Poussée de fièvre islamiste en Egypte, au lendemain du 1er tour des
élections législatives que les Frères musulmans devraient remporter. Les partis
islamiques, vainqueurs de cette consultation, selon les premiers résultats, commencent
à faire peur et à faire craindre un scénario-catastrophe pour la jeune
démocratie en Egypte, née avec les manifestations qui ont fait tomber le régime
de Hosni Moubarak.
Les déclarations d'un ancien membre influent des Frères musulmans et chef
de file actuel des Salafistes sur les questions très
sensibles de la mixité, de l'alcool et de la démocratie ont vite fait de
provoquer une levée de boucliers au sein de la jeunesse égyptienne, mais
surtout parmi les courants modérés et laïques. Abou Hazem Ismaïl, un
des ténors de ce courant très influent après les Frères musulmans affirme que
s'il était président de la République, il interdirait la mixité au travail et
la vente d'alcool. Le cheikh Hazem Abou Ismaïl, candidat
déclaré à la future présidentielle sous la bannière d'«indépendant», estime que
legouvernement devrait «créer un climat pour
faciliter» le port du voile. «Je ne permettrais pas à un jeune homme et une
jeune femme de s'asseoir ensemble dans un lieu public car cela est contraire
aux traditions sociales», a-t-il ajouté jeudi soir sur la chaîne privée CBC. Pour
lui, «la mixité dans les lieux de travail est inacceptable», et s'il était élu,
il interdirait «la vente et la fabrication de l'alcool», tout en laissant aux
citoyens la liberté de boire...chez eux. Et pourtant, il n'est pas membre du
parti salafiste Al Nour qui
a créé la surprise en raflant 20 à 30% des voix, selon les estimations, derrière
les Frères musulmans. Ces déclarations ont cependant provoqué une levée de
boucliers en Egypte parmi les jeunes qui, pour beaucoup, ont participé aux manifestations
et aux affrontements place Tahrir, qui ont provoqué
la chute du régime de Moubarak. Sur les réseaux sociaux, beaucoup s'insurgent
contre les islamistes toutes tendances confondues, les accusant d'avoir volé
«leur» révolution qui a chassé le président Hosni Moubarak en début d'année. Pour
autant, le porte-parole du parti d'Al Nour, salafiste et second aux législatives, dénonce une «campagne
de diabolisation et de diffamation» à l'encontre des salafistes.
En Egypte, où les courants religieux sont très influents, autant salafistes que les Frères musulmans, ainsi que les membres
de l'église orthodoxe notamment les Coptes, le débat risque très vite de
s'épaissir sur le thème fondamental de la laïcité, dont les défenseurs et les
détracteurs ne manqueront pas d'animer de vifs débats politiques dans un pays
qui pourrait vite basculer vers des sentiers dangereux. Le parallèle peut être
également vite fait avec la
Tunisie où le parti Ennahda, officiellement
modéré, tente de calmer le jeu après une méga manifestation de militants
islamistes hier samedi devant le siège de l'Assemblée constituante à Tunis, où
campent depuis trois jours des centaines de personnes dont de nombreux
sympathisants de gauche. Islamistes et militants de gauche étaient «face à
face». «On a gagné! La majorité est là», «dégage!» «Allahou
Akbar», scandaient les pro-islamistes qui agitaient
des drapeaux d'Ennahda (le parti islamiste vainqueur
des élections), mais aussi pour certains des drapeaux noirs du Hizb Tahrir, le parti salafiste non légalisé en Tunisie. En face, les militants
de gauche répliquaient par «Liberté, travail et dignité». Nourredine
Bhiri, le porte-parole d'Ennahda,
a démenti être à l'origine du rassemblement islamiste, et est allé parler aux
manifestants pour tenter de calmer la tension. Des renforts policiers ont été
acheminés et six blindés stationnaient devant les entrées du palais où siège
l'Assemblée constituante. En fait, islamistes et militants de gauche faisaient
le siège de l'assemblée constituante pour demander une amélioration du climat
social dans le pays, et notamment la lutte contre le chômage. Pour autant, certains
en Europe, au vu de l'actualité égyptienne et tunisienne, commencent, à tort ou
à raison, à échafauder des scénarios afghans pour certains pays d'Afrique du
Nord, y compris la Libye
et le Maroc.