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Spectacle
inhabituel, rarissime mais merveilleux.Cela s'est
passé le mardi 20 septembre 2011, lors du match de championnat de Turquie
opposant l'équipe Fenerbahçe à celle Manisaspor. Toutes les tribunes ainsi que tous les gradins
étaient pleins à craquer, uniquement de femmes. Spectacle insolite, mais une
exhibition à plus d'un titre, interpellante. Pourquoi
cette résolution de la fédération turque de football ? Parce que le de juillet
2011, les supporteurs de Fenerbahçe avaient envahi le
terrain lors d'une rencontre amicale contre l'équipe ukrainienne, du ShakhtarDonestk. Cet incident a été exploité par la Fédération,
pour rappeler selon elle : «aux hommes la beauté et les valeurs du football»
précise-t-elle dans son communiqué d'annonce de l'évènement. Ce genre
d'incident a lieu depuis fort longtemps dans les stades, puisque, une des
premières traces d'affrontements entre supporters est rapportée dans les écrits
de Tacite, relatant la rixe de Pompéi en 59 après Jésus-Christ. Ainsi lors d'un
spectacle de gladiateurs organisé par Livenius
Regulus à Pompéi, les spectateurs des colonies de Nucérie
et de Pompéi en vinrent aux insultes, à des jets de pierres et ?nirent par s'affronter les armes à la main.
Ce combat ?t de nombreux morts et blessés au point que les Pompéiens furent interdits de manifestations sportives durant dix ans et les associations de supporters étaient dissoutes. Au début de l'année 2009, j'assistais pour la première fois de ma vie à un exceptionnel match de football. Une rencontre de foot féminin en Algérie. Cela se passait au stade colonel Chaabani à Touggourt. La partie sur le tartan, opposait, les filles de Touggourt de club Espérance Sportive Féminine de Oued Righ, cet oued fossile disparu depuis des lustres, dont le cours avait été recalibré en canal pour charrier vers le chott Melghigh, les eaux stagnantes, foyer de paludisme. Sur ses 140 kilomètres de parcours, il traverse, Blidet Amor et sa palmeraie, puis Temacine et sa Zaouïa Tidjania, pour arriver à la plus importante ville de la vallée, Touggourt et son marché régional hebdomadaire, il pénètre enfin l'oasis de Meggarine, aux filles du club algérois A S E Alger centre. Le spectacle proposait divers déchiffrages et beaucoup d'enseignements à commencer par les spectateurs. Fort peu nombreux, cependant très fortement loquaces. Ils n'arrêtaient pas de lacer des diatribes du genre : les hommes n'ont pu le faire, ce ne seront pas ces filles qui vont remporter la coupe et beaucoup de rires goguenards enjolivant les propos. Sur le terrain le jeu se déroulait à sens unique. Les touggourtiennes subissaient assaut sur l'autre, et encaissaient but sur but, en se battant vaillamment, mais il était clair et flagrant que les deux formations ne boxaient pas dans la même catégorie. Les filles d'Alger centre étaient plus détendues, elles jouaient au sens premier du terme. Leurs coupes de cheveux et les teintes, leur maquillage quoique discret, contrastaient avec les dégaines des joueuses de l'équipe qui ce jour là recevait. Les équipements des deux formations, montraient clairement à quel stade était la mode, les trainings, les souliers de foot etc. étaient en décalage. Ceux qui étaient en charge d'habiller les filles de l'équipe de foot de Touggourt, n'étaient pas in. A la mi-temps et au sortir des vestiaires les filles d'Alger s'amusaient à se faire des blagues les unes les autres, sur les scorpions que le vent peut ramener jusque dans les draps des lits de l'hôtel où elles logeaient, le plus grands des établissements hôteliers de Touggourt. Celles de Touggourt, rigolaient de cette de candeurs, bien que la plupart d'entre elles n'aient jamais mis les pieds dans cette établissement haut de gamme, quasi inaccessible. Et sûrement lors du match retour, contre les filles d'Alger Centre, elles n'iront pas dans un hôtel haut de gamme de la capitale, c'et cela aussi la relativité des avantage qu'offre le fait d'habiter la grande ville, encore plus, vivre dans la capitale. Mais les deux équipes jovialement se taquinaient, et à qui rirait le plus fort. En somme une intimidation sportive sans violence. Il n'y avait presque pas de policiers pour assurer le service d'ordre, ils étaient deux à siroter leur thé servi dans un gobelet, loin de la l'atmosphère féminine du stade. Néanmoins les quelques curieux sur place, il faut dire que le match se déroulait un vendredi à onze heures, n'arretaient pas d'invectiver les joueuses avec des propos pour le moins graveleux, voire licencieux. Ils interpellaient les filles par le numéro qu'elles portaient sur leurs maillots. Du genre, oh ! toi la 9 ta poitrine te gène, ou bien, eh ! toi la 10 va te marier, tu pourrais allaiter. Pour moi c'était pénible, mais les filles des deux camps, semblaient ne pas être concernées, par ces aboiements de derrière le grillage. Le match se termina par un score lourd en faveur des algéroises qui avaient ce jour là gagné 16 buts à zéro. Ce fut pour celles de Touggourt une défaite honorable, car jouer au football, est en soi, ici, un exploit. Les filles des deux équipes se sont congratulées et se sont échangées leurs numéros de portables, ce fut fair play, une leçon de valeurs humaines, le charme en plus. L'évocation de ce souvenir donc, m'a été suggérée par l'heureuse initiative mais pour le moins atypique prise par la fédération turque, d'organiser un match de football sans spectateurs hommes. D'habitude et dans ce genre de situations toutes les fédérations de tous les pays du monde, la fédération algérienne de foot y compris, sanctionnent les écarts à la déontologie footballistique, et à tous les dépassements sur les stades, par l'imposition de fortes amendes aux équipes qui reçoivent et les privent de leurs spectateurs, en les obligeant à jouer des matchs à huis clos. Cela n'a pas été le cas en Turquie. Les responsables turcs du foot, ont opté pour faire jouer l'équipe de Fenerbahçe uniquement devant ses supportrices. Et elles furent 46 125, sur le stade Sükrü Saracoglu, sur la rive asiatique d'Istanbul, avec beaucoup d'enfants de moins de 12 ans, qui seuls parmi les hommes étaient autorisés, à scander des slogans pour booster les deux équipes. Mais la victoire est allée à l'équipe sanctionnée sous les ovations des spectatrices. Alors cet exemple peut-il être transposé en Algérie et à Touggourt ? Il faudrait déjà que les algériennes acceptent de revenir et d'aller aux stades, après tant d'années de machisme qu'elles subissent dans tous les actes de leur vie de tous les jours. Quelqu'un de mes connaissances résumait cette situation, par cette belle formule, dont il qualifiait la rue et de tous les espaces publics en Algérie et pas seulement, ainsi : ?'la sphère de la coexistence polémique». Que les femmes ou bien les filles soient sur le terrain de jeu ou dans les tribunes et cela fait controverse. Même en Europe ou la gent féminine exerce des droits quasiment identiques et égaux, par rapport à la gente masculine, le taux des femmes licenciées dans des clubs de foot, n'est que de 10%. Néanmoins le problème d'admettre des femmes dans les enceintes du foot, reste culturellement posé. Le foot demeure le domaine de l'exclusivité de la virilité. C'est le champ de la culture masculine, des excès verbaux, de la gestuelle ailleurs mal vue, de la démonstration de la force, en s'exhibant torse nu, et pas seulement les spectateurs. Puisque plusieurs joueurs de foot, enlèvent leurs maillots dès qu'ils marquent un but. Ce qui est souvent sanctionné par un carton jaune. D'où cette licence que prennent les spectateurs dans les tribunes en toute impunité. C'est l'espace des gros mots et des sifflements. D'ailleurs pour les professionnels de la télévision, retransmettre un match de foot en direct, comporte plus de risques qu'aucun autre direct. On a souvent assisté chez nous et de par le monde à des images avec le son de ce qui émane des gradins et tribunes, coupé. Des caméras qui filment le ciel, la mer, et d'autres plans subitement intrus, au lieu de montrer ce qui se passe sur le terrain etc. Le stade est, selon l'ethnologue français Christian Bromberger, dans son livre :» le match de football» en 1995, «l'un des rares lieu où la société se donne en spectacle » et dans les sociétés méditerranéennes, qu'elles soient maghrébine, sud-européennes, ou bien orientales, justement, les femmes ne se donnent pas en spectacle. A comparer des galeries de supporters de foot au Maghreb, en Europe et en Amérique latine, la dissemblance est flagrante, la composition humaine est totalement différente. Au Brésil ou bien en Argentine la présence des femmes est presque paritaire, sans que cela pose particulièrement problèmes, outre mesures. Les publics dans les stades sont populaires et non élitistes, et chaque public possède ses ultras, qui sont souvent provocateurs et belliqueux. Les uns prétendent défendre les couleurs de la ville, les autres incarner à l'exclusion de tous, la pureté dans leurs façons de supporter l'équipe et rendre service à leur ville sinon à leur quartier. Certains de par leurs chansons et autres activités dans les gradins, proches de la représentation théâtrale, affirment représenter un projet social, mais sont dans leur démarche incompris. Les tribunes reflètent la ventilation par émanation résidentielle des spectateurs. On s'assoit avec ceux qui nous ressemblent, et dans les comportements desquels on se reconnaît soi même. C'est la reproduction topographique des quartiers, même ceux qui n'y habitent plus, pour diverses raisons, changement de résidences, mobilité pour le travail, reviennent toujours, pour partager cette solidarité territoriale perdue, et ses codes, qu'ils n'arrivent pas à retrouver dans les quartiers ou les villes de leurs nouvelles résidences. Toutes les manifestations dans leurs diversités de spectacles de show, sont des démonstrations collectives, pour entretenir des dialogues qu'ils n'arrivent pas à avoir directement avec leurs interlocuteurs généralement politiques. Ces groupes en utilisant les instruments de musique, cuivre et percussions, se placent, pour soit disant regarder le match, dans des angles que les caméras ne peuvent rater. Ils obligent ces yeux bourrés d'électronique, à les regarder dans les yeux, pour passer des messages à ceux qui détiennent les solutions de leurs problèmes et tous ceux qui regardent le foot, et ils ne sont pas peu, à en partager leurs douleurs. Le sport a depuis l'antiquité, été employé à des fonctions politiques, que cela soit à l'interne ou bien à l'international. A l'époque moderne quand un pays organise les jeux olympiques, d'été ou d'hiver, sinon la coupe du monde de football, il déploie toute son énergie et fait activer tous ses réseaux. D'ailleurs réussir ces exploits de faire se dérouler ces manifestations chez soi, commande des fonds importants à réunir et à débloquer, oblige à des campagnes de communications et de publicité, percutantes. Exige la mobilisation de toutes les stars du pays prétendant. Sportifs, artistes, acteurs, musiciens, chanteurs, écrivains et divers hommes publics, à s'impliquer. Mais aussi des hommes et femmes politiques, à la condition qu'ils ne soient plus dans le circuit, sont rappelés à la rescousse. Etre choisi pour organiser de telles manifestations est une opération politique qui fait la promotion du pays organisateur, mais ce sont surtout des opérations économiques créatrices de richesses, d'emplois, et de mise à niveau de villes, de régions, quant aux systèmes de transports, d'infrastructures hôtelières, aéroportuaires, des gares multimodales, d'espaces de convivialité, de promenades, et de marinas etc. En outre cela crée également du divertissement, qui masquerait, même pour un temps, les rapports de classes, puisque tout le monde au droit, à ce moment là, de supporter l'équipe de son pays, sans distinction d'extractions sociales et économiques, de lignées filiales, ou bien de descendances. César disait, parait-il, en reprenant le poète satirique Juvénal : offrir au peuple du pain et des jeux du cirque, «panem et cireuses» c'est avoir pour un moment, la paix interne. Mais alors quelle irrévérence auraient commise les filles de Oued Righ et toutes les algériennes à vouloir faire simplement du sport ? Abstraction faite de cette fonction politique, le sport en général et le foot féminin dans ce qui nous interpelle ici, est un plaisir et même plus, une passion. Cela pourrait être aussi un vecteur d'éducation, de santé, de compétitions, de spectacles, d'insertion sociale ou professionnelle, d'intégration et de cohésion sociale. Cela peut aussi être l'occasion de promotions sociales quand les talents sont reconnus et récompensés. Les turcs depuis un certain se particularisent, il faut l'avouer en surprenant le monde, mais agréablement, ils ont récidivé encore une fois en sanctionnant la brutalité de l'un des deux grands clubs stambouliotes de foot intelligemment. Et surtout en mettant les femmes à l'honneur et les enfants de moins de douze ans. Cette heureuse initiative, même si elle est un coup d'éclat et au final difficile à universaliser comme règle générale à travers toutes les fédérations de football. Puisqu'elle pourrait au premier degré, et à raison d'ailleurs, être qualifiée de sexiste, c'est-à-dire exclusive, sectaire et intolérante. Mais elle fera certainement date et servira de parangon dès qu'il y aura violences et brutalités sur le gazon, pour calmer les rudesses et atténuer les grossièretés dans les tribunes et les gradins. En attendant cela, les filles de l'Association Sportive féminine de Oued Righ Touggourt, avaient durant la saison de foot 2009/2010, perdu quasiment tous leurs matchs et par de lourds scores, sans inscrire de buts. Et un jour l'une d'elle marqua et fit se lever les filets de l'équipe adverse. Alors ces braves filles joyeuses décidèrent de fêter ce premier but comme il se doit. C'est là aussi un paradigme qui mérite que l'on s'y intéresse. Et cela prouve surtout qu'on n'a pas les mêmes horizons, quand on est sur le gazon ou bien dans les tribunes et les gradins. Le charme et la brutalité ne sont pas que des mots. Au fait où en est le championnat algérien de foot féminin ? |
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