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Toutes les
langues pour continuer à vivre donnent et reçoivent, en matière lexicale. Il
s'agit souvent de nouveaux mots, néologismes, apparus dans une langue et que
les autres langues doivent adopter pour permettre à ceux qui en sont les
locuteurs d'employer une sémantique pour parler, analyser, désigner des choses
des concepts, des idées dans leur langue native.
Cependant chaque mot ou bien chaque locution possède une histoire, un contexte et une nécessité d'apparition, qui fatalement leur collent à la peau leur vie durant. Et qu'à chaque fois que ces termes sont employés, notamment dans les langues qui les auraient reçus. Ils évoquent forcément cette traçabilité. Et pour donner un exemple vivant, jusqu'au jour d'aujourd'hui, quand certains français parlent de leur marine de guerre, ils disent : la royale. Cela après des décennies de vie en république. Est-ce à dire qu'il faudrait reprendre cet automatisme, qui finalement renvoie à une nostalgie mythique, quand les Algériens, qui s'expriment en français, parlent de leur marine nationale. Quand bien même, l'histoire maritime algérienne, sous la régence turque d'Alger, est grande et épique, doit-on pour cela, appeler nos forces navales, la deylicale, sinon la deylicale. Et c'est la même chose qui vaut également pour l'armée nationale populaire. Encore que dans notre cas, ce ne sont pas des emprunts d'une langue à une autre, mais il s'agit d'emprunts d'utilisation de termes de langue française, par des algériens s'exprimant en français, pour désigner, l'armée algérienne. Et dans ce cas de figure l'emprunt en question, est vraiment maladroit voire fautif. Qu'il s'agisse de la langue ou bien de l'intellection de l'expression utilisée. Dans le cas d'espèce, c'est un manque criard de maîtrise d'une langue comme outil de travail, qui au final restitue le signifié d'une façon approximative, mais avec beaucoup de dégâts physiques et surtout des préjudices moraux. Le 24 février 2012, un communiqué de la cellule de communication de ministère de la défense national, rappelait à tous, de ne plus désigner, l'Armée Nationale Populaire, par l'appellation «Grande Muette». Pris au premier degré le communiqué signifie, que l'institution militaire algérienne n'est pas muette. Mais dans une compréhension plus profonde, il explique que ce mélange des genres, en plus d'être maladroit, est injuste et arbitraire. Ce n'est pas parce que les Français qualifient leur armée ainsi, que ce signifiant désigne en français : armée. Cette locution a une histoire, qui avait d'ailleurs été exhumée par toute la presse dès la parution du communiqué du M D N. Les personnels de l'armée française n'avaient pas le droit de vote ainsi que le droit à la liberté d'expression. Et si cela justifie cette métaphore pour cette armée, il est hors sujet pour toutes les autres armées du monde, et ça l'est encore plus, quand il s'agit de l'armée algérienne. Les historicités, dans le sens légitimité, des deux armées ne sont pas les mêmes et leurs histoires biographiques aussi. L'armée française est, selon ses propres historiens, une armée belligérante, car sur les 53 conflits majeurs qu'a connus l'Europe, cette armée en avait pris part à 49 d'entre eux. Ensuite c'est une armée classique avec ses réservoirs particuliers de recrutement d'officiers dans des familles à noms à particule, des hommes de troupes, et des légionnaires. Pour cela, elle avait crée ses écoles, ses codes, ses références et ses doctrines philosophiques. Les légions sont romaines et pas gauloises, mais l'emprunt est assez significatif, pour justifier de caractère de belligérance. Le modèle est parlant. L'armée française est également colonialiste. Et ses exploits, s'il en est occurrence d'en parler, ont touché tous les peuples de tous les continents. Les malfaisances de cette armée, durant son histoire coloniale, n'ont épargné, ni les Sud Américains, ni les Nord Américains, ni les Asiatiques, ni les Européens. Leur expérience australienne, avec l'un de leurs plus célèbres marins La Pérouse, tourna court et avec des dégâts. Mais la colonisation de l'Afrique demeure de loin, la plus importante, la plus cruelle, en atrocité, en barbarie et en férocité. Alors qualifié l'Armée Nationale Populaire de grande muette, ne lui sied guère et pas du tout. La genèse au sens premier, l'origine et la naissance de l'armée algérienne, ont tout du contraire de se qui se rapporte et qui qualifie, l'armée française. L'armée algérienne est révolutionnaire de naissance, c'est-à-dire née contre un ordre établi, pour le révolutionner, l'ébranler et le bouleverser. Elle est née contre la colonisation de peuplement de l'Algérie, et contre tout ce qu'avait provoqué et entraîné ce genre de colonisation, le plus violent d'entre tous, sur les Algériens autochtones. La colonisation de peuplement avait visé et réussi la désagrégation de des structures sociétales algériennes, la destruction de toute l'assise culturelle qui fait l'identité du peuple algérien. Elle avait brisé et disloqué le lien social pour en imposer d'autres. Et s'il fallait ne prendre qu'un seul exemple, mais fondamental, et foncier sans jeu de mots, de cette dislocation du lien social, ce sera le sénatus consulte de 1863. Au troisième alinéa de l'article 2 de ce règlement il est énoncé :'' il sera procédé administrativement et dans le plus bref délai : à l'établissement de la propriété individuelle entre les membres de ces douars, partout où cette mesure sera reconnue possible et opportune''. Il s'était alors agit, de déclasser toutes les terres Arch, c'est à dire, les propriétés communes à toute la tribu, ou de l'organisation sociale de l'époque, par nature incessibles et de les privatiser. Le but était de permettre à des algériens devenus individuellement propriétaires sous l'empire de ce sénatus, mais restés dans l'indivision des terres, de pouvoir vendre leurs parts. Cependant, souvent les acquéreurs étaient soit des colons, soit des sociétés et des grandes compagnies foncières coloniales, comme la compagnie genevoise à Sétif, ou ailleurs la compagnie algérienne. Selon Claude Collot, dans son ouvrage : les institutions de l'Algérie durant la période coloniale, aux éditions OPU de 1987. Le ministre français de la guerre déclarait en 1856, ceci : « le but assigné à l'autorité, en matière administrative, est la désagrégation de la tribu ». De son côté Charles Robert Ageron, dit à ce sujet et dans le contexte de la colonie de peuplement que « devenir propriétaire sans bourse déliée, ou par le versement de rentes annuelles minimes, s'enrichir par l'exploitation d'un domaine ou par la spéculation foncière, furent les mobiles essentiels de l'émigration ». Et ainsi la boucle est bouclée, pour ce volet. D'un autre coté l'armée algérienne est une armée populaire dans son extraction. Populaire dans le sens collectif, universel, commun et non exclusif. Etant l'émanation, de l'armée de libération nationale, elle ne pouvait, ne peut, et ne pourrait ni échapper, encore moins renier cette descendance généalogique, qui fait son essence. Ce ne sont ni le roi, ni l'empereur, ni l'Etat, ni les seigneurs qui pouvaient lever des armées sur leurs personnels et domestiques et aussi sur ceux de leurs vassaux, qui avaient crée l'armée de libération nationale, génitrice de l'armée nationale populaire. Mais le peuple algérien. Et là réside la différence primordiale et déterminante, avec d'autres armées et particulièrement, l'armée française, qui accepte ce sobriquet métaphorique et porte le nom de la grande muette, pour des raisons qui lui sont propres et intrinsèques. Et pour ceux que l'histoire intéresse, c'est la plate-forme historique, qui couronnait les travaux du congrès de la Soummam, du 20 août 1956, qui dans son volet militaire avait décidé de la réorganisation de l'ALN en bataillons, compagnies, sections et groupes. Bien sûr avec en soutien toute une organisation administrative représentée par les services de santé, de liaison, de l'équipement, de renseignement, de finan¬ce, du matériel de guerre, de presse et d'information. Ce seront ces effectifs là, djounouds et cadres, qui feront le noyau, pierre angulaire de l'armée de la République Algérienne Démocratique et Populaire, dès l'indépendance du pays en 1962. L'armée française, quant à elle, possède, comme chacune des autres armées du monde sa propre histoire. C'est une armée crée pour faire la guerre, pas pour engager des combats de libération. Elle aura passé la plus grande partie de son existence, à entreprendre des guerres de conquêtes territoriales, d'influence et de positionnements géostratégiques. Elle fut un outil des plus performant de colonisation des peuples, avec ses officiers géomètres, ses officiers des bureaux arabes, ses officiers des sections administratives et sociales les S A S, en fait des centres de l'action psychologiques de l'armée française en Algérie. Et ses officiers des détachements opérationnels de protection les D O P, en réalité des centres de tortures durant la guerre de libération de l'Algérie. C'est l'armée de l'affaire Dreyfus, cet officier d'état major alsacien, qui avait été condamné à perpétuité pour une sordide affaire d'espionnage au profit de l'Allemagne, sur une grande pression antisémite française. Cet officier était de confession juive. Il fut dégradé, et son épée de commandement brisée, en public. Emile Zola immortalisera par son célèbre : j'accuse, paru dans le journal français l'aurore, du 13 janvier 1898, cette inique affaire. L'armée française c'est aussi le temps des défaites, celle de 1940, par l'armée allemande, celle de 1954 par les révolutionnaires vietnamiens, et celle de 1962 par les moudjahidines et combattants de la liberté algériens. Et comme l'Algérie se défend de recourir à la guerre pour porter atteinte à la souveraineté légitime et à la liberté d'autres peuples, selon l'article 26 de la constitution. Les deux seules fois où l'Armée Nationale Populaire avait pris part à des conflits armés, elle l'avait entrepris contre l'armée sioniste, aux côtés d'autres armées arabes. La première fois, c'était durant la guerre des 6 jours, du 05 au 10 juin 1967. Et la deuxième fois, ce fut lors de la guerre d'octobre 1973,à laquelle avait participé une unité d'élite de l'armée nationale populaire, la 8ème BB, ou brigade blindée, conduite par l'actuel ministre délégué auprès du ministre de la défense nationale, le général major, Abdelmalek Guenaïzia, alors jeune lieutenant colonel. Selon certaines informations, il en aurait tiré un ouvrage, cependant et malheureusement, introuvable en librairie. L'armée nationale populaire, c'est la construction des 1000 villages socialistes agricoles, c'est la réalisation de la route transsaharienne, c'est l'édification du barrage vert, et tant d'autres réalisations. La précision contenue dans le communiqué du M D N, vient à point nommé, car au-delà de recadrer les choses, pour ce qui concerne l'A N P. Cela interpelle tous ceux écrivent et tous ceux qui parlent de faire des aggiornamentos de temps à autre. C'est bien d'utiliser une langue, mais encore, faudrait-il aussi, lors de son emploi, maîtriser, ses tournures et ses représentations, ses nuances et ses précisions, ses métaphores et sa rigidité. Il y a un proverbe bien de chez nous, qui dit : est-ce que tout ce qui brille est or ? Et un autre qui énonce : que tout ce qui est vert n'est pas herbe. Et pour conclure moi et sûrement beaucoup d'algériens, avions vu, pas plus tard que la semaine dernière, des officiers supérieurs de l'ANP, en opération de sauvetage et de secours, aux populations, à travers toutes les régions du pays, que les fortes chutes de neige avaient isolées. Ces officiers, n'hésitaient pas à prendre la parole et à communiquer, sur ce qu'ils font en direction des populations, aux heures de grande écoute, aux principaux journaux télévisés. Ils dominaient leur sujet et maîtrisaient la manière d'en parler. Hier, et aujourd'hui encore, les unités de l'armée algérienne, toutes armes confondues, terre, marine et aviation, intervenaient et sont encore en opérations de sauvetage dans la wilaya de Tarf, dont une grande partie est inondée, depuis une semaine. Et là aussi des officiers, des sous officiers et des hommes de troupes, protègent, aident, et assistent des citoyens, leur parlent et les soutiennent dans leur infortune. Alors, l'A N P, grande muette, ou grande tout court ? |
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