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?«Mais il existe
une catégorie d'Algériens, vivant dans de luxueuses villas possédant des
bagnoles à 300 millions et plus, voyageant souvent à l'étranger, qui vous
diront : «On n'a rien vu depuis 50 ans» (Maamar
Farah).
Mais bien sur qu'ils n'ont rien vu et pour cause. Ce pays n'a constitué jusqu'ici, qu'une escale dans leur foudroyante carrière ou dans leur vertigineuse ascension sociale. Le Trocadéro ou Burj Dubaï, suscitent chez eux plus de tendres souvenirs que Laakiba ou Sidi-El- Houari. S'il faut admettre à l'école algérienne un quelconque échec, ce sera certainement dans le registre de la culture de la mémoire. Elle a fait croire à de multiples générations que notre sort était meilleur quand nous étions enfants. Edulcorée par le port et le comportement de ces instituteurs qui venaient le plus souvent de ce qui était appelé, jadis, la Métropole, notre perception du fait colonial était biaisée. Issus pour la plupart de la classe moyenne française, ces instits véhiculaient des idéaux progressistes qu'ils tentèrent d'appliquer sur cette multitude d'enfants et dont ils avaient conscience du déni qu'elle subissait par l'occupation coloniale. Mais, ils n'y pouvaient rien? De crédules sexagénaires évoquent encore, ce spleen de la récitation ou de la leçon de morale matinale. S'il est vrai que le regard d'un enfant est toujours innocent, la raison de l'âge adulte doit toujours l'emporter sur l'émotionnel puéril. En tout cas, M. Jules Ferry a réussi là où le général Bugeaud et consorts ont échoué. Connu pour son expansionnisme colonial, le «Tonkinois», tel était son sobriquet, voulait ainsi obtenir, un citoyen nourri aux valeurs républicaines pour corriger l'erreur «au-delà des Pyrénées». Membre de l'Assemblée nationale française, l'illustre père fondateur de l'instruction publique laïque, ne cachait pas sa «supériorité» raciale et assénait à ses pairs cette outrance : «Messieurs, il y a un second point, un second ordre d'idées que je dois également aborder (...) : c'est le côté humanitaire et civilisateur de la question. (...) Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (...) Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. (...) Ces devoirs ont souvent été méconnus dans l'histoire des siècles précédents, et certainement quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l'esclavage dans l'Amérique centrale, ils n'accomplissaient pas leur devoir d'hommes de race supérieure. Mais de nos jours, je soutiens que les nations européennes s'acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la civilisation»(*). Apparemment, cet auguste hémicycle du pays des droits de l'homme, n'a pas changé de timbre dans l'envolée lyrique depuis M.Ferry. M. Guéant n'a-t-il pas, tout récemment, paraphrasé et de manière plus «civilisée»ce dernier ? La France de Clemenceau, n'est, heureusement, pas celle des Ferry. Celui qui était surnommé «le Tigre» opposa à l'apôtre de l'ingérence humanitaire, cette cinglante répartie : «Voilà, en propres termes, la thèse de M. Ferry et l'on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ! Races inférieures ! C'est bientôt dit. Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j'y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou civilisation inférieure !»(*). Rendons, à l'occasion, la politesse à M.J.P Chevènement qui disait, récemment, que son pays n'a pas eu de personnalité semblable à celle d'Abdelkader, pour lui dire que G. Clemenceau, à l'instar du premier nommé, a marqué durablement l'histoire contemporaine du pays des Lumières. «Au lendemain de Sidi Ferruch, et de l'aveu même de certains chefs du corps expéditionnaire, la population subjuguée par le salpêtre et le sabre était plus policée, que celle qu'ils avaient laissée derrière eux. Et comme chacun sait depuis longtemps déjà, que nous ne savons ni communiquer, ni encore moins, vendre notre produit qu'il soit matériel ou immatériel, d'autres que nous s'en sont chargés. Nous nous réjouissons d'ailleurs de ce déficit, car l'adversaire a su immortaliser ces faits d'arme par la fresque ou la photographie. Pour preuve s'il en est besoin, même notre histoire contemporaine est encore, entre les mains d'extra-nationaux et qui font référence en la matière. Il est possible et grâce à l'internet de défricher cette mémoire en jachère que d'aucuns oublient de cultiver pour un tas de raisons. Il suffira, pour ceux qui «n'ont rien vu depuis cinquante ans» de faire un tour du coté d'INA.fr, pour se convaincre des «bienfaits» de la colonisation en Algérie. Insidieusement, l'école de Ferry savait «taper» là où il fallait, elle s'ingéniait à nous rappeler l'an de grâce 732 où Charles Martel stoppait l'invasion sarrasine (doux euphémisme pour désigner les Arabes) à Poitiers. L'Emir Abdelkader qui a fait subir à l'occupation armée plusieurs «Alésia», est soudainement devenu l'ami de la France. Cette cynique allégation allusive ne pouvait être que tendancieuse. Le butin de guerre dont on s'en prévalait, ne serait-il pas en fin de compte qu'un leurre ? Est-ce que cet acquis culturel, somme toute, ne fait-il pas de notre pays qu'un simple prolongement d'une francophonie vieillissante ? Le récent conclave de la Secrétaire d'Etat américaine avec la «société civile» exclusivement anglophone, n'est-il pas le signe d'une lutte d'abord culturelle avant d'être économique ? A ce propos, ceux qui s'attendaient à s'entretenir avec Madame Clinton, en rocking- chair démocratique, n'ont eu droit qu'à un prosaïque «tabouret». (*) Sources : Wikipédia |
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