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BARGHOUTI, L'ANTI-DEFAITISTE

par K. Selim

Marwan Barghouti, otage d'Israël, a été placé en isolement et interdit de visite, à la suite d'un appel qui doit gêner fortement le «pouvoir» palestinien à Ramallah. Les médias arabes n'ont pas accordé une grande importance à cet appel hautement politique et ce n'est pas une surprise. Barghouti s'attendait, sans nul doute, à des représailles de ses geôliers, ce qui ne l'a pas empêché de s'exprimer sur la situation d'impasse dans laquelle se trouvent les dirigeants palestiniens «agréés» par Washington et Israël.

 Les négociations avec Israël ne sont pas à l'ordre du jour. Rien de bon ne peut venir de Washington où, à l'approche des élections présidentielles, on assiste à une surenchère de discours anti-palestiniens chez les dirigeants américains. A Ghaza, le parti dominant, le Hamas, est en train graduellement d'abandonner la perspective «résistante» pour se mettre sous le parapluie des monarchies arabes dans l'orbite américaine. Le changement de cap n'est pas encore définitif, mais les signes avant-coureurs sont perceptibles. Ce «réalisme» en gestation du Hamas parie dangereusement sur une capacité des régimes monarchistes du Golfe d'infléchir la position de Washington. Il est également sous influence de l'organisation internationale des Frères musulmans dont les priorités ne sont pas palestiniennes. Et qui est soucieuse, par calcul de pouvoir, de donner des gages aux Américains.

 Si cette évolution venait à se confirmer, la différence entre le Fatah de Mahmoud Abbas et le Hamas de Haniyeh sera difficile à percevoir. Les organisations palestiniennes, Fatah et Hamas inclus, se trouvent dans une double impasse politique et militaire. D'où l'importance de l'appel lancé par Marwan Barghouti. C'est par refus du défaitisme ambiant qu'il a appelé au «lancement d'une large résistance populaire» qui sert la cause du peuple palestinien. Israël, qui profite parfaitement de l'impasse des organisations palestiniennes pour étendre la colonisation des territoires, a clairement perçu l'importance de l'appel. Les Palestiniens, premiers destinataires du message, aussi. Car l'initiative du militant en otage est une critique en règle de la démarche que les boutiquiers politiques de Ramallah persistent à défendre. «Arrêtez de vendre l'illusion qu'il existe une possibilité de mettre fin à l'occupation et de construire un Etat à travers des négociations malgré l'échec lamentable de cette démarche». En une phrase, le bilan totalement négatif des interminables «négociations» entamées avec les accords d'Oslo est clairement établi.

 Marwan Barghouti gêne d'autant plus qu'il ne se contente pas de faire un constat mais appelle clairement à la rupture avec la politique de benêts menée depuis des années par les dirigeants palestiniens et encouragés par les Etats arabes. Barghouti a appelé en effet «à arrêter immédiatement toutes les formes de coordination sécuritaire et économique (avec Israël) dans tous les domaines». Pourquoi en effet collaborer avec un Etat qui colonise et pratique avec constance l'épuration ethno-religieuse ? «Il doit être entendu qu'il n'y a aucun partenaire pour la paix en Israël quand les colonies sont doublées. C'est le droit du peuple palestinien de s'opposer à l'occupation par tous les moyens, et la résistance doit être axée sur les territoires de 1967». Pour certains, il est plus réaliste de collaborer avec l'occupation que de résister. Raison pour laquelle le message de rupture de Barghouti n'a quasiment pas été évoqué par les chaînes arabes?