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Au commencement de l'histoire
économique contemporaine. La fin du «dollar-or » ?
Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, l'Europe qui était dévastée et avait très peu d'or, de surcroît très endettée, vis-à-vis, de l'Amérique, dépendait des investissements américains. Ce qui a nécessité plusieurs mesures parmi lesquelles le Plan ?Marshall', des réductions de la dette, des facilités financières, etc. Le monde, à cette époque, était en pleine guerre froide. Les dangers d'escalade et le risque d'une confrontation nucléaire avec l'Union soviétique étaient omniprésents dans les années 1950 et 1960. On peut se poser la question pourquoi les États-Unis ont été très généreux vis-à-vis de l'Europe ? Parce que les pays de l'Europe de l'Ouest étaient des Alliés face à l'Union soviétique et à l'Europe de l'Est ? Certes ce choix a joué, mais on ne peut passer sur des données économiques qui étaient vitales pour l'Amérique. En effet, si la situation économique de l'Europe, à la fin de la guerre, était très difficile, il n'en demeure pas moins que les États-Unis, sortis vainqueurs du Deuxième Conflit mondial, étaient aussi confrontés à un risque de surproduction industrielle et agricole. Par conséquent, combien même l'Europe avait très peu d'or, et endettée et donc n'avait pas les moyens pour rembourser, à moins qu'elle céda ses colonies où des troubles pour la libération avaient commencé, cette Europe détruite en grande partie par la guerre constituait, néanmoins, un débouché vital pour l'économie américaine. En absorbant le produit des milliers d'usines américaines et de millions d'hectares de produits agricoles, cette Europe sauvait l'emploi de millions d'Américains. « L'Europe devenait, de facto, le moteur de l'économie américaine, et par cette Europe, l'Amérique se maintenait dans son rôle de première puissance industrielle, financière et monétaire du monde. » Le monde est entré de plain-pied dans une nouvelle phase de l'économie mondiale qui ne ressemble plus aux phases passées, et qui va, progressivement, s'ériger en un « écosystème économique, financier et monétaire global », s'autorégulant par les forces internes mêmes qui s'interagissent, selon la trajectoire naturelle de l'évolution du monde. Jusqu'au milieu des années 1960, la situation monétaire entre les États-Unis et les pays d'Europe était globalement maîtrisée. Les politiques keynésiennes utilisées, massivement, durant la période d'après-guerre ont rempli leur rôle en Europe. Les accords de Bretton Woods qui établissaient une parité fixe entre les monnaies et le dollar, et entre le dollar et l'or entraînaient une contrainte sur la création monétaire des Banques centrales des pays d'Europe, qui devaient veiller à toujours avoir des réserves en dollars suffisantes. Cependant, ce système qui fait du dollar un étalon-or indirect a permis aux pays d'Europe d'accumuler suffisamment d'or pour procéder, dès 1958, à la convertibilité de leurs monnaies en or. Le franc français, la livre sterling et le deutschemark devenaient, de facto, des devises internationales, au côté du dollar. Que peut-on dire de cette première phase de reconstruction et de remise à niveau de l'Europe ? « Il est évident que sans excédents commerciaux, sans investissements financiers américains, sans transfert d'or des États-Unis vers l'Europe, l'Europe n'aurait pu rendre convertibles en or ses monnaies, en 1958, et devenir plus tard compétitive. De même, sans déficits vis-à-vis de l'Europe, les États-Unis n'auraient pu prolonger leur croissance et maintenir un taux d'emploi suffisant pour leur économie. » Les États-Unis qui disposent de la première monnaie du monde signifie, aussi, que la première puissance du monde est obligée, pour sa propre croissance, de subir une balance déficitaire, seul moyen de satisfaire les besoins de l'Europe en monnaie-clef. On a cette image qui ressort, « les États-Unis finançaient voire « achetaient » la croissance économique de l'Europe pour leur propre croissance. » Ces achats constituaient leurs déficits extérieurs, on comprend aussi pourquoi le dollar bénéficiait d'une confiance absolue. Sauf qu'après le retour à la convertibilité externe des monnaies européennes (livre sterling, deutschemark, franc?), dès 1958, et la montée en puissance de l'Europe et du Japon, dans le commerce mondial, les contradictions dans le système de Bretton Woods commençaient à apparaître. Les États-Unis, lancés dans des programmes d'armements faramineux, dans la conquête spatiale, engagés massivement dans la guerre du Vietnam, sont arrivés à une situation où ils ne pouvaient plus commander la fonction régulatrice du dollar. L'Europe était inondée de dollars et tout, naturellement, les pays du reste du monde qui ont trop de dollars les échangent contre de l'or au prix fixé, en 1934, de 35 dollars l'once d'or fin. Ainsi, au fur et à mesure que l'Europe gagnait en compétitivité, et accumulait de l'or qui fuitait des États-Unis, mais aussi des dollars auxquels les États-Unis commençaient à limiter leur conversion en or, des crises monétaires éclatèrent pour aboutir, finalement, à la suspension de la convertibilité du dollar en or, annoncée par le Président Nixon, le 15 août 1971. En fait, les États-Unis n'ayant plus les stocks d'or requis, la suspension était définitive. Si les déficits américains ne sont plus nécessaires à l'Europe, désormais dotée de devises internationales (monnaies de réserve) et compétitive internationalement, le monde hors-Occident, en revanche, reste dépendant des dollars américains. Toujours en édification et à gagner en compétitivité dans le commerce mondial, le reste du monde a besoin des déficits américains ? combien même « monétisés » (planche à billets) ? pour sa financiarisation. Le Japon, malgré sa puissance économique et financière, est aussi étroitement lié au marché américain par la demande de produits made in Japan. Arrivé à ce tournant de l'histoire, que peut-on dire de la fin du « dollar-or » ? Simplement que, malgré les crises monétaires qui ont abouti à sortir l'or de l'histoire monétaire du monde, le rôle du dollar américain n'est pas terminé. Une phase historique certes est terminée, mais le monde reste toujours en transition, et a toujours besoin du dollar américain. Pétrole et monarchie saoudienne, instruments de la puissance impériale américaine ? Après la fin de la convertibilité du dollar en or, le monde va entrer dans le monde inconnu du change flottant. Comme nous l'avons dit, dans le précédent article (1), le monde ne s'arrête pas aux États-Unis, à l'Europe, et donc aux grands pays européens, à savoir l'Allemagne de l'Ouest, la France, le Royaume-Uni et l'Italie, qui n'en sont que des acteurs parmi les acteurs qui agissent, sur le plan monétaire, dans « l'écosystème économique mondial». Certes, ils sont, avec les États-Unis, les pays les plus importants par leur puissance économique, industrielle, financière et monétaire mais n'en dépendent pas moins du reste du monde, notamment en besoin de matières premières et énergie (pétrole). Précisément, ce monde hors-Occident dont la plus grande partie est sortie de la colonisation ? pour l'Inde et certains pays d'Asie et d'Afrique, la colonisation a duré plusieurs siècles ?, pour les autres de la domination voire même de l'annexion, comme cela s'est passé pour la Chine, la Mandchourie annexée par le Japon, se retrouve, après sa libération, propulsée sur le devant de la scène mondiale, sans aide de l'Occident et comptant sur ses propres forces. Ses ressources sont essentiellement les richesses que recèle son sol en matières premières et énergie. Ne disposant ni d'industrie comme l'Europe, ni de technologie, ni d'une véritable économie, celle-ci pour la plupart des pays est du type colonial, ni d'une population suffisamment lettrée capable d'opérer rapidement un transfert de technologie, ces pays étaient forcément appelés à stagner économiquement. D'autre part, ces pays étaient dans une situation d'instabilité endémique (coup d'Etat, guerres civiles, guerres territoriales pour redessiner de nouvelles frontières, etc.). Et les crises économiques auxquelles ces pays font face étaient telles qu'aucun gouvernement n'était garanti de terminer son mandat. Et dans les années 1970, les systèmes politiques pour pratiquement l'ensemble de ces pays étaient du type autoritaire, i.e. des dictatures militaires. Donc la démocratie ne rimait avec la situation de l'époque. Le temps était au nationalisme, et l'espoir pour les peuples était dans les indépendances recouvrées. Cependant, cette situation du monde hors-Occident, malgré les indépendances que ces pays ont recouvré dans les années 1940, 1950 et 1960, était pire que ne l'était l'Europe au sortir du Deuxième Conflit mondial. Certes l'Europe a été dévastée, mais avec l'aide des États-Unis, elle pouvait se reconstruire, donc remonter la pente et de nouveau s'imposer sur le plan mondial. Ce qui n'est pas le cas pour le reste du monde. Hormis le bloc Est et l'Union soviétique disposant d'une industrie, la situation économique en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud et dans le monde arabe, était presque identique. La Chine, faiblement industrialisée, est sous dictature communiste. Et ces pays qui ne disposaient que de monnaies locales dépendaient étroitement des devises occidentales et des institutions financières de Bretton Woods (BM et FMI) pour des emprunts financiers. D'autre part, les prix des matières premières et du pétrole, fixés dans les Bourses occidentales, étaient très bas. Le prix du baril de pétrole cotait 2,59 dollars courants à la veille de la quatrième guerre israélo-arabe. (2) Le statut du reste du monde, via les pays exportateurs de pétrole, va changer, avec la nouvelle guerre qui allait opposer, en octobre 1973, les pays arabes à Israël, les règles de la distribution des richesses du monde. En vérité, il existait déjà « une guerre parallèle opposant les États- Unis à l'Europe », sur le plan monétaire. Pour s'y préparer, entre 1972 et 1973, un accord a été conclu entre l'Arabie Saoudite et les États-Unis qui soutiennent le règne de la Maison des Saouds pour, qu'en échange, la monarchie régnante n'accepterait que le Dollar US comme monnaie de paiement pour leur pétrole, le reste de l'OPEP enjoint à les suivre. La guerre éclate en octobre 1973. En plein conflit armé, les pays arabes exportateurs de pétrole réduisent la production pétrolière et procèdent à une augmentation unilatérale du prix du baril de pétrole. E plus, ils instaurent un embargo vers les États-Unis et les Pays-Bas, à titre de représailles pour leur aide à Israël. « Le 22 décembre 1973, à Téhéran, les pays arabes doublent le prix du baril de pétrole, qui passe de 5,092 à 11,651 dollars. Les pays riches? qui, en 1972, avaient prévu une hausse « parfaitement supportable » ? sont inquiets, car cette mesure risque de bouleverser l'économie mondiale et d'asphyxier les pays consommateurs qui dépendent totalement du bon-vouloir de l'OPEP. En effet, ceux-ci produisent, à eux seuls, 862 millions de tonnes de brut sur les 2,15 millions qui alimentent l'énergie mondiale. Pour la France, cette hausse brutale du prix de pétrole signifie 25 milliards de dépenses supplémentaires ». (3) Il est évident que tout ce branle-bas de combat des pays monarchiques arabes, enclenché à l'occasion de la guerre de 1973, n'est pas innocent. En fait, c'est l'application à la lettre du « plan étasunien » pour amener l'Europe à acheter massivement des dollars, et en même temps les pays consommateurs du reste du monde. On sait très bien que l'Arabie Saoudite ne peut se permettre d'imposer un embargo à un pays qui garantit à la monarchie saoudienne une protection militaire en échange d'un accès au pétrole d'Arabie. (Pacte scellé dans le croiseur USS Quincy, le 14 février 1945) C'est un peu comme si les Saouds sciaient la branche sur laquelle ils sont assis. A suivre... *Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective Notes : 1. «L'économie mondiale, un «écosystème économique autorégulé» relevant d'un ordre transcendantal ?» Medjdoub Hamed. 10 avril 2016 www.sens-du-monde.com - www.agoravox.fr - www.lequotidien-oran.com 2. «La hausse des prix du pétrole : une fatalité ou le retour du politique» Rapport d'information n° 105 (2005-2006) http://www.senat.fr/rap/r05-105/r05-1051.html) 3. «Chronologie du 20e siècle ?» Edition Larousse. Page 1106 et 1110 |
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