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Le «printemps arabe» ne réjouit plus grand monde parmi ceux
qui, en Algérie, ont applaudi à sa survenance et fondé sur lui l'espoir d'une
démocratisation irrépressible des Etats où il se produit et appelé de leurs
vœux sa contagion au pays. C'est qu'ils s'aperçoivent avec amertume et
consternation qu'il est en train de rendre possible la pire des finalités qui
se conçoit pour eux : l'arrivée au pouvoir des islamistes là où sont organisées
des élections libres et démocratiques. Un constat qui se vérifie
inéluctablement au Maghreb et dans le monde arabe, scrutin après scrutin, et a
rendu bien aléatoire la conviction qui leur a fait soutenir que l'Algérie n'est
pas dans la situation rendant possible un tel scénario, au principe que sa
population est «vaccinée» contre la tentation de redonner leur chance aux
islamistes d'accéder au pouvoir.
A contrario, les islamistes algériens jubilent à la tournure que prend le «printemps arabe» là où les populations ont été appelées à choisir leurs nouveaux dirigeants. Elle leur donne la certitude que les Algériens feront comme les Tunisiens, les Marocains et les Egyptiens, c'est-à-dire les accepter en tant qu'alternative au pouvoir en place, usé et démonisé par ses échecs, sa corruption et l'incompétence de ses hommes. De cette vérité que l'Algérie n'est pas «vaccinée» de l'attrait qu'exerce la doctrine islamiste, le pouvoir, pour aussi médiocre qu'il soit dans la gouvernance et la prévision, en a pleinement conscience. Ce qui explique la recomposition du champ politique qu'il a menée sans se préoccuper de considérations liées à l'Etat de droit et aux libertés citoyennes. Cela a consisté à organiser un pôle partisan arrimé au pouvoir, où se sont intégrées la frange du courant islamiste non réfractaire à la «collaboration» et celle «nationaliste» que ce compagnonnage n'effraie pas. Il a préalablement préparé le terrain en levant l'hypothèque que faisait peser l'ex-FIS en prononçant son interdiction et en interdisant à ses anciens leaders la création d'un autre parti susceptible de prendre sa relève dans la mouvance islamiste. Enfin, il a magistralement joué des luttes de leadership et des ambitions des autres personnalités et formations présumées en capacité de fédérer la base islamiste et surtout d'attirer les «orphelins» du parti dissous. Ainsi démembré et atomisé entre pôles en peine de constituer un front commun, le courant islamiste en Algérie apparaît à première vue dans l'incapacité de réaliser éventuellement les performances électorales de ses homologues tunisiens, marocains et égyptiens. C'est paradoxalement le pouvoir qui a créé les conditions qui ne le lui permettront pas. Reste à savoir si les adversaires de ce courant islamiste se saisiront de la chance qu'ils ont ainsi d'endiguer la vague verte toujours possible en Algérie. Pour cela, ils n'ont qu'à tirer l'enseignement et les conséquences de l'erreur politique qui a été l'une des causes principales des échecs électoraux de leurs pendants tunisien, marocain et égyptien, qui a été de se présenter en ordre dispersé aux élections cruciales, et surtout d'avoir déserté le terrain de la confrontation avec les islamistes et les avoir laissé faire du champ social et caritatif leur fonds de commerce. Il faut espérer que la débâcle des «progressistes» et autres «modernistes» en Tunisie, au Maroc et en Egypte leur a décillé les yeux et fait prendre conscience que le «printemps arabe» est loin d'avoir réalisé le projet de société et les valeurs qu'ils présentent en tant qu'alternative à ceux derrière lesquels s'avance l'islamisme politique. |
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