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En tout état de
cause, il faut garder en tête qu'il est toujours préférable d'économiser de
l'énergie que d'en produire.
L'approvisionnement et la gestion de l'énergie sont plus que jamais au centre de nos préoccupations quotidiennes et représentent une priorité socio-économique majeure. Notre dépendance actuelle aux énergies fossiles (à hauteur de 85 %) a deux conséquences primordiales : l'épuisement des réserves et l'amplification de l'effet de serre consécutif à l'émission de CO2 issu de leur combustion. En raison de la croissance démographique, qui fera passer la population de la planète de 8 à 10 milliards en 2050, et du développement économique, les courbes statistiques sont formelles : les besoins en énergie de l'humanité vont doubler d'ici à la moitié du 21ème siècle. La concentration atmosphérique en CO2 pourrait croître de 370 à 550 ppm si aucune action n'est entreprise. Un réchauffement climatique plus important en serait la conséquence directe. Enrayer cette tendance nécessite de mettre fortement à contribution des sources d'énergie neutres en carbone. Les gouvernants de la planète s'accordent à dire qu'il s'agit d'un des plus grands défis de ce siècle. Transition progressive Ce scénario associant réchauffement climatique, réserves limitées de combustibles fossiles et pollution croissante des villes montre à quel point il est important de se tourner vers l'utilisation efficace des énergies renouvelables (solaire, éolienne, géothermique, biomasse, etc.) à faible empreinte CO2 et de proposer des solutions innovantes pour faciliter la transition progressive du véhicule thermique (responsable de 30 % des émissions de CO2) au véhicule électrique. L'intermittence des énergies renouvelables (ER) ainsi que le besoin d'embarquer de fortes densités d'énergie à bord des véhicules électriques pour en assurer une autonomie suffisante font du stockage et de la conversion de l'énergie le Défi des prochaines décennies. Conversion et stockage de l'énergie Parmi les différentes ER, l'énergie solaire est très attractive, de par son abondance, puisque la Terre reçoit du Soleil toutes les 90 minutes une quantité d'énergie équivalente à celle que l'humanité utilise annuellement (~ 132 000 TWh). Il reste bien sûr à la convertir et à la stocker (*). Cela nécessitera non seulement des systèmes photovoltaïques plus efficaces (pour convertir la lumière en électricité) mais aussi des moyens de stockage tels que des « accumulateurs/supercondensateurs/piles à combustible » plus performants pour stocker cette énergie sous sa forme chimique et la restaurer sous forme électrique quand besoin est. Sans oublier le développement de matériaux supraconducteurs (**). Ce type de matériau conduit parfaitement le courant sans pertes d'énergie lorsque la résistance électrique s'annule à des températures très basses. (*) Le domaine du stockage de l'énergie doit faire face aux exigences du transport électrique. Les méthodes de stockage dépendent du type d'énergie. Le stockage de l'énergie consiste à préserver une quantité d'énergie pour une utilisation ultérieure. Par extension, l'expression désigne également le stockage de matière contenant l'énergie. Le stockage de l'énergie est au cœur des enjeux actuels, qu'il s'agisse d'optimiser les ressources énergétiques ou d'en favoriser l'accès. Il permet d'ajuster la «production» et la «consommation» d'énergie en limitant les pertes. (**) Les matériaux supraconducteurs permettent de propager des intensités électriques considérables («courants forts») mais aussi de très importants flux d'informations («courants faibles») sans dissipation d'énergie. Dans ces matériaux, on peut aussi stocker de l'électricité sans pertes à long terme et exploiter les champs magnétiques intenses qui les entourent pour mettre en lévitation de fortes charges métalliques et les déplacer sans frottements mécaniques. Fourniture des matériaux Le dénominateur commun à tous les systèmes de stockage/conversion de l'énergie (piles à combustible, accumulateurs, supercondensateurs, cellules photovoltaïques) est que l'amélioration de leurs performances est tributaire de la capacité de la chimie à fournir les matériaux nécessaires sur demande. Ainsi, nous faisons état des efforts louables des chimistes : - i) pour élaborer de nouvelles méthodes de synthèse afin de préparer des matériaux massifs ou nanométriques à morphologies contrôlées; - Et ii) pour concevoir de nouveaux matériaux, soit sur la base de leur intuition, soit guidés par des méthodes de calcul prédictives. Mais ces matériaux plus performants doivent aussi répondre aux critères du développement durable, c'est-à-dire que nous devons les concevoir et les choisir de manière à ce que leur future production ne contrebalance pas le bénéfice acquis. Il faut cependant souligner la nécessité d'une nouvelle philosophie de recherche vers de meilleurs matériaux dédiés à l'énergie. Efficacité énergétique L'efficacité énergétique du scénario [énergie solaire '! cellule photovoltaïque '! réseau électrique '! batterie '! véhicule électrique] est de H» 10 %, comparée à H» 2.8 % et H» 0,05 % pour les scénarios respectifs [énergie solaire ? hydrogène - véhicule électrique] et [énergie solaire ? bio - véhicule électrique], alors que le scénario actuel [essence '! véhicule thermique] présente une efficacité énergétique de 18 %. Dans ce contexte, compte tenu de la baisse du prix de l'énergie solaire (égal à celui du nucléaire en 2035) et du coût kWh batterie, le trio gagnant pour le futur semblerait être photovoltaïque '! batterie '! véhicule électrique. Quels que soient les systèmes de stockage ou de conversion considérés, leur limite d'efficacité énergétique est constamment liée au manque de matériaux adéquats. Les matériaux sont définitivement au cœur de toute innovation et révolution technologique. Défi scientifique et technologique La question légitime est de savoir ce qu'il y a lieu de faire pour augmenter nos chances de couvrir les besoins énergétiques d'une population mondiale en croissance continue (produire 130 000 TWh supplémentaires d'énergie propre en 2050). Il y a nécessité de modifier notre paysage scientifique, notamment par un investissement scientifique et financier conséquent associé à une politique courageuse et volontariste de nos institutions. Les principes des procédés impliqués dans la conversion du soleil en électricité ou de l'énergie chimique en électricité sont connus. Il nous reste à développer les technologies disruptives qui permettent non seulement de les rentabiliser mais aussi de les rendre plus efficaces à grande échelle d'ici 2050. La résolution du problème de la répartition des différentes sources d'énergies primaires consommées dans une zone géographique donnée regroupera un ensemble de solutions faisant fréquemment référence au «mix énergétique». Dans le contexte actuel, les scientifiques ont de nombreuses responsabilités notamment celles : - i) d'assurer des analyses crédibles des différentes options énergétiques en conduisant des analyses de cycle de vie sérieuses ; - ii) de promouvoir des approches transdisciplinaires englobant la compétence de nombreux domaines scientifiques : de la qualité de ces interactions dépendront nos chances de succès ; - iii) de trouver un équilibre entre recherche de nouveaux matériaux et recherche systémique ; - iv) de mobiliser et de fédérer tous les acteurs de la société concernés. - Et v) de jouer le rôle de messager vis-à-vis de nos institutions. Approche globale L'énergie concerne notre planète dans sa globalité, d'où la nécessité d'une approche mondiale fédératrice et concertée. La réalité est cependant différente, témoignant du paradoxe énergétique. Chaque pays crée en effet son propre programme, son propre agenda, voire ses propres infrastructures, pour réconcilier un tant soit peu protection de l'environnement, création d'emplois et compétitivité de façon à se doter d'une nouvelle croissance économique verte. Manager l'énergie est le plus grand problème scientifique et technologique que l'Humanité va avoir à résoudre dans les cinquante prochaines années. Les décideurs de tout bord doivent être sensibilisés à ce formidable challenge mais aussi aux innombrables opportunités que la maîtrise de l'énergie représente pour les années à venir. Conclusion L'explosion récente des tarifs mondiaux érige définitivement l'énergie au rang d'élément vital des sociétés modernes. Avec l'électricité en tant que vecteur et le KWh comme prochaine unité monétaire internationale, l'énergie peut être considérée comme à la fois le facteur d'intégration et de désintégration. Une meilleure intégration des systèmes énergétiques permet d'accroître les économies d'énergie et de diversifier et localiser la production d'énergie, ce qui rend une économie à l'échelle continentale plus résiliente, un atout essentiel dans les scénarios de crise. Comprendre l'intégration par les systèmes énergétiques renouvelables, c'est saisir tout l'intérêt des nouvelles filières d'énergies « décarbonnées » dans le domaine du transport électrique et des applications réseau. Les solutions systémiques, qui amènent des solutions à plusieurs enjeux, semblent se focaliser sur les trois axes suivants : - L'amélioration de l'efficacité énergétique ; - Le développement massif des énergies renouvelables. - Et l'encadrement des émissions de carbone par la régulation. En définitive, j'ai bon espoir que l'énergie ne sera plus perçue comme marchandise mais plutôt comme fonction ! Principale référence Jean-Marie Tarascon : Professeur associé au Collège de France pour l'année académique 2010-2011. « Développement durable : environnement, énergie et société », L'annuaire du Collège de France, 111 | 2012, 769-792. *Consultant en management |
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