La presse
nationale et locale a consacré, au courant de la semaine dernière, suffisamment
d'espace à ce qu'on a nommé «la guerre des gangs», à Haï Essabah.
A lire certains papiers, on a l'impression qu'Oran, du moins certains de ses
quartiers, sont véritablement tombés sous le contrôle de certaines bandes de voyous.
Au point de se croire dans certaines favelas de Rio de Janeiro,
au Brésil où même les forces spéciales peinent à y montrer le nez. Ces écrits
sont bien évidemment relayés par la vox populi qui les gonfle davantage et
rappelle des faits précédents de la même nature. Ainsi, on a «déterré»
l'attaque par une bande, d'une boîte de nuit, sur la corniche oranaise l'été
dernier. On a remis sur le tapis les deux bandes rivales qui se sont entretuées
au quartier Derb, sur fond d'une sorte de vendetta, ainsi
que des batailles rangées dans l'hôpital d'Aïn El Turck et dans des boîtes de nuit, mais aussi dans certains
quartiers de la ville d'Oran. Dans cette énumération, on a évoqué aussi la
bande de Ras El Aïn qui a empoisonné la vie aux
habitants de ce quartier, lors de la rentrée scolaire au point de les «pousser»
à monter une sorte de milice pour la chasser. On a rapporté le cas, tout récent,
du délinquant, armé d'un sabre, qui a essayé d'agresser de paisibles citoyens
dans un café au quartier de Victor Hugo. Sa tentative s'est terminée, selon les
dires, par la blessure d'un autre citoyen par l'arme d'un policier, présent sur
les lieux. Nous assistons donc à une prolifération des sources et une
multiplication, souvent avec exagération, des histoires de violences et
d'attaques des biens et des personnes. Le déficit de communication des
institutions chargées de la sécurisation des biens et des personnes est en
partie responsable de cette socialisation des faits de violence, au point de
provoquer une sorte de psychose.
Est-il vrai qu'Oran est devenue un foyer de la
violence et de la délinquance urbaine ? La simple consultation de la presse
nous montre que cette « rengaine » ne date pas d'aujourd'hui. Déjà, ce son de
cloche a été entendu aux débuts des années 2000. Pour revenir à la question, le
citoyen craignant pour son véhicule garé dans le parking de sa cité, acquis au
prix d'énormes sacrifices, la réponse est oui sans appel. Pour d'autres, la
réponse est plus nuancée. Le témoignage de ceux qui travaillent tôt le matin, peut
être édifiant dans ce sens : on ne rencontre pas chaque matin un cadavre
abandonné sur un trottoir ou une chaussée, comme c'est le cas de Johannesburg, répertoriée
comme ville de grande violence. Cependant, ni le livreur qui sillonne les rues
de la cité avant ses concitoyens, ni le simple citoyen palabrant sur une
terrasse de café, ne sont des « voix autorisées » pour qu'on se fie à leur
jugement. C'est aux institutions concernées, en l'occurrence la Police et la Médecine légale, de par
sa proximité avec le phénomène, de nous fournir des données fiables. Tout
récemment, la Fondation
pour la Promotion
de la Santé et
le Développement de la
Recherche a fourni un chiffre donnant froid au dos, sur les
agressions sexuelles dont sont victimes les enfants. Elle a répertorié 10.000
cas en une année. Ils seraient uniquement 7.000, selon la présidente du réseau
Nada (Réseau algérien pour la défense des Droits de l'Enfant), mais ce dernier
chiffre est déjà énorme. Mais le mérite de ces chiffres, même s'ils ne sont pas
concordants, est d'avoir brisé un tabou enveloppant un drame gardé sous silence
jusqu'ici. Toujours sur ce plan, la semaine dernière, le ministre de
l'Education nationale a fourni des chiffres concernant les actes de violence
enregistrés dans les établissements scolaires. Cependant, il a dédouané son
département en imputant la recrudescence du phénomène à la société. Du coup, il
a reconnu explicitement que l'école subit l'influence de son entourage, au lieu
de le modeler, ce qui est un de ses rôles. En somme, la mise en place d'un
Observatoire de la violence et la délinquance urbaine devient une urgence. Une
telle entreprise peut être l'œuvre d'une institution concernée par la question,
comme elle peut émaner d'une initiative citoyenne. Son intérêt est de conférer
de la cohérence à tout ce qui s'écrit et se dit autour de la violence urbaine
pour mieux l'élucider en premier temps et, pourquoi pas, aider à réfléchir sur
des solutions pour la contrecarrer. Mais un préalable doit être rempli : la
disponibilité des données sur ce phénomène. Les premières sources de ces
matériaux sont bien évidemment la
Sûreté nationale, la Justice et les services de la Médecine légale.