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Elections législatives: Le FLN ou la grogne des «5.000 militants d'El-Harrach»

par Ghania Oukazi

C'est le président du Haut Conseil de l'arabisation (HCA) qui dirigera la liste FLN de la capitale pour les élections législatives du 10 mai prochain.

Larbi Ould Khelifa a fait hier un saut d'une heure à l'hôtel Mouflon d'Or de Ben Aknoun pour, probablement, s'assurer qu'il était véritablement à la tête de la liste FLN d'Alger.

«Vous allez voir, vous allez avoir de grandes surprises quand les listes seront rendues publiques», a déclaré le secrétaire général du parti aux journalistes qui l'interrogeaient il y a quelques jours sur les éventuelles candidatures. Pour une surprise, c'en est une véritablement. Abdelaziz Belkhadem a donc tenu sa promesse. Aucune observation sur l'établissement des listes FLN n'avait évoqué le nom de Larbi Ould Khelifa qui reste une personne assez discrète et plutôt réservée. Ainsi, ni Ziari ni Harraoubia n'ont été retenus pour être en tête de la liste d'Alger. On dit du premier qu'il ne devait pas l'être en raison du refus du président de la République de le (re)voir briguer un second mandat à la tête de l'Assemblée. Des indiscrétions disent même que celle qui l'a porté à cette tribune n'a plus les mêmes pouvoirs pour le (re)faire.

Zohra Drif Bitat, que Bouteflika respecte pour des considérations, semble-t-il, «très personnelles», n'aurait pas réussi cette fois-ci à le convaincre pour reconduire son candidat «préféré» à son poste. Harraoubia devait l'être lui aussi pour être placé à la présidence de la nouvelle Assemblée. Mais il paraît que l'idée n'a pas été du goût d'un grand nombre des «ténors» du FLN. L'on dit d'ailleurs que d'autres ministres convoitaient ce même poste. Pour l'instant, rien ne dit que Ould Khelifa l'occupera. Il faudrait attendre pour cela, non seulement les résultats du scrutin du 10 mai mais peut-être aussi la formation du nouveau gouvernement qui devra remplacer celui en fonction actuellement. Seul le président sait qui des ministres actuels va-t-il garder. Il les a depuis tellement longtemps qu'il lui sera difficile de s'en séparer même s'il n'a aucune estime pour la plupart d'entre eux. C'est ce qui se dit du côté de la présidence de la République en insistant sur le fait que le chef de l'Etat ne communique avec personne d'entre eux, y compris le Premier ministre qui, dit-on, reçoit les instructions du président par l'intermédiaire de son secrétaire personnel, Mohamed Rougueb.

Mais il est évident que rien n'est important de tout cela quand on sait que les élections à venir sont qualifiées de «cruciales» et de «facteur clé du changement» alors qu'elles ne semblent pas permettre la reconfiguration du paysage politique. Il est admis que cette dernière a été faite dans la continuité, comme déjà souligné dans ces mêmes colonnes. D'ailleurs le président de la République avait, lors de l'ouverture de l'année judiciaire, annoncé sa recomposition sur un ton mêlé de déception et de mécontentement. «A chaque fois que le parti est petit, sa voix monte. Vous voulez qu'il y ait des petits partis, eh bien, qu'il en soit ainsi ! Vous les aurez !», a-t-il lancé à l'assistance.

BOUTEFLIKA A TENU SA PROMESSE

Ce jour-là, Bouteflika avait repris son ancienne habitude qui fait qu'il sort de son discours solennel pour faire des digressions en relation avec la conjoncture ou les grandes questions qui se posent sur la scène nationale. L'Assemblée sera ainsi garnie de petits partis, comme promis par le président de la République. Ils seront ces voix dont aura besoin le pouvoir pour bloquer ou débloquer des textes de lois, c'est selon ses objectifs et ses visées.

Larbi Ould Khelifa aura derrière lui Wahid Bouabdellah, l'ex-PDG d'Air Algérie. Militant «assidu» du FLN, Bouabdellah a déjà été député. Il le sera certainement pour les cinq prochaines années. Il semble avoir pour cela, la «baraka» de la confrérie (El-Belkaïdia) de laquelle il est membre.

Le troisième de la liste FLN d'Alger est le professeur en cardiologie Bourezague, «inconnu au bataillon militants de base FLN», disent les grogneurs, suivi de l'actuelle PAPC de Kouba, Mme Bounab.

Bien que ce soit un parti qui est d'ores et déjà donné favori, le FLN a fait beaucoup de mécontents en instituant des listes qui n'ont pas plu aux militants. Il faut reconnaître qu'ainsi, il reste fidèle à ses pratiques. Si les candidatures suivent un circuit infernal pour être retenues, l'on reste convaincu que le dernier mot est dit par le président d'honneur - le chef de l'Etat - et son entourage, notamment pour ce qui est de la liste d'Alger qui, à elle seule, lui permet de déterminer les forces d'équilibre devant être constituées pour gérer les affaires de l'Etat, au moins pendant cinq ans sans trop craindre des revirements de situation inattendus.

«ILS ONT CHOISI LEURS COPINES»

Les listes FLN de toutes les wilayas sont contestées par ses militants. Nombreux sont d'entre eux dont la grogne se fait entendre au niveau du siège de leur parti ou du Mouflon d'Or où Belkhadem tient son quartier général depuis la première étape de la confection des listes jusqu'à aujourd'hui. Hier, des militants d'El-Harrach bavaient de colère pour n'avoir vu aucun nom de leur mouhafadha figurer sur la liste d'Alger. «Nous sommes 5.000 militants à El-Harrach, aucun d'entre nous n'est porté sur la liste, ils pensent qu'El-Harrach n'est bon que pour les bidonvilles, la prison et les marchés de gros mais pas pour voir ses enfants députés. C'est du mépris de la part des responsables du parti !», disait l'un d'entre eux. «J'ai fait des sacrifices pour le parti, mais cette fois-ci, on ne laisse pas faire, on ne travaillera plus pour lui, il y a d'autres partis !», renchérit son collègue. Plusieurs d'entre eux accusaient hier l'état-major du parti de faire dans «la discrimination en ne respectant pas les quotas ni les critères». L'un d'eux interroge «comment Djouhri arrive à se maintenir et à placer en plus son fils à la tête de la liste FLN Tunis ?». Un autre, encore plus énervé, interroge «nous avons un candidat de consensus, que personne ne conteste et que tout El-Harrach respecte, pourquoi n'a-t-il pas été retenu ?». Une militante de Blida rouspétait elle aussi à haute voix. «Je suis militante FLN depuis de longues années mais on a préféré mettre avant moi leurs copines, je n'ai pas honte de le dire parce que c'est la vérité !», assène-t-elle. L'argent aurait aussi été, selon elle, le nerf de la guerre des candidatures. «Certains noms ont payé des sommes faramineuses pour y être et ils le sont. Ils ont travaillé entre eux, avec leurs clans et ils ont méprisé les jeunes», ajoute-elle. «Un candidat de la liste Tizi Ouzou ne sait ni parler, ni se taire, ni se tenir, comment ont-ils fait pour le prendre si ce n'est une question de pouvoir financier», interroge un militant d'Alger à bout de nerfs.

Belkhadem a préféré tout le temps qu'a pris l'établissement des listes finales se retrancher au Mouflon d'Or et ce pour ne pas subir les crises de nerfs de ses militants. Il aura remarqué que même les ministres et les hauts responsables ont fait le pied de grue devant cet hôtel pour savoir s'ils étaient retenus sur les listes finales ou non. Ils restaient debout devant la porte jusque tard dans la soirée. Hier, tout le monde était désormais fixé. A l'instar des autres partis, le FLN devait déposer ses listes avant minuit.