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«Dans l'empire de
la honte, gouverné par la rareté organisée, la guerre n'est plus épisodique,
elle est permanente. Elle ne constitue plus une pathologie, mais la normalité.
Elle n'équivaut plus à une éclipse de la raison. Elle est la raison d'être de
l'empire lui-même.» (1)
Après la Deuxième Guerre mondiale, le monde bascula dans le bisness de l'armement. Gagner de l'argent en vendant des armes, c'est De Gaule, en digne militaire, qui en fut le précurseur afin de relancer l'économie française et moderniser son armée. Pour rééquilibrer la balance des paiements américains, Kennedy lui emboita le pas. Désormais l'oncle Sam cessa de jouer au père Noël avec les Alliés : vendre les armes c'est mieux que de les offrir. Dans ses Mémoires de guerre, le général répliquait, mauvais joueur : «Les Etats Unis apportent aux grandes affaires des sentiments élémentaires et une politique compliquée.» La boite de Pandore venait d'être ouverte. Aujourd'hui, c'est les conflits qui font l'ordre dans le monde ; la civilisation se structure autour de la violence et l'industrie des armes se chiffre par milliers de milliards de dollars pour tuer de l'«humain». En comparaison, la jungle est un havre de paix puisque l'animal ne tue que pour sa survie. Les guerres actuelles ont perdu le sens de l'honneur et leur héros. La mode est désormais au bombardement de population civile ; démodé, l'affrontement de deux armées en terrain neutre. Au terrorisme des groupes, s'oppose le terrorisme de l'Etat en prenant femmes et enfants en otages. Est-ce un plan tacite pour une sélection darwinienne anti naturelle ? Et après plus d'un demi-siècle, que sont devenues les ambitions de De Gaule et de Kennedy ? La France et l'Amérique sont empêtrées dans des dettes abyssales quémandant la «générosité» chinoise et malgré leur arsenal sophistiqué, aucune de ces deux supers puissances militaires n'a remporté une guerre depuis. L'acharnement à vendre des armes a forcé l'Occident à faire des crédits à des nations qui ne sont même pas capables de payer les intérêts de leurs dettes, et pire, pouvant devenir d'éventuels ennemis On estime les dépenses d'armement pour la seule année 2004 à plus de 1000 milliards de dollars.(1) Quand on dépasse des sommes dites raisonnables, l'esprit humain est incapable d'imaginer une équivalence et par conséquence de maitriser les dérives. Malgré la numérisation de tous les systèmes de contrôle, 1 milliard de dollars disparait mystérieusement chaque année du budget de l'armée américaine estimé à 300 milliards de dollars, le double en réalité. Une enquête menée en Suède a révélé qu'il faut toujours multiplier par deux les chiffres tellement l'influence de cette énorme industrie déborde sur les autres secteurs.(1) Des constitutions qui clament la suprématie des autorités civiles, des Etats souverains soucieux du bien-être de leurs concitoyens, on est passé à de menaçantes aventures militaires drainant un système maffieux de milliardaires fantômes qui financent les campagnes électorales et achètent des chaines de télévision à l'audience planétaire (ex : NBC propriétaire de General Electric, leader mondial de l'électronique militaire) aux sociétés écran-fumé prêtes à vendre le péché au diable. John Saul parle du coté thriller de ce secteur qui avalise une pléthore d'activités douteuses. A chaque conflit, le prix du pétrole flambe et les marchands d'armes applaudissent au risque de mettre à genoux leurs pays respectifs généralement importateurs de l'or noir. Durant la guerre Iran-Irak, la France, l'Angleterre, les USA, la Suède ont vendu des armes à l'Irak et à l'Iran malgré l'interdiction de la loi qu'ils ont signée, sans parler du scandale de l'Irangate et autres bizarreries du genre. Les armes ont cessé de devenir des biens d'équipement pour devenir des biens de dénuement. Coûteuses inutiles dangereuses. Avec sa floraison de satellites, d'ordinateurs dernier cri qui captent les conversations du monde entier, l'Amérique n'a rien vu venir de l'attentat du 11 septembre. L'invasion de l'Afghanistan a eu autant d'impact qu'une épée dans l'eau quant à celle de l'Irak en 2003, on serait tenté de penser qu'elle a été «programmée par Al-Qaida.»(4) Les Arabes dépensent pour l'achat des chars et de l'artillerie par tête d'habitant plus que l'ensemble des 30 pays d'Europe membres des anciens pactes de l'Otan et de Varsovie.(3) Dans ce marché mondial, ils se partagent la part du lion : 50% de toutes les transactions. Un vrai gâchis. Des sommes faramineuses pour acquérir un matériel qui ne servira qu'au mieux à être détruit lors d'une attaque surprise (Egypte, Irak, Lybie?) au pire à tuer du citoyen «frère» ou du voisin «frère». La guerre entre l'Irak et l'Iran a fait de part et d'autres 1,5 à 2 millions de victimes sans parler des destructions qui les ont ramenés à la case zéro question modernisation. L'Algérie, qui n'est menacée par aucune puissance intérieure ou extérieure, bien loin d'Israël, en bon terme avec les USA et ses voisins d'après le discours officiel, est dans le top 10 des pays importateurs d'armes. Sur la période 2008-2009, elle a dépensé pour les joujoux à tuer 2460 millions de dollars selon l'institut international de recherche pour la paix (SIPRI) ; pour 2011, environ 4,5 milliards d'euros. Classée second importateur d'armes du continent juste après l'Afrique du Sud, SIPRI s'inquiète sur cette course effrénée pour l'acquisition d'armes. Tout cet argent transformé en écoles universités logements hôpitaux trains rapides parcs de loisirs?aurait redonné à l'Algérie son aura d'antan et l'aurait muée en une puissance régionale à l'image de la Turquie sans le boulet kurde. Détruit le rêve par cette boulimie malsaine pour acquérir ce stock de ferraille qui ne répond qu'au «fantasme de la conspiration»(5), véritable pandémie chez les dirigeants arabes qui vont jusqu'à bombarder leur propre population pour l'assouvir. Dans les années 70, il y avait une poignée de conflits dans le monde, une trentaine dans les années 80, de 1993 à 2003, 43 guerres (pas moins de 10000 morts par an) ont éclaté face à l'impuissance de l'ONU dont l'essentiel du budget va aux opérations de maintien de la paix (72000 casques bleus actifs dans 18 pays(1). Les statistiques parlent de 1000 soldats tués chaque jour c'est l'équivalent des pertes quotidiennes de l'armée française durant la Première Guerre mondiale qui n'a duré que 5 ans alors que les conflits actuelles ont une plus longue longévité. Les civils sont 5 fois plus nombreux tandis que les tueries périodiques à la cambodgienne ne sont même pas chiffrées. Il y a plus de 2500 ans, le grand stratège chinois Sun Tse qui a inspiré Bonaparte, Mao et tant d'autres, écrivait : «La guerre s'apparente au feu : ceux qui refusent de déposer les armes sont consumés par elle.» Aujourd'hui, même la paix est armée puisque «nucléaire» selon l'expression de John Saul. D'après Sun, il faut éviter la guerre en s'imposant grâce à son leadership. L'Allemagne et le Japon en sont le meilleur exemple. Exclus de ce jeu pervers depuis la Deuxième Guerre mondiale, ces deux géants ne sont menacés par aucune armée étrangère malgré le dérisoire 1% du PNB consacré à leur défense. Dans La Complainte de la Paix, Erasme a montré que la paix a un prix, minime et ô combien précieux si la volonté suivait : «?je ne calcule pas ici les sommes d'argent qui s'écoulent entre les mains des fournisseurs des armées et de leurs employés et entre les mains des généraux. En faisant le calcul exact de toutes ces dépenses, si vous ne convenez pas que vous auriez pu avec le 1/10 acheter la paix, je souffrirais avec résignation qu'on me chasse de partout.»(6) Aujourd'hui avec cette multitude de guerres conventionnelles qui échappe de jour en jour à tout contrôle, peut-on échapper indéfiniment au nucléaire ? On dit que les Américains ne sont sensibles à aucun lobby et que s'ils passent leur temps à soutenir Israël c'est parce qu'à la moindre de leur défaillance, le monde arabe profitera pour se débarrasser de l'Etat hébreux, qui acculé, utiliserait son arme nucléaire? Les hommes ont emmagasiné assez d'ADM (armes de destructions massives) pour provoquer un autre Big-Bang. Qui pourra nous éviter cette fin du monde et préserver cette paix même «nucléaire»? Pas les USA, ce colosse fragilisé et désorienté par ses défaites, encore moins la Russie avec sa politique «masquée» à la Pouchkine qui n'a pas hésité à gommer 17% de la population tchétchène. Surtout pas la Chine, ce nouveau banquier du monde qui, alors que le génocide avait commencé, a continué à fournir au régime de Kigali les machettes pour massacrer environ 1 million de femmes hommes enfants tutsis en 100 jours (1). Et que dire de l'ONU dont les casques bleus armés jusqu'aux dents ont assisté à ce génocide en simples spectateurs. Dans cette atmosphère méphitique, un fou dangereux pourra prendre les commandes... Camus déclarait que le ver est dans le cœur de l'homme. Certes une civilisation qui s'arme doit être bien malade. A moins d'un sursaut avec l'optimisme d'un Voltaire : «Le nombre infini de maladies qui nous tue est assez grand ; et notre vie assez courte pour qu'on puisse se passer du fléau de la guerre.» (1) Jean Ziegler (l'Empire de la Honte) (2) John Saul (La Dictature de la Raison en Occident) (3) René Nabab (Aux Origines de la Tragédie Arabe) (4) Jean-Claude Barreau et Guillaume Bigot (Toute l'Histoire du Monde) (5) Fereydoun Hoveyda (6) Eramus von Rottermam(1517), Munich, Holborn, 1934. |
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