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Chakib Arslan n'est pas seulement le nom
d'un boulevard connu de la ville d'Oran ou autre ville arabe, mais il est
surtout une figure emblématique du mouvement de la «renaissance»
arabo-islamique des années vingt du siècle dernier. Natif de djebel druze au
Liban en 1869 en tant qu'Emir, il connut plusieurs péripéties dans sa vie : la
première fut sa conversion de l'Islam chiite à l'Islam sunnite, la seconde,
c'est son engagement total dans la bataille pour la renaissance d'un monde
arabo-islamique en pleine désintégration sous l'effet du colonialisme occidental
et de plusieurs décennies de décadence intellectuelle et politique. De son exil
en Suisse, il prit contact avec plusieurs noms de l'intelligentsia et du
Nationalisme du Maghreb, dont Cheikh Abd el-Hamid Ben Badis , Messali Elhadj
et Habib Bourguiba entre autres.
Sa grande interrogation durant toute sa vie d'intellectuel imprégnée de foi et de culture était : «Pourquoi les Musulmans ont-ils pris du retard et pourquoi les autres ont-ils pris de l'avance ?».Tout en condamnant l'occidentalisation des mœurs, publié en 1930, Il plaide dans son livre portant l'intitulé de «interrogation posée, pour l'adoption des sciences occidentales». Etant un fervent lecteur de l'Emir, et ayant un esprit perspicace, Malek Ben nabi écrivit dans «Vocation de l'Islam» paru en 1954 : «dans les conditions où se trouvait le monde musulman plongé encore dans une totale apathie», l'action de Djameleddine El Afghani, et ainsi que celle de Chakib Arslan «avait une portée psychologique et intellectuelle plutôt que politique. Elle devait faire éclater le drame musulman dans la conscience musulmane elle-même». 1 Malheureusement pour nous, la grande interrogation qu'a posée Arslan depuis presque un siècle reste toujours d'actualité. Après les changements que vit la société arabe contemporaine, la problématique doit être reformulé d'une autre manière : «Pourquoi les Arabes( et non les musulmans) ont-ils pris du retard et pourquoi les autres ont-ils pris de l'avance ?». (L'exemple de la Turquie, la Malaisie ou l'Iran dans les temps qui courent, est à méditer.). En réalité, Arslan n'était pas le premier à avoir souligner l'importance de ce «pourquoi».Il fut devancé par plusieurs hommes et femmes de grande culture tels Rifa'a El Tahtaoui l'égyptien (1801-1873), ou Khair-eddine le tunisien (1830-1890). Ils nous ont transmis leurs observations dans leurs œuvres : Talkhiss al-ibririz ila talkhis pariss, ou La purification de l'or dans l'aperçu abrégé de Paris de Tahtaoui et aqwam al-massalik , fi maarifati ahwal al-mamalik de Khair-eddine . Ils furent témoins oculaires de la première confrontation avec l'occident. Faisant valoir l'inégal niveau des pays civilisés, Tahtaoui estime cependant que ?les pays francs ont atteint le plus d'ingéniosité dans les sciences mathématiques, naturelles et métaphysiques?, mais il accorde sa préférence aux Parisiens, remarquant, d'autre part, qu'ils ne ressemblent pas aux chrétiens coptes d'Egypte, ignorants et candides. (p.75).Tandis que Khair-eddine, qui présenta son manifeste comme le résultat d'une longue méditation ?sur les causes du progrès et de la décadence des sociétés anciennes et modernes? se propose de présenter un diagnostic général du monde musulman, en vue d'assurer sa renaissance. Mais malheureusement La Nahdha « renaissance» tant espérée, et dont Tahtaoui et Khair-eddine furent le symbole, n'aboutit pas, malgré les efforts fournis tout au long du vingtième siècle, non seulement par quelques « réformateurs» de tendances idéologiques différentes, voire contradictoires, mais aussi par les gouvernements issus des révolutions et guerres de libération, comme ce fut le cas, en Egypte sous Nasser ou en Algérie sous Boumediene. En effet, la grande interrogation posée depuis, reste toujours sans éléments de réponses, malgré moult tentatives parsemées d'échecs et de séquelles telles les «Nakba»et «Naksa» entre autres. Ce qui permettra à certains de reposer la question d'une autre manière durant l'invasion de Bagdad par les troupes américaines et de s'exclamer : « Pourquoi les Arabes donnent-ils depuis si longtemps l'impression d'être coincés dans leur passé et de ne pouvoir accéder au temps présent?». Il est clair maintenant, et après plusieurs secousses et vagues qui ont bouleversée la société arabe depuis El Tahtaoui jusqu'aux évènements du 11 sept 2001, qu'il faut mettre en valeur et redéfinir le patrimoine hérité de notre société qui est, comme tout le sait, un complexe de valeurs qui apparaît dans les attitudes concrètes «en face de la vie et aussi dans des institutions traditionnelles.». Sans pour autant, passer outre les acquis de la culture universelle. Les raisons du passage difficile du monde arabe d'une époque à l'autre, ne sont pas seulement d'ordre politique, géopolitique, technique comme le prétendent certains, mais aussi d'ordre culturel et éthique. Le passé ne veut pas dire seulement les institutions et les techniques d'un patrimoine, mais aussi les échecs politiques, culturels et économiques des projets de société ratés depuis les années cinquante du siècle passé ; Ce qui a en engendré au sein des populations arabes (algériennes) et surtout les jeunes un grand malaise. Et le présent dans tout cela, n'est pas la technologie ou le mode de vie occidental, mais vivre en harmonie avec soi-même et avec la société dans un environnement adéquat, insufflé de libertés, de justice et valeurs universelles. L'impression d'être coincé entre deux temps, cette bulle en verre, vient d'être brisée par cette jeunesse arabe «facebookienne».Elle en dit long sur ce passage difficile à l'Ere nouvelle, malgré les non-dits et la Récupération. Malgré l'impact positif de la globalisation sur presque l'ensemble de l'humanité- puisqu'elle a rapproché les peuples - elle a manifestement contribué à la marginalisation des cultures locales et nationales, qui sont aux yeux de l'Unesco «l'ensemble des modes d'expression, de pensée et d'action propre à une communauté donnée..». Cette «américanisation» a abouti à une civilisation mondiale qui est essentiellement caractérisée par l'irruption de la technique et la technologie dans la vie quotidienne. Il semble maintenant vain d'enrayer «le processus d'uniformisation» des genres de vies, des modes d'être et de paraître.En revanche l'authenticité (ou éléments essentiels de la culture locale), face à cette modernité ou post- modernité -qui a engendré une culture de consommation «contestée»- permettra au moins d'atténuer cette uniformisation, non seulement des modes de vie, mais surtout des valeurs. Les modes de pensée et d'action propre à notre culture qui sont en réalité en harmonie avec les valeurs universelles, contestent les pratiques des uns et des autres, tant au niveau personnel que social, politique qu'économique. Il est impératif pour un chef de parti, par exemple, en Algérie ou dans n'importe quel pays arabe, de savoir que la démocratie veut dire aussi alternance à la tête des partis. Qu'un élu local ou national, n'est pas un chef de tribu ou investisseur. L'heure n'est pas à la guéguerre idéologique entre les composantes de la scène politique, laïcs, islamistes, islamistes modérés ou nationalistes. L'heure est plutôt celle de l'action concrète, loin des calculs de clans et de familles, en vue de l'accomplissement des projets de sociétés les plus ingénieux, qui concourront à faire émerger les populations du sous développement, du chômage, et de l'ignorance. Note : 1 - Malek Bennabi, Vocation de l'Islam.éd .du seuil,1954. |
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