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Tension persistante à l'Ouest: L'inexplicable crise du carburant

par Houari Saaïdia & A. H.

Après une courte «accalmie», la tension sur le carburant est de retour dans l'Oranie. Des stations-service prises d'assaut par de longues files d'attente à longueur de journée, d'autres ont les réservoirs à sec dès la mi-journée ou un peu plus tôt. Ce sont, a priori, les mêmes signes avant-coureurs de la pénurie enregistrée en début d'année à l'ouest du pays et qui s'était propagée à l'est au fil des jours. Mais ce serait de l'anticipation que de comparer la situation actuelle à la crise de janvier-février, surtout en l'absence d'informations officielles sur les récentes perturbations. Tension passagère ou début d'une pénurie qui va perdurer ? En fait, la tension sur ce produit a commencé jeudi dernier, car l'ensemble des points de distribution de la région ouest n'a pas été ravitaillé en «super» ce jour-là, selon des informations concordantes recueillies auprès de plusieurs gérants de stations-service et confirmées par le représentant au niveau d'Oran de l'Union nationale des investisseurs propriétaires et exploitants de relais et de stations-service (Uniperst), Allali Omar. La livraison du super ne s'est faite que dans la nuit du jeudi au vendredi. «Il n'en fallait pas plus pour créer la psychose chez les consommateurs», explique le même représentant. Cependant, si ce retard de 24 heures dans l'arrivage du seul type d'essence super peut expliquer l'affluence extraordinaire sur les pompes le lendemain (vendredi) et même à un degré moindre le surlendemain (samedi), cette version devient en revanche franchement insoutenable quand on voit la tension persister jusqu'à hier dimanche sans s'atténuer d'un iota. En effet, hier matin, la quasi-totalité des stations-service d'Oran affichait carburants indisponibles, tous types confondus pour certaines et seulement le super et le sans-plomb pour d'autres, alors que les rares points de vente où tous les produits existaient à l'instar de celui d'El-Bahia étaient littéralement envahis par les véhicules de différentes wilayas. Là, dans cette station plutôt «régionale» puisque toutes les wilayas s'en approvisionnent indirectement, les nombreuses files d'attente, qui débordaient jusque sur les quatre routes de ce carrefour giratoire causant d'énormes problèmes de circulation, avançaient au compte-gouttes puisque tous les clients faisaient le plein et certains remplissaient en plus des jerricans «de secours» qu'ils mettaient dans le coffre ou dans un coin de la remorque. Les professionnels évoquent un autre fait -qui paraît plausible a priori- qui a une part de responsabilité dans les perturbations que connaît le circuit de la distribution du carburant, à savoir un gros manque dans la flotte des camions-citernes qui livrent le produit aux points de vente. Le parc roulant disponible (celui de Naftal et des sous-traitants privés) est fort disproportionné avec la demande à l'échelle de la région ouest. C'est le constat fait par plus d'un. En d'autres termes, explique-t-on, il va falloir tripler la flotte existante pour garantir un service normal d'acheminement du carburant aux douze wilayas de l'ouest, à partir du dépôt de Petit Lac, à Oran. Ce déficit dans les moyens de transport étant, la situation s'est compliquée davantage avec l'affectation d'une partie de la flotte pour acheminer du carburant au dépôt de Petit Lac à partir de la wilaya d'Alger, desservie par la raffinerie de Skikda par pipe. Ce mode de transport par route ne concerne toutefois pas le sans-plomb, lequel est transporté de Skikda à Oran ou en transitant par le dépôt d'Alger au moyen de bateau. C'est ce qui explique d'ailleurs, ajoutent nos interlocuteurs, la raison pour laquelle le sans-plomb n'a pas été concerné par la pénurie à proprement parler survenue en début d'année, mais que l'indisponibilité ponctuelle et partielle de cette essence était plutôt un effet collatéral, en ce sens qu'on se rabattait sur le sans-plomb faute de super.

Un responsable au niveau de la station-service d'El-Bahia, principal ravitailleur d'Oran, explique pour sa part qu'avec l'arrêt à nouveau de la raffinerie d'Arzew, il y a quelque temps, les quotas en carburant des différentes wilayas de l'ouest ont été revus à la baisse, de la moitié jusqu'au tiers parfois, précise-t-il. Cela, poursuit-t-il, a eu pour conséquence d'accentuer un déséquilibre qui existait déjà dans la répartition du produit par départements. «Auparavant, précisément avant la mise à l'arrêt de la raffinerie d'Arzew, les automobilistes de Tlemcen, et même ceux s'adonnant à la contrebande du carburant, se ravitaillaient de la wilaya voisine d'Aïn Témouchent, dont la consommation locale ou interne pour ainsi dire est faible par rapport au quota livré. Mais à présent, avec le rationnement des quotas, il y a eu comme une sorte de tarissement de la source Aïn Témouchent, ce qui a eu pour effet un rabattement massif sur Sidi Bel-Abbès autoroute Est-Ouest aidant, laquelle wilaya a ?répliqué' à cette sur-demande en allant puiser dans la source Oran. Et la boucle est bouclée !» Et le même responsable de la station-service El-Bahia de livrer quelques chiffres pour donner une idée, dans l'absolu, de l'immense offre que fournit quotidiennement cette station régionale actuellement: 54.000 litres de gasoil par jour, 32.000 litres/jour de super, 18.000 litres/jour de sans-plomb et 5.000 litres/jour de normal.

LES JERRICANS REMPLACENT LES POMPES !

A Sidi Bel-Abbès, à l'instar des autres wilayas de l'ouest, particulièrement Tlemcen où la situation dépasse l'entendement, la pénurie du carburant est devenue un phénomène banal et les longues files d'attente devant les stations-service continuent de faire partie des décors de la ville. Les stations approvisionnées de temps à autre sont aussitôt prises d'assaut pour ensuite annoncer le tarissement des citernes le plus souvent en moins d'une heure et les jerricans remplacent les pompes au grand dam des automobilistes. Du côté des gérants des stations d'essence, du moins ceux que nous avons contactés, c'est l'incompréhension totale du fait que l'approvisionnement n'est plus régulier comme il y a presque une année. Certains sont obligés d'assurer eux-mêmes le transport pour espérer décrocher de 3.000 à 5.000 litres parfois tous les trois jours. Certains privés dont les charges sont importantes, a-t-on confié, sont obligés de recourir à la sous-traitance auprès de revendeurs Naftal dans d'autres wilayas. Les trois stations de Naftal situées sur la route d'Oran sont à longueur de journée sous pression surtout lorsque les pompes fonctionnent. A cette crise aigue du carburant qui perdure, personne n'est en mesure de fournir des explications convaincantes y compris la direction de Naftal qui se confine dans son mutisme, car toutes nos tentatives d'entrer en contact avec le service commercial sont demeurées vaines et les deux lignes téléphoniques sont restées aux abonnés absents.