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Les olives de Tunisie triturées à Béjaïa sauvent la saison oléicole algérienne

par Nabil Zenache

La saison oléicole était très redoutée par les professionnels en Algérie. Elle n'est finalement pas si catastrophique.

Une partie de l'explication vient de l'importation d'olives tunisiennes dans la wilaya de Béjaïa. Les oléifacteurs ont pu travailler à flux tendu.

Mais cela a provoqué une polémique sur les chiffres de production. 11% de baisse seulement en 2011-2012 pour la chambre d'agriculture de Béjaïa. Au moins 50% pour le patron de la Fédération algérienne de l'olive.

Le bilan de la saison oléicole est contrasté pour la Fédération algérienne de l'olive. Son porte-parole, M. Khodja Bachir, a affirmé, dimanche, que la production dans la wilaya de Béjaïa était d'à peine 6 millions de litres. «Je défie quiconque de démontrer le contraire.» Cependant, il dit ne pas contester les chiffres officiels pour une raison bien simple : «A l'instar des huileries des wilayas de Guelma, de Skikda et de Tizi Ouzou, celles de Béjaïa ont eu à triturer des olives venues de Tunisie à bord de semi-remorques.» Une production qui est ensuite écoulée sur le marché local. «A raison de 400 dinars le litre, soit un peu plus de 2,80 euros, forcément cela intéresse nos amis tunisiens», a-t-il indiqué. Les olives tunisiennes, rentrées par voie terrestre, sont venues, d'une part, combler un déficit et faire fonctionner, d'autre part, des huileries dont certaines continuent à triturer en cette fin du mois de mars. Au début les techniciens de la DSA ou de la chambre d'agriculture de Béjaïa avaient tablé sur une mauvaise récolte en raison des périodes de pics prolongées de chaleurs et d'incendies. Périodes qui avaient provoqué d'importantes chutes de fruits et une maturité précoce, alors que les estimations à la floraison étaient encourageantes.

«Ce n'est finalement pas une si mauvaise année», a rétorqué M. Hocine Oussalah, le SG de la chambre d'agriculture de Béjaïa, joint par téléphone ce dimanche 25 mars. La phrase en dit long sur l'état d'esprit, qui avait régné ces derniers mois, auprès des différents acteurs du secteur oléicole. Les prévisions étaient alarmistes. Qu'il s'agisse des quelque 7000 agriculteurs qui activent dans la filière ou des institutionnels dont les techniciens de la direction des services agricoles, tout le monde avait tablé sur une campagne oléicole catastrophique.

«On craignait de revivre la même campagne que celle enregistrée en 2006-2007 avec seulement quelque 4,38 millions de litres d'huile», a confié M. Oussalah. La production est désormais de 14,2 millions de litres d'huile, soit une baisse de seulement 11% par rapport à l'année dernière.

POUR LA FEDERATION ALGERIENNE, LA BAISSE EST DE 50% A BEJAÏA

Mais le porte-parole de la Fédération algérienne de l'olive, M. Khodja Bachir, persiste et signe : «La chute de la production oléicole à Béjaïa est plus importante et dépasserait allègrement les 50%. Encore une fois, je ne disconviens pas que la production ait augmenté avec les olives venues de Tunisie. Les oléifacteurs connaissent toutes les variétés d'olives locales. La moitié des olives triturées vient du pays voisin.»

Toutefois, les facteurs, qui expliqueraient en partie le recul de la production, sont partagés par nos deux interlocuteurs, à quelques nuances près : «La chute des fleurs causée par les pluies de mai et juin», «le gaulage des olives» -mode de cueillette à l'aide d'une longue perche-, destructeur des pousses appelées à fructifier l'année d'après, «le cycle physiologique de l'arbre alternant la production du bois et celle des boutons floraux, le manque d'entretien de vergers oléicoles», concernant notamment les opérations de fertilisation, de taille et de labours.

Pour M. Oussalah, il est difficile dans les conditions de conduite actuelle -système de type pluvial, pratiques culturales ne préservant pas l'intégrité du fruit et de la production future, insuffisance de taille, etc.)- de garantir des niveaux de production et des rendements adéquats et non fluctuants.

Pour M. Khodja de la Fédération algérienne de l'olive, les facteurs les plus importants sont liés à l'être humain. «Non seulement l'Algérie n'a pas amélioré sa production, mais la baisse des rendements qu'elle enregistre ne manque pas d'être inquiétante : d'abord, par la perte de richesse qu'elle provoque, dans un pays où les ressources agricoles s'accroissent moins rapidement que le chiffre de la population. Ensuite, parce que le prix de revient au quintal devient vite prohibitif, lorsque la production par arbre diminue. La récolte, notamment, s'avère très onéreuse sur des arbres peu chargés. Avec la concurrence de l'huile de graines, notre oléiculture serait vite acculée à une situation critique si les mesures nécessaires n'étaient prises rapidement.»

Il a expliqué que dans de nombreuses régions de Kabylie, l'olive tend à devenir plutôt un produit de cueillette qu'une denrée culturale. Toutes les parcelles de culture difficile, à rendements réduits, sont, selon lui, abandonnées car leur rentabilité n'est plus en rapport avec le niveau de vie actuel. Ce qui se passe en Kabylie est sans doute moins prononcé que dans les autres régions, mais, là aussi, il constate une évolution inquiétante.

QUELQUE 10 TONNES D'HUILE EXPORTEES POUR 300 000 IMPORTEES

Les statistiques officielles accusent une production moyenne de 35.000 tonnes d'huile de 2000 à 2008, ce qui donne à l'Algérie la 8ème place avec 1,2 % de la production mondiale, a indiqué M. Khodja Bachir de la Fédération algérienne de l'olive. En ce qui concerne les olives de table, l'Algérie se classe 6ème avec une production moyenne de 90.000 tonnes, soit 4,5% du tonnage mondial.

Au total, les 17,6 millions d'oliviers algériens, en rapport, produisent 262.500 tonnes d'olives, soit environ 15 kilogrammes par arbre. Les autres pays du pourtour méditerranéen échappent au phénomène d'alternance par de meilleures pratiques culturales, lesquelles atténuent significativement les écarts constatés chez nous. Les bonnes pratiques permettent, a-t-on souligné, de passer de 20 kg par arbre à 80 kg. Le rendement moyen des olives en huile est de 13% et celui d'un arbre de 2 litres d'huile, chiffre très bas, mais sensiblement égal à celui de la productivité moyenne des oliviers d'Europe.

Par rapport au nombre des habitants, cette production oléicole ne représente guère qu'un (01) litre par tête et par an ; en Kabylie, il est de 9 litres par an et par habitant. Un taux proche de la consommation de l'huile d'olives en Grèce ou en Espagne, a affirmé M. Khodja. A cette ration, il faudrait ajouter la différence entre les importations d'huiles de graines et les exportations d'huiles d'olives, qui sont presque nulles, pour la période 2000 à environ 10 tonnes pour les exportations et 300.000 tonnes pour les importations, soit une différence insignifiante qui vient parfaire la consommation intérieure.

En 2007, l'Algérie aurait donc consommé environ 300.000 et 25.000 (le total est de 325.000 tonnes d'huile) soit environ 9 litres d'huile par habitant. «Ce chiffre correspond à celui fourni par le conseil oléicole international et peut être considéré comme vraisemblable», a confirmé M. Bachir Khodja.