|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Un
- Je ne fais jamais la Révolution.
C'est comme pour l'accouchement : c'est la femme qui donne la
vie et c'est moi qui donne le nom. J'attends donc que Bouazizi
s'immole, que les jeunes d'octobre se fassent descendre, que des facebookistes se fassent tuer à square Tahrir,
puis je prends mon trois-pièces (barbe, kamis et haut-parleur) et je sors faire
la soirée, revendiquer, dire que c'est moi le Père et le propriétaire et
demander la démocratie, des sièges au Parlement, le droit à la parole et un
Etat pour moi, selon moi.
Deux - Je ne demande jamais l'application de la chariâa. Pas au début. Je ne suis plus un idiot. Je demande la démocratie puis je lui mets un voile et je l'épouse avec mon sourire. Après, je demande à la démocratie de ne pas sortir seule dans la rue sans un accompagnateur, de ne pas ouvrir les fenêtres quand je ne suis pas là, de ne pas montrer ses cheveux aux étrangers et de m'obéir au doigt et à la paupière. Au début, il ne faut pas faire à la démocratie, il faut la séduire. Après, c'est plus facile : avec une bague à la main, elle a un collier au cou et une chaîne au pied. Trois - Je ne dis jamais ce que je pense mais ce que pensent les autres. Jusqu'à ce qu'ils n'arrivent plus à penser correctement. C'est alors que j'arrive, je surviens, je me révèle. Je prends la parole, le haut-parleur, la bouche, la langue, le vêtement et la rue et le quartier et le stade. Les gens n'ayant plus où aller, vont aller avec moi. Quatre - Je respecte la loi et la Constitution jusqu'à ce que j'arrive où je veux arriver. Après, quand je prends le pouvoir ou la rue, c'est le contraire : c'est la loi qui est obligée de me respecter. Cinq - La recette c'est de répéter partout que « j'y étais » : lors de la bataille de Badr, pendant les évènements d'octobre, pendant la révolution du Jasmin, en Andalousie jusqu'au dernier moment, au sud comme au nord et même dans votre propre lit. Ma stratégie, c'est d'occuper l'espace et d'investir l'intimité : j'ai donc des avis sur le futur de l'Etat, la vie du couple, les ablutions intimes, le fisc et l'amour, l'habit et les ongles. La dictature c'est une personne, l'islamiste c'est un peu personne qui se fait passer pour tout le monde. Six - Je suis myope quand je vise, sauf quand je vise le Pouvoir : par exemple, quand je parle de Djihad contre l'Occident, je vise l'Occident mais je tue le policier de mon quartier. Quand je veux libérer la Palestine, je pose une bombe dans un café de mon quartier. Quand je dis l'Occident nous attaque, j'attaque les femmes de mon quartier. Quand je parle du Paradis pour tous, je parle surtout du Pouvoir pour moi. Et quand je discute de la liberté, je discute de la mienne, pas celle des autres. Sept - Le meilleur moyen de prendre la terre, c'est de parler du ciel. Et pendant que les gens cherchent Dieu dans les nuages, moi je cherche les plus belles chaussures à la sortie des mosquées. D'ailleurs, je le dis partout : faites la prière en groupe : pendant que vous faites face à Dieu, moi, je suis dans le dos de tout le monde. La meilleure technique c'est dire qu'il y a une vie (meilleure) après la mort. Celle des autres. Toujours. Huit - Cacher que «le printemps arabe» est une saison où le peuple plante des fleurs que vous tentez de cueillir en disant que les fleurs sont meilleures au paradis. |
|