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Le développement du commerce
électronique pose à l'évidence toute une série de difficultés fiscales
inédites. L'Internet utilise, en effet, des techniques complexes, faisant appel
à l'informatique, à la télématique ou au cryptage. Il s'agit, en outre,
d'opérations dématérialisées, dont la traçabilité s'avère parfois extrêmement
problématique. Enfin, on se trouve en présence de transactions très
internationalisées, avec des opérateurs étrangers susceptibles de localiser
leurs serveurs hors d'Algérie pour proposer différentes prestations aux
internautes algériens.
Si Internet et le commerce électronique ne posent que peu de difficultés en termes de règles comptables et fiscales internes, il n'en va pas de même au plan international : le commerce électronique est susceptible de se traduire, du point de vue théorique, par des interrogations sur les notions traditionnelles d'établissement stable ou de siège de direction effective, et surtout du point de vue pratique par des délocalisations de matière imposable. Ces difficultés se posent, d'ailleurs, aussi bien du point de vue de la fiscalité directe, que du côté de la fiscalité indirecte et notamment de la TVA. En matière de TVA, le commerce électronique se traduit par un certain nombre de difficultés, dès lors que la transaction porte sur des éléments téléchargés. La neutralité affichée du commerce électronique est mise à mal, car les livres bénéficient de taux réduits (Loi de finances 2017), qui ne sont pas accordés aux livres téléchargés. Les anomalies sont encore plus criantes sur le plan international car, les sites de téléchargement se sont massivement délocalisés dans les pays qui appliquent les taux de TVA les plus faibles. En effet les règles de la TVA applicables en Algérie, l'impôt qui rapporte le plus aux finances publiques, peuvent se trouver quelque peu perturbées par certains aspects du commerce électronique, et notamment par le développement des opérations de téléchargement au détriment de la commercialisation, traditionnelle de supports physiques. Nous examinerons successivement, ci-après, les questions de TVA liées aux opérations internes, puis les questions de territorialité liées aux transactions Internet transnationales. L'application de la TVA aux transactions internes On distingue traditionnellement en matière de TVA deux catégories d'opérations, les livraisons de biens et les prestations de services: cette distinction s'avère fondamentale au regard du traitement des opérations de commerce électronique. La distinction entre livraisons de biens et prestations de services S'agissant des livraisons de biens meubles corporels, le fait que la transaction ait été conclue via Internet (commande, paiement) ne modifie en rien les règles applicables, qui sont les règles de TVA classiques : la transaction réalisée se résume à une très banale vente par correspondance. En revanche, l'utilisation des technologies numériques, notamment via Internet, est susceptible d'entraîner une requalification de certaines transactions en prestations de services ; le cas des opérations de fourniture de logiciels, conduisant l'administration à élaborer une distinction entre les logiciels « standards » et les logiciels « spécifiques ». Pour l'administration fiscale, les opérations de fourniture de logiciels aux entreprises constituent des prestations de services « lorsque ces logiciels constituent seulement le support matériel des travaux d'études particuliers nécessités par leur conception ou leur adaptation aux besoins spécifiques de l'entreprise. En revanche, la vente en série de logiciels procède de la livraison de biens meubles corporels ». Ces critères de distinction ont été précisés par la suite les produits « standards » sont des articles fabriqués en série qui peuvent être acquis par tous les clients et être utilisés par eux, après une installation et une formation limitée, pour la réalisation des mêmes applications ou fonctions (logiciels pour micro-ordinateurs par exemple). Cela étant, cette distinction entre livraisons de biens et prestations de services, si elle demeure pertinente dans le cas de logiciels vendus sur support matériel (disquettes, bandes ou CD-Rom voici quelques années ; DVD le plus souvent à l'heure actuelle), n'est, comme on s'en doute, plus du tout valable à partir du moment où le logiciel est téléchargé sur un site, ce qui est, de plus en plus souvent, le cas. La distinction perd alors tout intérêt puisque l'opération s'analyse en tout état de cause, c'est-à-dire quelle que soit la nature du logiciel (standard ou spécifique), comme une prestation de services. Cette analyse vaut d'ailleurs pour tout contenu téléchargé (données, musique, film, journal, livre électronique) : tout téléchargement constitue nécessairement, au plan de la TVA, une prestation de services. En effet, une livraison de bien implique par définition la délivrance physique effective d'un bien corporel donnéCe qui, bien entendu, ne peut pas être le cas en matière de téléchargement. Et de fait, cette requalification automatique de l'opération en tant que prestation de services se traduit par toute une série de conséquences fiscales. Les conséquences de cette distinction en matière de fiscalité interne Du point de vue des opérations internes algériennes, la qualification de prestations de services retenue pour les opérations de téléchargement comporte deux effets principaux, au regard de la TVA : en ce qui concerne le fait générateur et l'exigibilité de celle-ci, en premier lieu ; en ce qui concerne le taux de TVA applicable, en second lieu et de façon beaucoup plus inattendue. S'agissant tout d'abord du fait générateur et de l'exigibilité de la TVA, il convient simplement de rappeler qu'en ce qui concerne les prestations de services, le fait générateur intervient lorsque la prestation est effectuée (exécution du service), alors qu'en ce qui concerne l'exigibilité, celle-ci prend naissance, en principe, au moment de l'encaissement du prix de ladite prestation, sauf option pour le régime des débits. Mais la qualification de prestations de services a surtout des conséquences importantes en ce qui concerne le taux de TVA applicable. En effet, la délivrance de certains « biens culturels » bénéficie de taux réduits par détermination de la loi fiscale, alors que jusqu'à présent ces taux ne bénéficient pas aux téléchargements. Les livres numériques La Loi de finances 2017, se contentait d'indiquer que la TVA réduite s'appliquait aux « livres », que la doctrine administrative définissait comme un ensemble « présenté sous la forme d'éléments imprimés ». Clairement, la notion fiscale de livre reposait sur une notion « physique », position confirmée par la jurisprudence, qui a jugé que les textes réservaient bien la qualification de livre à un ouvrage imprimé et donc qu'un cédérom ne pouvait pas être regardé comme un livre « même si, par son contenu homogène et son apport intellectuel, il est susceptible de contribuer à la diffusion de la culture et de la pensée ». Le taux réduit est désormais applicable à « la fourniture de livres, sur tout type de support physique ». Ainsi donc le téléchargement de livres par fichiers numériques, qui constitue une prestation de services par voie électronique, demeure soumise au taux normal de la taxe et non pas au taux réduit. En matière de fiscalité externe (la question de l'établissement stable) Pour l'essentiel, les règles de répartition des impositions entre les Etats reposent sur la notion d'établissement stable. Ainsi, le Code général des Impôts dispose que sont imposables dans notre pays les « entreprises exploitées en Algérie », ce qui pour les entreprises étrangères suppose en général l'existence d'un établissement, c'est-à-dire d'une installation possédant un caractère de permanence et une autonomie propre. Il en va de même des conventions internationales, le modèle OCDE définissant l'établissement stable comme « un lien d'activité fixe par l'intermédiaire duquel une entreprise effectue tout ou partie de ses opérations ». On conçoit immédiatement à quel point des textes conçus voilà de nombreuses années par notre législation fiscale pour appréhender la « stabilité » et la « fixité » peuvent se trouver inadaptés lorsqu'il s'agit d'appréhender un monde numérique mouvant, dématérialisé par définition. A l'issue de la Conférence d'Ottawa, il avait été indiqué que les autorités fiscales devaient instaurer un climat fiscal favorable au commerce électronique, sans pour autant se priver de leurs recettes fiscales. Il avait aussi été précisé que les règles fiscales existantes devaient permettre la réalisation des objectifs annoncés : il s'agit donc d'interpréter (ou d'adapter) les règles traditionnelles de fiscalité internationale (et notamment la notion d'établissement stable) à la lumière du développement de l'Internet. * Expert Comptable et Commissaire aux Comptes - Membre de l'Académie des sciences et techniques financières et comptables. Paris |
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