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Rempart contre
tous dangers pour les uns, écueil et pierre d'achoppement contre lesquels se
brisent tous les espoirs pour les autres. Habib Bourguiba est revenu le 24 mars
2012 à Monastir.
Celui qu'il a convié pour protéger la forteresse républicaine qui se lézarde, c'est l'inusable, l'increvable, le tenace et l'endurant, Béji Caïd Sebsi. Ce pur produit du bourguibisme, serait-il le phénix, cet oiseau légendaire possédant le don de longévité, et doté du pouvoir de renaître de ses cendres ? Cet homme politique serait-il, l'anti-thèse, du postulat annonça, que nul ne saurait être prophète en son pays ? Témoin acteur de l'ère Bourguiba, il est revenu le 24 mars, en lançant son «Appel de la patrie, ou, Nida al watan». Bien sur, tout avait été imaginé, calculé, prévu et conçu pour faire plus vrai que vrai. Ce rassemblement était organisé par l'association de la pensée bourguibienne. Pas de leaders, pas de programme, mais un retour aux sources. Bourguiba l'homme n'est pas glorifié, cependant, c'est sa pensée, son esprit, son intelligence, sa lucidité, qui sont mis en avant. Cela fait appel et renvoie à tout ce que, le zaïm, avait laissé d'indélébile dans l'imaginaire collectif tunisien. Et pour la symbolique, rien n'avait été laissé au hasard. Le meeting a été tenu dans la ville de Monastir, où Bourguiba vit le jour le 03 août 1903, et où il est enterré. Et la date également. Puisque c'était, le 24 mars 2012, à quatre jours du cinquante sixième anniversaire de la date d'indépendance de la Tunisie, le 20 mars 1956. Béji Caï Sebsi est né en 1926 à Sidi Boussaïd, dans la banlieue chic du Nord de Tunis, il a 85 ans, mais encore beaucoup de punch et énormément de mordant. C'est lui, bon gré malgré, qui avait su, assurer à la Tunisie, d'après la révolte du 14 janvier 2011, et la fuite de Ben Ali, une période transitoire, sans trop de casses, ni de lourds dégâts. C'est un vieux routier de la politique. Ce juriste avocat, qui avait été condisciple de Habib Bourguiba junior à la faculté de droit de la Sorbonne, avait pu avoir accès et connaître le combattant suprême, sans grandes difficultés. Jeune avocat, de retour en Tunisie, en 1952, il avait courageusement défendu des patriotes tunisiens, dans de nombreux procès, contre le régime colonialiste français. Il fut ensuite plusieurs fois ministres dans les divers gouvernements d'après indépendance. Il fut ministre de l'intérieur, ministre des affaires étrangères, et enfin de la défense. Il fut également président de la chambre des députés, pour une période de 18 mois sous le règne de Ben Ali. Il fut enfin le 11èm premier ministre de Tunisie, du 27 février 2011 au 24 décembre de la même année. Après les élections à la constituante et la fulgurante victoire des islamistes d'En-Nahdha. Et depuis la prise de direction et la conduite des affaires du pays par la coalition, Etakatol dirigée par Mustapha Benjafar, actuel président de l'Assemblée Nationale Constituante. Du C P R, de Moncef Marzouki, actuel président de la république, par intérim, et En-Nahdha, en charge du premier ministère. Béji Caïd Sebsi est souvent monté au créneau pour rappeler à ces dirigeants, de tenir leurs promesses, d'arreter une date limite pour l'achèvement des travaux de rédaction de la nouvelle constitution. Et surtout, qu'il avait, souvent, averti, à propos du futur projet de société, qu'il y avait des limites et des lignes rouges à ne pas franchir. L'invocation de la a pensée bourguibienne, comme patronage et parrainage de «l'appel de la partie», ne pouvait que légitimer ce grand rassemblement. Et par la même, des millions de tunisiens s'y retrouvaient. Bourguiba dans son combat, s'inspirait des philosophes des lumières et admirait Attaturk. Il voulait faire se dégager son pays du fatalisme qui rythmait sa vie, et faire sortir les tunisiens, tous les tunisiens du sous développement. Les choix fondamentaux qui firent la quintessence de son combat, de tous les instants et pour lesquels, il consacra sa vie, sont inscrits, à la manière des grecs anciens, ou de celle des pharaons d'Egypte, en lettres dorées sur son mausolée à Monastir, en trois sentences. Bourguiba est pour la postérité : «le combattant suprême, le bâtisseur de la Tunisie nouvelle, et enfin le libérateur de la femme». La république tunisienne est proclamée le 25 juillet 1956, et Bourguiba, s'empressa de faire promulguer, majalat al ahouel ech-chakhsia, le code du statut personnel tunisien, le 13 août 1956, par décret beylical. Il entrera en vigueur le premier janvier 1957. Faisant fi, d'une part, de siècles d'us, d'usages et de coutumes, dans ce domaine. Et de l'autre faisant sauter la clôture dogmatique fermement gardiennée par les ténors, et les maîtres à penser de la Zitouna. Qui d'ailleurs firent chorus contre ce décret. En réponse à cela, Bourguiba, rétorquait, selon Tahar Belkhodja, dans son livre : les trois décennies bourguiba, édité par Arcantères et Publisud, 1999 :» que la moitié de la population, dans une nation moderne, ne pouvait être composée de citoyens de seconde zone». D'après la même source, le combattant suprême, déclarait en juin 1973 à l'organisation internationale du travail, cela :» j'instituai le statut de la nouvelle femme tunisienne. Hier amoindrie, complexée, la femme devient une citoyenne à part entière. On lui reconnaît ses droits civiques de vote et d'éligibilité. Pour le mariage le consentement est requis, et la répudiation remplacée par une procédure de divorce judiciaire. La polygamie est abolie et l'age minimum pour le mariage est fixé à 18 ans. Des mesures anticonceptionnelles sont prises jusqu'à l'avortement autorisé par loi «. Pour entreprendre et réaliser cette révolution des mœurs, des comportements et des mentalités, Habib Bourguiba, ne s'était abreuvé, ni ne s'était référencé, hors de Tunisie. Ces fondements et ses arguments, pour imposer sa façon de traiter ces épineuses questions, et ces matières qui fâchent, furent tunisiennes, et c'est qui avait fait et qui fait encore leurs forces. Il assoira sa révolution sur les travaux de tunisiens, à leur tête Tahar Al Haddad. Et aussi, sur les avis éclairés, de Abdelaziz Djaït, mufti du rite malékite de Tunisie, de Tahar Benachour, premier mufti du rite malékite. Grand père de Yadh Benachour, qui fut le Président de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, du 6 avril, au 13 décembre 2011,et aussi sur celui du professeur Ahmed Beyram, grand mufti du rite hanéfite de Tunisie. Ses sources lors de ce bouleversement de l'ordre établi, furent donc nationales, c'est ce qui avait fait la puissance de son projet, et l'avait rendu invulnérable, inattaquable et inexpugnable. Les changements qu'il proposait et instaurait, n'étaient ni importés, ni commandés et téléguidés par de quelques forces que cela soit, idéologiques ou doctrinales, venues de l'extérieur. Ces chamboulements s'il en est, sont d'âme et d'essence strictement, et sans jeu de mots, textuellement tunisiennes. C'est sur, tous ces éléments et pas seulement, que Béji Caïd Sebsi, en fin stratège, compte caler et étayer, sa contre attaque, pour contester la troïka au pouvoir en Tunisie. Alors l'appel de la patrie, la pensée bourguibienne, Monastir, le 24 mars, ce ne sont pas une coïncidence. Et la salle, qui porte le nom de Mohamed M'zali, autre souvenir du zaïm, s'avérera exiguë. Il y avait les représentants de 50 partis et plus de 500 associations, tunisiennes, venus de toutes les régions du pays. S'étaient aussi présentés à cet évènement entre 7 à 8 000 personnes, dont beaucoup de jeunes, parmi lesquels, la très applaudie Khaoula Rachidi, cette étudiante qui avait défendu le drapeau national à l'université de Manouba, quand un étudiant islamiste l'avait enlevé et remplacé par le drapeau noir frappé de la chahada en blanc, sur le toit du bâtiment de la faculté des lettres. Elle lui avait, dans un acte héroïque, courageusement tenu tête, le 7 mars 2012. Ce geste de bravoure féminine et visible sur le net. C'est à cette étudiante courage, qu'échoira l'honneur de lever les couleurs tunisiennes, lors de la cérémonie d'ouverture. Pour l'expression de la symbolique, ce geste fut d'une profondeur, qui atteignit le cœur de ceux, qui un moment avaient hésité. Mais au moins 2000 personnes n'avaient pu pénétrer dans la salle et se sont contentées de suivre l'évènement dehors sur écran géant. Sur le podium, trônait un portrait de Bourguiba en tenue de cérémonie et commenté ainsi,» Le pouvoir de l'élégance et l'élégance du pouvoir». Et tout ce que compte le sahel tunisien, comme grosses pointures de la politique, était là. Après la mise en condition de l'assistance, par des interventions, des chants et chansons patriotiques, de textes poétiques déclamés avec la dose d'émotion qu'il faut. Béji Caïd Sebsi, fit son entrée, et monta au pupitre en apothéose. Il commença par annoncer, en pédagogue rompu aux arcanes des systèmes politiques, «qu'on ne peut passer du despotisme à la liberté sans se heurter à des difficultés» et que «l'action politique constitue un droit pour tous, la finalité étant l'instauration d'un régime démocratique». Une fois ce décor planté, l'ancien premier ministre, s'attaqua à l'action du gouvernement formé de la troïka, auquel il reprocha ceci : «après trois mois, nous constatons que le gouvernement n'est pas pressé d'honorer ses engagements et de fixer l'échéance des élections». Et là il ciblait sans le citer, le retard, et le grand débat que suscite la place de la charia, comme source de législation dans la future constitution. Sera-t-elle, la seule source, l'une des sources ? La future législation sera-t-elle uniquement d'inspiration charaïque ? Pour répondre à ces interrogations, il proposa qu'il soit organisé, «un référendum populaire, en cas de divergences autour de l'article premier de la constitution». Et que : «Si un accord était conclu autour de l'article un, le consensus sera trouvé sur tous les autres articles, et l'ambiguïté se dissipera». Caïd Essebi, en appellera à mettre en place «les conditions appropriées à l'alternance au pouvoir, et non le pouvoir à l'infini». Avant de conclure son discours, il rappellera qu'il avait lancé fin janvier 2012, un message solennel à l'ensemble des forces, évoquant une régression et pointant l'apparition de formes extrémistes violentes menaçant les libertés publiques et privées. Et que rejetant la violence il avait appelé à se rassembler autour d'une alternative. Ainsi ce rassemblement de Monastir, n'était que la première étape, et qu'il annoncera la deuxième au mois d'avril 2012. Pour les détracteurs de Caïd Sebsi, cette initiative, n'est que la réponse, au procès que comptent lui intenter, des parents de militants et de sympathisants yousseffistes, qui ont, il y a quelques jours crée un comité de défense des victimes de torture du mouvement youssefiste. Qui sont-ils, alors, les youssefistes. Ce sont les partisans de Salah Ben Youssef, ami, compagnon, remplaçant de Bourguiba à la tête du parti destourien, quand le leader était emprisonné ou en exile. Mais c'était aussi son challenger et son concurrent pour le leadership. Mais pas seulement. Salah Ben Youssef, n'envisageait pas que l'indépendance de son pays pouvait se réaliser, sans l'indépendance, du Maroc et de l'Algérie. C'est cela qu'il reprochait essentiellement à Bourguiba, en lui signifiant qu'en acceptant une indépendance solo, il abandonnait l'Algérie, et son peuple. Salah Ben Youssef est un djerbien, né le 11 octobre 1907. Il étudia le droit, et devint avocat comme bourguiba. Dès l'apparition du désaccord, sur les modalités de l'indépendance du pays. Il organisa une riposte notamment dans les régions du sud de la Tunisie. Il supervisera plusieurs meetings, qui connaîtront de brutaux affrontements, même armés, entre les bourguibistes et les youssefistes. Mis en minorité, il quitta la Tunisie, se réfugia en orient principalement en Egypte pour finalement s'installer en Allemagne. Le 12 août 1961, Il fut attiré dans un guet-apens, par deux de ses compatriotes, puis assassiné, à l'intérieur d'un hôtel de Francfort-sur-le-Main, en Allemagne, alors qu'il avait laissé son épouse l'attendre dans un café tout proche. Ses partisans qui avaient décidé, de se débarrasser de Bourguiba, planifièrent de l'assassiner, au domicile de sa femme. Mais le complot fit découvert, et plusieurs d'entre eux, furent exécutés ou emprisonnés, après un procès en juillet 1962. Ce sont leurs descendants, qui à travers un procès, veulent connaître la vérité, et offrir des sépultures dignes et décentes aux suppliciés. Dans ce procès, il est reproché à Béji Caïd Sebsi, qui avait été nommé, le 8 février 1958, directeur de l'administration régionale puis directeur général de la sûreté de l'État. Que c'est sous sa direction, que le 31 décembre 1962, le parquet militaire déféra 26 accusés pour complot contre la sûreté de l'État,dont plusieurs furent passés par le peloton d'exécution. Bien sur, l'ancien directeur et l'ancien ministre de l'intérieur 1965/1969, refute tout cela. D'ailleurs un collectif d'avocats s'est constitué pour le défendre. Mais ce n'est pas vraiment cela qui pourrait préoccuper et troubler, l'ancien ministre de l'intérieur de Bourguiba, pour arreter l'initiative de Monastir. Ni la réactivation de la pensée bourguibienne, en ces temps de conflit idéologique, sur le futur projet de société de la tunisie. D'ailleurs, le 27 mars 2012, lors d'un meeting populaire, en plein centre de Tunis, un fonctionnaire chargé de la formation des imams, ministère des affaires religieuses, Mohamed Lahbib Boussarsar, avait appelé au meurtre de Béji Caïd Essebsi. Et la foule à sa suite, présente au meeting, reprit et scanda à plusieurs reprises «la mort pour Essebsi». Ce qui, par contre, risque de mettre à mal, même pour un temps, l'initiateur de l'appel de la patrie. C'est que la principale critique, voire la désapprobation majeure, véhiculée par le rassemblement présidé par caïd Sebsi, en direction d'En-Nahdha, c'était la place de la religion musulmane et celle de la charia dans la future constitution en préparation. Cela peut réellement déposséder ce mouvement de sa principale cause. Car le 26 mars, soit deux jour après Monastir, le Comité Constitutif du mouvement Ennahdha c'est-à-dire l'instance suprême entre les congrès avait décidé et adopté le principe du maintien de l'Article Premier de la Constitution de 1959, en l'état actuel, dans l'élaboration de la nouvelle constitution. Donc de garder : «La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain : sa religion est l'Islam, sa langue l'arabe et son régime la république». C'est un coup de tonnerre pour les uns, c'est une reculade pour les autres, et pour certains, c'est un très bon coup de communication politique. Le mouvement islamiste a-t-il voulu couper l'herbe sous les pieds de l'appel de la patrie ? A-t-il compris que les tunisiens ne veulent pas de la constitutionnalisation de la charia ? A-t-il osé sacrifier son aile la plus radicale, c'est-à-dire les salafistes ? A-t-il subi des pressions venues de l'extérieur ? En-Nahdha a-t-il compris que le contexte n'était en sa faveur ? Ou bien en définitive, est-ce que, ce parti retrouve ses dogmes, et retourne à l'un des fondamentaux basiques de tous les mouvements islamistes : la culture du double langage. Les réponses ne peuvent être immédiates sauf à conjecturer. Alors laissons du temps au temps. Mais il est fort à parier que le mouvement de Monastir, ne s'essoufflera pas de ci peu, même avec le procès des youssefistes, l'appel au meurtre, et cet abandon capital pour le moins étrange des frères musulmans tunisiens. Toutefois ces deux évènements, le rassemblement de Monastir et le retour à l'article premier de la constitution de 1959, augurent de beaucoup de changements en Tunisie, et sous peu. D'un coté, en adoptant cette attitude En-Nahdha sauvera les meubles. Et de l'autre la pensée bourguibienne, restaurera, même dans la durée ce qu'aura décomposé le parti islamiste depuis qu'il est aux affaires du pays. Mais les plus grands perdants de cet épisode politique de la Tunisie nouvelle, ce seront, les partis Etakatol, et le Congrès pour la République. Cependant celui qui aura débité tous ses comptes et flambé tous son crédit, ce sera monsieur le président de la république par intérim : Moncef Marzouki, successeur quoi que l'on dise, de Habib bourguiba. Ce dernier, n'a-t-il pas voulu demeurer éternel ? Tahar Belkhodja raconte à ce propos ceci :» En 1972, le président envoya son ministre des affaires étrangères à Moscou, porteur d'une lettre personnelle au chef de l'Etat de l'URSS, Brejnev, pour lui demander le secret de la momification. Masmoudi était chargé de dire que Bourguiba valait bien Lénine et les autres chefs d'Etat des pays socialistes. Le ministre fut éconduit, et Bourguiba en voulut aux dirigeants de ce pays». Ainsi s'écrit l'histoire des peuples, elle retiendra les uns, et omettra les autres. |
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