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Un individu, Ahmed Seïf Al-Islam Hamad, coordonnateur
d'un «centre de soutien aux nouveaux musulmans», a engagé des poursuites
judiciaires, validées par le procureur de la République, contre le
grand poète égyptien Ahmed Fouad Najm. Il lui reproche d'avoir insulté la religion de Hosni
Moubarak et du maréchal Tantaoui, d'avoir fait l'éloge des chiites et médit des
sunnites. Il lui reproche aussi d'avoir incité, dans une intervention sur une
chaîne de télévision, les soldats à ne pas obéir au Maréchal.
Ce «glaive de l'Islam» (encore un autre?), qui veut faire taire le poète et le juger pour ses opinions, est un parfait inconnu. Sa plainte contre Ahmed Fouad Najm confirme avec éclat que cet anonymat n'est pas significatif d'intelligence ni de modestie. Au contraire, il révèle une triomphale nullité. Le fait que le procureur de la République égyptien ait entériné cette plainte n'est pas pour surprendre : dans les systèmes autoritaires, la nullité est partout. Le poète, un habitué des prisons du régime Moubarak, n'a jamais cédé devant l'injustice et la crapulerie institutionnalisées. Najm est un homme du peuple, son poème a la verve décapante. C'est un homme de progrès aussi. De cette gauche populaire qui «parle» aux gens dans leur langue et qui n'a jamais déserté le terrain où l'action politique se déroule réellement. De cette gauche de lutte qui ne se sent pas obligée, pour justifier une honteuse démission, de critiquer le populisme à tort et à travers. Avec son verbe juste, incisif, rude et subtil, Najm est chez lui au milieu des ouvriers, des paysans, des gens du peuple. Personne ne sera surpris de découvrir que cet homme libre et courageux, exilé sous Sadate, fut l'hôte régulier des geôles de Moubarak. Il n'est pas plus surprenant de le voir aujourd'hui ciblé par les acteurs d'un «ordre nouveau», synthèse d'ancien régime et d'islamo-affairisme. Najm est donc poursuivi par le Maréchal. Et par les islamistes qui cherchent à museler un empêcheur de penser en rond, un résistant et un créatif qui n'a jamais cédé devant la ploutocratie au pouvoir. Et qui n'est pas près de se taire devant ceux qui instrumentalisent la religion pour imposer la bigoterie et l'étroitesse d'esprit. Najm est un immense poète, son audience va des élites instruites au petit peuple des quartiers «informels». Ses vers, chantés ? avec quel talent ! - par son compagnon de lutte et de prison Cheikh Imam, ont été constamment présents sur cette place Tahrir qui a bousculé le régime. L'homme est d'une constance dans l'engagement qui en fait, toujours, un «subversif» pour le désordre établi. Les militaires égyptiens, qui veulent par-dessus tout préserver l'ancien système, ont aménagé une petite place aux islamistes, dont la fonction est d'assurer une sorte de police sociale et intellectuelle. Ces derniers tentent de le faire avec l'arrogance de ceux qui se prévalent de succès électoraux. La plainte d'un obscur glaive émoussé contre Ahmed Fouad Najm, et son acceptation par un procureur au garde-à-vous, incarne parfaitement cette alliance qui n'est qu'un replâtrage de l'ancien ordre. Attaquer Fouad Najm, le poète qui n'a jamais cédé devant les puissants, vise clairement à fixer les limites à la libre-pensée et à brider les libertés démocratiques. Pour les tenants de l'ancien ordre, l'affaire est entendue depuis longtemps. Pour les nouveaux venus qui s'installent dans des travées concédées par les appareils sécuritaires, des hommes comme Najm sont d'autant plus «dangereux» qu'ils sont dans leur élément, chez eux, parmi les classes populaires, dont les islamistes veulent monopoliser l'expression et la représentation. Ahmed Fouad Najm, le vieux combattant, en a vu bien d'autres et il ne risque pas d'être impressionné par le glaive ébréché de l'obscurantisme, avatar théologique d'un système liberticide dont seule la façade a changé. |
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