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Les partis islamistes viennent d'obtenir
haut la main la
majorité des sièges en Tunisie, au Maroc puis en Egypte. L'Algérie en a fait
l'expérience tout au début des années 90. La Turquie dont la forte croissance
dissimule les dysfonctionnements n'a pas échappé non plus. Il ne faut pas
oublier aussi que la
seule élection libre organisée en Palestine libérée, c'est
aussi Hamas qu'il l'a remportée. Tout porte à croire qu'une règle vient de
s'imposer et qui à chaque scrutin libre dans les pays où il y a la présence d'une force
islamiste, c'est cette dernière qui sera «choisie». Pourquoi ? Des arguments
sont avancés ici et là mais n'explique
que superficiellement ce tsunami, parfois même participent inconsciemment au
jeu des islamistes. Ils imputent cet état de fait à la faiblesse de parties
républicains qui n'arrivent pas à produire un projet de société et concevoir
une démarche capable d'y aboutir. Ces parties ne constituent pas une vraie
opposition qui assure l'équilibre du pouvoir et ils composent avec l'autorité
en place et se distancent vis-à-vis de leur base qu'ils utilisent comme un
tremplin.
Par contre les parties islamistes font un excellent travail de proximité et ils disposent des moyens pour le faire : les mosquées. Ils ont leurs propres milices et tentent tous les artifices pour se rapprocher des citoyens en créant des hôpitaux à soins gratuits et des marchés de la rahma etc. combien même cette explication reste crédible, elle n'est pas totalement vraie pour la simple raison qu'on ne peut continuer à manipuler éternellement un peuple si lui-même n'est pas convaincu de son avenir avec ses guides. Les peuples des pays Arabes ne sont pas différents des autres peuples et les anthropologues sont unanimes pour dire qu'il n'existe pas des peuples meilleurs que d'autres. C'est uniquement les circonstances qui font leurs différences. Quelles sont ces différences justement ? D'abord pour évacuer les confusions entretenues sciemment pour décorer les discours islamistes afin d'en faire de plus modérés, entendons-nous sur la terminologie et ramener le tout à une approche sociologique car c'est la seule science qui explique tout ce qui se rapporte à la société. Dans ce cadre, on tente en Tunisie, au Maroc et en Egypte, pays fortement touristique à rassurer en préférant le qualificatif «islamique» à «islamiste» car ce dernier aurait selon eux une connotation intégriste et fondamentaliste bien que ces deux termes se rapprochent. Or, si «islamique» ne reste qu'un qualificatif, «islamiste» est une doctrine politique qui vise l'expansion de l'islam par tous les moyens y compris la violence. Les sociologues disent que tout parti qui fonde ses valeurs sur l'islam est islamiste. Maintenant s'ils acceptent «l'évolution», ils peuvent ne pas être «intégristes». Le pragmatisme dans l'application des concepts islamiques peuvent leur éviter d'être «integralistes» Quel est le parti islamique dans le monde arabo-musulmans et ailleurs qui accepte de renoncer ou de faire des concessions sur les traditions religieuses ? Il n'y en a pas et il n'y aura pas après plus de quatorze siècles d'expérience. La deuxième ambiguïté est l'exemple traumatisant de «l'iranisation» et «l'afghanisation» de la société Arabe. Il faut souligner que le peuple afghan n'a jamais connu de colonisation et ne connait aucune culture à part la sienne. C'est un système tribal et il faut attendre son urbanisation dans des grandes agglomérations comme Kaboul et les autres grandes villes pour espérer le sursaut populaire contre les talibans. Cela a déjà commencé bien avant l'arrivée des forces étrangères qui n'ont fait que retarder le processus. S'il n'y avait pas l'attentat du 11 septembre, les talibans ne se seraient pas inquiétés pour plusieurs années. Quant à Khomeiny, il est venu en tant personnalité charismatique aux bons moments après l'échec fracassant de la politique du Chah d'Iran. Ce dernier gérant un pays fortement pétrolier n'a pas réussi à juguler les dysfonctionnements dans sa communauté (corruption, despotisme, injustice, fermeture totale du champ politique etc.). On peut donc sans verbiage dire que les parties comme le PJD au Maroc, le Nahda en Tunisie et les frères musulmans en Egypte et d'autres partis de ce type ailleurs sont islamistes parce qu'ils mènent une politique basée sur les valeurs de l'islam dont les concepts n'acceptent aucune évolution avec les progrès de la société. Dans ce cas pourquoi même des avertis choisissent cette voie sinon pour se flageller. Les racines sont beaucoup plus profondes qu'une simple explication expéditive. De nombreux sociologues ont développés des modèles qui décrivent le processus de démocratisation des sociétés mais celui de Jacques Ellul de l'université de Bordeaux 01 nous semble plus approprié pour ce cas. Il part de l'hypothèse que la démocratie est un concept collectif qui met à l'épreuve l'Homme dans la société et la manière dont il y contribue. Dans ce cadre justement, le professeur Ellul, mort en 1994, distingue fin des années 70 deux points extrêmes pour évaluer la contribution de l'Homme dans la sa communauté. Le point le plus bas, il l'appelle société «vidée» en comparaison du plus haut qu'il identifie comme «habitée». Est habitée selon le chercheur toute société composée d'hommes présents, conscients, ayant un comportement convergent sans être identique, centripète mais non unitaire. Elle est cohérente par un ensemble d'idées et croyances partagées. Est vidée par contre toute société composée d'hommes absents, narcissiques, et qui se désintéressent du corps social ou ce qui revient au même. Elle est centrifuge à démarche divergente. Le principe pour compléter le modèle est que plus on avance de la société vidée vers celle habitée, plus le processus démocratique et l'ouverture vers l'extérieur sont acceptés. Il reste bien entendu que ces deux points extrêmes restent théoriques et aucune société ne peut les atteindre mais tend vers eux. L'équité, la transparence, la justice sociale, la bonne gouvernance favorisent cette tendance de la société vidée vers celle habitée. Les sociétés occidentales ont mis de nombreux siècles pour se purger et même si elles ont fait un bon parcours, elles n'atteindront jamais le sommet. Que dire alors des pays du printemps arabe et ceux qui leur ressemblent qui n'ont connu jusqu'à présent que des dictatures ou des colons et lorsqu'ils commencent à s'ouvrir vers l'extérieur ce sera autour de la mauvaise gestion, l'injustice et les divers dysfonctionnements sociaux. Leur forte frustration séculaire les place au plus bas niveau de l'échelle sus-décrite. L'idée propagée à travers les tables rondes et les médias selon laquelle les algériens, les tunisiens, les égyptiens, les marocains et même les libyens à travers un soulèvement populaire aspirent à plus de liberté est une hérésie. Parce que dénoncer la hogra, la corruption l'injustice et la mauvaise gestion n'est pas nécessairement un besoin de démocratie telle qu'elle est aperçue à travers les instruments de la nouvelle technologie de l'information et de la communication mais primordialement et incontestablement un ras- le-bol d'une situation qu'ils ne peuvent plus supporter et est arrivée à son paroxysme. Il s'agit d'un désir très fort de chasser les dictateurs et le pouvoir jugé responsable de leur malheur. Ils choisiront parmi les postulants à la responsabilité celui qui est capable de les aider à se débarrasser de l'establishment quitte à tomber dans une nouvelle dictature qu'ils auront à tester. Historiquement, ces pays sont passés par un pouvoir totalitaire militaire à un autre semi militaire puis civil et maintenant ils s'apprêtent à essayer et non subir un pouvoir islamiste et ainsi de suite. Il se trouve que les islamistes et notamment les frères musulmans en Egypte n'ont jamais exercé directement le pouvoir mais jouissaient de la réputation d'une forte opposition aux dirigeants en place et plus tard de leur violence intégriste qui suscitent par esprit de vengeance une admiration populaire. Maintenant qu'ils sont contraints de mettre les mains à la patte pour gérer directement une société traumatisée et déstructurée, la tâche ne sera pas de la même ampleur. Il va falloir qu'ils trouvent un compromis pour la modération sans toucher aux fondamentaux islamiques. Développer un discours pragmatique pour maitriser leur aile extrémiste. Tout cela reste un dur challenge pour montrer au monde entier «qu'il n'y a pas de haine dans l'islam» et que les inquiétudes des uns et des autres ne sont aucunement fondées. Certaines de ces inquiétudes biaisent le débat sur le concept de démocratie et dissimulent les vrais problèmes qui apparaitront certainement avec l'exercice du pouvoir. Il est clair que l'occident aveuglé par ces intérêts évaluent le printemps arabe selon ses propres critères et l'enfonce encore plus dans les détails. En réalité leurs préoccupations se résument en deux points : - Comment pérenniser la sécurité de leur approvisionnement en matière première plus particulièrement en énergie ; - Comment préserver leur lieu de détente sans des restrictions imposées par des règles islamiques (loisirs, habillements légers, boissons alcoolisée etc.) C'est la raison pour laquelle des questionnements sont posées sans jamais trouver de réponses claires chez les nouveaux tenants du pouvoir. Nous citerons par exemple l'homosexualité, les femmes célibataires, la laïcité, le droit à la vie, le port du niqab, le vin etc. Cet ensemble de questions, même en occident ne sont pas totalement tranchées. Mais les efforts considérables ont été faits dans ces pays pour séparer le religieux du politique assurer la souveraineté des peuples pour produire des lois indépendamment de toute institution ou doctrine. Partant de leur expérience, les fondamentaux de la démocratie devraient tourner autour de l'origine de la légitimité des lois, la manière de les appliquer, par qui les appliquer et comment s'exerce la souverainté du peuple et surtout quel sera le rôle de la chari'a en tant ligne directrice et principe doctrinal de tout musulman. La tâche n'est certainement pas facile pour les nouveaux tenants du pouvoir mais il serait très difficile d'anticiper avant de voir et vivre comment cet exercice va se mettre en œuvre sur le terrain. Plus les contradictions s'accumuleront, plus courte sera la période de gestion des islamistes. Il faut noter qu'ils n'ont rien d'extraordinaire que les régimes passés sinon leurs prières. Il se pourrait aussi qu'ils réussissent une bonne gouvernance par crainte divine, pourquoi pas ? Toujours est-il, le compte à rebours à commencé... l'histoire n'a-t-elle pas montré que le pouvoir n'est jamais eternel ? |
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