|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Le président malien Amadou Toumani Touré (ATT) a
été renversé dans la nuit du mercredi 21 au jeudi 22 mars par une junte
militaire qui a suspendu les institutions, instauré un couvre-feu et fermé les
frontières. La junte militaire rencontre une défiance internationale générale
et les condamnations du coup d'Etat se multiplient.
Le coup d'Etat s'est accompagné de pillages commis par des militaires sur les lieux qu'ils ont investis, comme les sièges de la présidence, de la radiotélévision et des douanes. Ces pillages se sont étendus aux biens des particuliers dans plusieurs quartiers de la capitale. Le coup d'Etat aurait fait 4 morts et 40 blessés par balles. Si le putsch n'est pas vraiment une surprise dans un Mali qui subit les contrecoups des événements survenus dans la région, la capacité des putschistes à s'imposer et à s'installer, malgré un environnement international franchement hostile, est la grande inconnue des prochaines heures et jours. Depuis la chute violente du régime du colonel Mouammar Kadhafi sous l'effet d'une intrusion militaire occidentale, on attendait des répliques dans un Sahel déjà travaillé par une rébellion touareg endémique, les trafics en tout genre et l'installation, durable, des djihadistes-bandits d'Aqmi. C'est au Mali, où la rébellion au Nord a connu un fort regain avec un retour, en arme, des Targuis installés en Libye, que la réplique se manifeste avec un coup d'Etat mené par des militaires de rang inférieur au nom d'un « Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat » (CNRDRE). Les putschistes ont pris sans grande difficulté le palais présidentiel de Koulouba ainsi que de la télévision nationale et déclaré avoir «mis fin au régime incompétent et désavoué» du président Amadou Toumani Touré (dit «ATT»). LES FEMMES DE MILITAIRES ONT OUVERT UN BOULEVARD Le chef des putschistes, le capitaine Amadou Sango, a justifié l'action contre le président ATT dont le mandat expirait en avril prochain par l'incapacité du « régime à gérer la crise qui sévit au nord du Mali » et par le fait qu'il ne mettait pas à disposition des forces armées les «moyens adéquats » pour défendre «l'intégrité du territoire national». Le retour au pays de combattants targuis, liés au régime de Kadhafi, a cassé un équilibre déjà précaire et a mis l'armée au-devant de la scène. Sa performance face à la dernière rébellion au Nord était si évidemment faible avec des défaites subies sur le terrain face à des mouvements de rébellion, mieux armés que jamais après s'être servis dans les arsenaux libyens, était une source d'humiliation. Tous les maux étaient de fait imputés au pouvoir politique. La première manifestation de cette colère s'est exprimée, le 2 février dernier, avec une marche de protestation de femmes de militaires réclamant des munitions pour les soldats et dénonçant la «mollesse du pouvoir». Le fait que ces femmes de militaires aient pu passer tous les barrages pour marcher depuis la ville de garnison de Kati, située à 15 km de Bamako, jusqu'au palais présidentiel, était un signe que la protection sécuritaire d'ATT s'était affaiblie pour ne pas dire effondrée. C'est du même camp militaire de Kati que les putschistes ont engagé leur action en prenant à partie le ministre de la Défense qui était venu discuter avec eux. Mais les militaires putschistes, des jeunes, n'ont pas obtenu le ralliement des hauts gradés et des hommes politiques du pays à l'exception notable d'Omar Mariko et de son parti le SADI (Solidarité africaine pour la démocratie et l'indépendance). Au Nord, les mouvements rebelles risquent d'être confortés par l'évolution de la situation à Bamako. L'isolement interne et externe des putschistes est évident. Le sort du président malien ATT n'était pas encore connu hier soir. Des sources militaires restées fidèles au président le disent dans « un camp militaire » de Bamako « d'où il dirige le commandement ». ALGER CONDAMNE, PARIS DEMANDE QUE L'ELECTION SE FASSE AU PLUS VITE A l'étranger, les condamnations du putsch sont pratiquement unanimes. Alger a condamné le recours à la force et rejette «fermement» le changement anticonstitutionnel. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, M. Amar Belani, a indiqué que « toutes les questions internes au Mali doivent trouver leur règlement dans le cadre du fonctionnement normal des institutions légitimes de ce pays et dans le cadre du respect des règles constitutionnelles ». « L'Algérie proclame son ferme attachement au rétablissement de l'ordre constitutionnel dans ce pays voisin », a-t-il ajouté. L'Union africaine, la Cedeao, les Etats-Unis, la France et l'Union européenne ont également condamné le coup de force des mutins. Les Etats-Unis ont exigé le « retour immédiat de l'ordre constitutionnel dans le pays ». Le président de la Commission de l'UA, Jean Ping, a dénoncé un « acte de rébellion, qui porte gravement atteinte à la légalité constitutionnelle et constitue un sérieux recul pour le Mali et pour les processus démocratiques en cours sur le continent ». La France semble introduire une nuance. Elle appelle au « respect de l'intégrité physique du président (ATT) » et demande que les élections prévues en avril se tiennent au plus vite. |
|