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Les explications économiques à la crise qui sévit en Europe
ne manquent pas. Elles ont le défaut de ne pas répondre aux questions
fondamentales que posent les citoyens à qui l'on présente des factures lourdes
sans véritable explication. Il est vrai que le terrain est mouvant et que les
choses évoluent rapidement - en mal - dans une ambiance fortement déprimée.
C'est «une crise de plein exercice», a commenté avec ironie un financier algérien. De fait, elle l'est même si les dirigeants politiques s'agitent et font mine de cogiter et de décider. Ceux qui dirigent, y compris ceux qui assument le rôle de l'opposition institutionnelle, n'ont pas de discours alternatif. Les seuls mots politiques qui s'imposent en Europe sont ceux de la «rigueur», de «l'austérité». Objectivement, la plupart des pays européens, hormis l'Allemagne, sont dans une logique de récession. Le jeu est bloqué. Et chacun est en train de supputer quel est le prochain domino à succomber après la Grèce. A qui l'on vient, c'est tout un symbole, d'offrir un ancien responsable de la Banque centrale européenne comme Premier ministre. Et son programme est simple : faire subir une cure d'amaigrissement ? d'ajustement structurel ? qui ira jusqu'en 2020. Les Grecs n'ont, semble-t-il, encore rien vu et pourtant ils sont déjà dans la peine. Et dans des difficultés inextricables. La Banque centrale européenne est elle-même dirigée par un ancien de Goldman Sachs. Il est clair pour tout ce beau monde qu'il n'y a point de salut en dehors de la doxa libérale. Techniquement, pour parler comme les «spécialistes», le système est en bout de course. Il n'a plus les capacités de proposer un new deal mais il a les capacités de se maintenir. En agissant sur les variables d'ajustement classique : le travail, les dépenses publiques de santé et d'éducation. Dans la logique du système, la relance passe par une réforme du système financier. Bien sûr, pour la forme, les politiques continuent de parler de «régulation», mais en réalité ils ont totalement abdiqué devant ces fameux «marchés». Et ce sont bien eux, en dépit des agitations médiatiques des gouvernants, qui sont en train d'imposer la médication. Elle consiste tout simplement à mettre en œuvre des politiques économiques publiques dont la finalité est de rabaisser de manière drastique les standards européens pour retrouver une compétitivité globale perdue face aux pays émergents. Les marchés font sauter Papandréou. Ils virent également le pourtant très libéral Berlusconi, qui a résisté, jusque-là, au pouvoir malgré des frasques financières et de mœurs qui humiliaient les Italiens. Il saute car il n'a pas la «crédibilité» nécessaire pour assumer et imposer aux Italiens l'extraordinaire dose d'austérité que les « marchés» attendent. Du temps de l'ex-URSS, les pays de l'Europe de l'Est étaient sous un régime de «souveraineté limitée» qui ne se cachait pas. On peut observer désormais que les pays d'Europe vivent sous un régime de souveraineté restreinte des peuples. Et cela ne se cache même pas. La crise met à nu des fonctionnements que le système s'évertuait, avec une redoutable efficacité, à cacher et à masquer. Ce n'est pas un hasard si les mouvements des Indignés, qui s'ébauchent dans la difficulté et dans un contexte de dépolitisation quasi accomplie des opinions, tentent de mobiliser contre la confiscation de la démocratie. |
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