d'appel et de pourvoi en cassation, lesquels sont soumis à des délais légaux stricts. Pire, le débrayage des fonctionnaires de la justice n'est pas resté confiné entre les murs des tribunaux, il s'est propagé même -du moins dans certaines wilayas- aux différentes commissions électorales locales mises en place en prévision des législatives du 10 mai, puisque les greffiers désignés ont décidé de boycotter le travail au sein de ces instruments électoraux durant les trois jours de grève, selon nos informations. A Constantine, le personnel des greffes au niveau du siège de la cour de Constantine et des tribunaux de Ziadia et du Khroub, soit un effectif total de 8OO travailleurs, nous a-t-on indiqué, ont répondu à l'appel à la grève. Rencontrés hier matin au niveau de la cour, des greffiers nous ont déclaré que leur corps a été complètement exclu des bénéfices induits par la réforme du secteur de la justice. Parmi les revendications non encore satisfaites, selon les grévistes, l'annulation pure et simple de l'actuelle loi régissant le corps de greffe judiciaire, texte assimilé à un «code pénal», en ce sens, arguent-ils, que «ces dispositions ne contiennent que les sanctions pénales encourues par le greffier en cas d'erreurs commises lors de ses tâches administratives quotidiennes, mais pas un seul petit chapitre concernant ses droits». Ils appellent les autorités compétentes à soumettre, dans les plus brefs délais, le nouveau statut de greffiers au débat et à l'enrichissement au niveau de chaque tribunal. Aussi, les fonctionnaires du greffe réclament que leur corps soit détaché de la Fonction publique et placé sous la coiffe de la Justice, au même titre que celui de la magistrature. L'inexistence d'un plan de gestion de carrière, la dépendance au parquet général et non au greffier en chef en matière d'attribution des tâches, la non-indemnisation pour les heures supplémentaires et les permanences?, autant de faits déplorés par les concernés, tous grades confondus, commis-greffiers, greffiers, divisionnaires ou greffiers en chef. Dans le registre «œuvres sociales», les greffiers disent avoir été victimes d'une vraie arnaque. «Dans la foulée de ces démarches entreprises au lendemain de notre action de protestation de février 2011, le ministère de la Justice avait signé deux conventions, avec Condor et Chevrolet portant respectivement sur l'achat avec facilité d'électroménagers et de véhicules touristiques respectivement. Au niveau de la cour d'Oran, pour ne citer que cette structure, des dizaines de fonctionnaires ont sitôt constitué un dossier qu'ils ont déposé auprès du délégué chargé des œuvres sociales. Quatorze mois sont passés et toujours rien. Pas la moindre réponse. On a appris dernièrement que c'est tombé à l'eau. Nombre de nos collègues courent toujours pour se faire rembourser leur premier versement, mais en vain. Ces conventions n'étaient en fait que la poudre aux yeux», déplore un greffier à la cour d'Oran, qui en appelle au ministre de la Justice par intérim, Ahmed Noui, pour qu'il vérifie par lui-même cette affaire, qui, à son avis, «résume à elle seule le manque de considération, voire le mépris avec lequel on traite le corps des greffiers». Pour rappel, le secteur de la Justice avait été paralysé une semaine durant, du 17 au 23 février 2011, par une grève générale des fonctionnaires de la justice, avant que le gouvernement ne parvienne à désamorcer la crise grâce notamment à la promulgation d'un décret exécutif instituant le régime indemnitaire des personnels des greffes des juridictions, paru au JO du 23 février 2011, ainsi qu'un accord officiel entre le ministère de la Justice et la «Coordination nationale des fonctionnaires des greffes de la justice», composée des délégués des greffiers issus des 36 cours. L'accord soulignait en conclusion que «la tutelle s'est engagée à exécuter ses promesses qui consistent en six points revendiqués par les greffiers et à étudier cinq autres points en concertation avec d'autres instances du gouvernement». Le premier point portait sur une augmentation de salaire, avec effet rétroactif à dater de janvier 2008, après l'instauration de quatre nouvelles primes et indemnités, à savoir: la prime d'astreinte judiciaire (mensuelle, 40% du salaire de base), la prime de rendement et de qualité d'exécution des tâches (mensuelle, de 0 à 30%), l'indemnité sur la responsabilité personnelle (mensuelle, 40%) ainsi que la prime de caisse pour le personnel chargé du recouvrement des frais de justice et autres taxes (trimestrielle, entre 5.500 et 1.500 DA, selon le poste). Excepté cela, les autres engagements n'ont pas été suivis d'effet à ce jour, à savoir: «régulariser la situation au profit des fonctionnaires occupant des logements de fonction par une cession de ces biens immeubles, faire bénéficier les greffiers des différentes formules de logements attribuées par l'Etat, assurer le transport pour ce personnel dans le cadre des œuvres sociales en commençant par les grandes cours en attendant sa généralisation progressivement, le maintien d'une relation avec le seul syndicat élu par la corporation et diligenter des enquêtes sur les cas d'abus de mauvais traitement déplorés par certains greffiers dans l'exercice de leurs fonctions». Concernant les cinq revendications, que le ministère avait annoncé qu'il allait étudier ultérieurement, elles concernaient «la révision du statut des greffiers, notamment en ce qui concerne le système disciplinaire et la promotion, l'accès aux postes supérieurs, l'indépendance de la gestion des personnels des greffes, l'indemnisation sur les heures supplémentaires, la prime de zone (le Sud), notamment». |
|