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Le gouvernement s'apprête à
présenter son bilan socioéconomique devant le parlement. Pour éviter toutes
mauvaises interprétations de cette présente contribution, personne n'ayant le
monopole du patriotisme à ne pas confondre avec le nationalisme chauviniste
(nous aimons tous l'Algérie à notre manière), il faut dénoncer ceux qui
s'adonnent au tout sinistrose mais également
l'autosatisfaction béate contraire aux réalités sociales.
Tout ce qui a été réalisé depuis l'indépendance politique n'est pas négatif : où vivaient nos parents et quel était leur niveau de vie, expliquant d'ailleurs le long combat des Algériennes et des Algériens depuis la colonisation de 1830 et combien d'étudiants avions-nous ? Mais il faut reconnaître qu'entre les moyens déployés entre 2000 et 2021, plus de 1100 milliards de dollars d'entrée de devises (98% provenant de Sonatrach avec les dérivés), avec une importation en devises de 1055 milliards de dollars, le solde étant les réserves de change au 31/12/2021, sans compter les dépenses en dinars, existent un important écart entre les résultats et les impacts, qu'il s'agit de corriger en améliorant la gouvernance. 1.- Les deux maladies du corps social sont l'inflation et le chômage devant s'attaquer à l'essence du mal et non aux apparences. Selon l'ONS, la population au 01 janvier 2022 est estimée à 45.733.683 habitants s'orientant vers plus de 50 millions horizon 2030, dont la population masculine 23.051.135, la population féminine de 22.652.548 avec un nombre de naissances de 780.385. Nous ne devons pas nous réjouir donc d'un excédent de la balance commerciale qui provoquerait une paralysie de l'économie. selon le rapport du FMI publié fin décembre 2021, les exportations ont atteint, en 2021, 37,1 milliards de dollars (32,6 pour les hydrocarbures et 4,5 hors hydrocarbures) dont près de 2,5 milliards de dollars de dérivés d'hydrocarbures en prenant les estimations du bilan de Sonatrach pour 2021 (recettes de 34,5 selon le P-DG de Sonatrach) comptabilisés dans la rubrique des 4 milliards de dollars hors hydrocarbures par le ministère du Commerce. Quant aux importations, selon le FMI elles auraient atteint 46,3 milliards de dollars (la Banque mondiale ayant donné 50 milliards de dollars, provoquant d'ailleurs une polémique), 38,2 milliards de biens et une sortie de devises de 8,1 milliards de services contre 10 à 11 entre 2010 et 2019. L'Algérie, selon le FMI, fonctionne, entre budget de fonctionnement et d'équipement, à plus de 137 dollars en 2021 et à plus de 150 pour 2022, malgré toutes les restrictions qui ont paralysé l'appareil de production avec des impacts inflationnistes, expliquant l'importance du déficit budgétaire de la loi de finances 2022 (plus de 30 milliards de dollars). Car, le taux de croissance est relativement faible ayant été négatif de moins 5,5% en 2020 et dans le rapport du Fonds monétaire international FMI en date du 10 mai 2022, sur les perspectives économiques mondiales, a relevé sa prévision de croissance pour l'Algérie pour l'année 2022 de 0,5 point à 2,4%, au lieu de 1,9% estimé en octobre 2021. Selon une enquête de l'ONS de mai 2019, publiée le 03 août 2022, les statistiques officielles 2020, 2021, n'étant que parcellaires, la population active du moment, au sens du Bureau international du travail (BIT), est estimée à 12.730.000 personnes au niveau national, avec une hausse atteignant 267.000 par rapport à septembre 2018 et 304.000 comparativement à avril 2018 dont 16,8% de la main-d'œuvre totale exerce dans le secteur du BTP (construction), 16,1% dans l'administration publique hors secteur sanitaire, 15,7% dans le commerce, 14,9% dans la santé et l'action sociale et 11,5% dans le secteur des industries manufacturières. Quel est le salaire des Algériens ? L'étude du CEO World Magazine du mois d'août 2022 a recensé les montants du salaire net mensuel moyen (après déduction d'impôts) perçu dans 105 pays, la comparaison des données aboutissant à l'établissement de la liste des pays qui offrent les salaires les plus hauts et celles des pays qui versent les salaires les plus bas. Pour cette enquête, le salaire moyen net en Algérie s'élève en 2022 à 249,7 $/mois, soit 35 420 DA/mois (taux de change officiel, cotation du mardi 23 août 2022), données proches de celles de l'ONS. Sur les 105 pays de la liste, l'Algérie occupe la 98e place. Outre que le salaire moyen n'est pas significatif voilant les importantes disparités par couches sociales, cette enquête devrait tenir des importantes subventions octroyées en Algérie qui constituent un salaire indirect Le taux de chômage, selon l'institution internationale Mundex 2022, en cas où la croissance économique serait inférieure à la pression démographique évoluerait ainsi : 14,54% en 2021, 14,86% en 2022, 15,93% en 2023, 17,08% en 2024 et 18,25% en 2025. Cela est confirmé par la décision d'allocation chômage récemment a permis de connaître le véritable taux de chômage où si l?on prend une inscription de 2, 5 millions en fin de clôture de demandeurs sur une population active estimée en 2021 à 13 millions, le taux de chômage réel avoisine 19,23 % touchant souvent les plus diplômés. Pour le taux d'inflation, selon l'institution internationale Data de 2022, en Algérie après le pic d'octobre 2021 de 9,2% relaté par l'ONS, a été en janvier 2022 de 9%, en février 9,6% , en mars 9,8%, en avril de 10% et en mai 2022 de 11,7% avec une moyenne annuelle prévisionnelle pour 2022 de 12,98% et une extrapolation pour 2023/2024 de plus de 14% en 2024, sous réserve d'une productivité équivalente à 2021 et que l'Etat n'utilise pas la planche à billets sinon le taux serait plus élevé. Nous assistons à une pénurie de bon nombre de produits comme certains médicaments, les pièces détachées et les voitures occasion dont le prix a été multiplié par deux voire par trois (pas d'importation depuis plus de 5 ans) expliquant en partie le nombre d'accidents et pas seulement le comportement des chauffeurs et des routes mal faites. Selon l'ONS, le parc automobile de l'Algérie comptait plus de 6,5 millions de véhicules au 01 janvier 2020, l'âge moyen étant de 55% pour les véhicules de plus de 20 ans et plus et 80% pour les voitures de plus de 10 ans. 2.- Tous les gouvernements depuis 1970 n'ont pas réalisé une enquête précise de la répartition par couches sociales du revenu national, se contentant de donner un agrégat global d'amélioration du revenu national de peu de signification, permettant une politique salariale et de subventions ciblées cohérente afin de détecter le seuil de la pauvreté en Algérie. Car combien de salariés ou d'indépendants perçoivent moins de 20.000 dinars par mois net, entre 2000 /50.000, entre 50.000 et 100.000, entre 100.000 et 200.000 et 200.000 dinars net par mois et plus devant intégrer les revenus informels ? Sur les 3,3 millions de retraités combien touchent-ils 20.000 dinars et moins par mois soit environ 150 euros/mois au cours officiel et 100 euros au cours du marché parallèle? Le déficit des caisses de retraite a été de 560 milliards de dinars en 2018, 680 en 2020, aurait atteint 800 milliards de dinars en 2021 et se creusera avec une moyenne annuelle de 2,5% voire 3% tout au long de la prochaine décennie. Le nombre de retraités dépassant les 3,3 millions, la CNR enregistrant un taux de cotisation estimé à 2,2 travailleurs alors que pour chaque retraité l'équilibre est de cinq travailleurs pour un retraité. Les enquêtes sur le terrain montrent nettement et fait nouveau, une politique de nivellement par le bas et la dominance d'une couche spéculative rentière, une partie de la classe moyenne créatrice de valeur pilier de tout processus de développement, commence à disparaître graduellement et à rejoindre la classe pauvre. La décision d'allocation chômage récemment a permis de connaître le véritable taux de chômage où si l?on prend une inscription de 2,5 millions en fin de clôture de demandeurs sur une population active estimée en 2021 à 12,5 millions, le taux de chômage réel avoisine 20% touchant souvent les plus diplômés. Dans ce cadre le BTPH pourvoyeur d'emplois est actuelles en pleine crise et selon l'Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA) 5.700 entreprises fermées et 150.000 emplois perdus à fin avril 2021, y compris la léthargie des services, et ce sans compter bon nombre de PMI/PME qui constituent l'ossature du tissu économique, en crise de financement et en rupture d'approvisionnement fonctionnent à peine à 50% de leurs activités, les grands projets structurants dont la rentabilité ne se fera pas avant 2027/2030, en dehors des hydrocarbures, étant toujours en lettres d'intention (pas de contrats définitifs) avec les partenaires étrangers. Or selon les institutions internationales l'atténuation des tensions nécessite un taux de croissance 2022/2027 de 8/9% pour absorber un flux annuel entre 350.000 et 400.000 par an, qui s'ajoute au taux de chômage actuel, non des emplois rente (faire et refaire les trottoirs) ou le recrutement de fonctionnaires mais des emplois productifs, posant d'ailleurs un problème de sécurité nationale. Les tensions sociales de plus en plus criardes sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions mais mal gérées et mal ciblées qui ne profitent pas toujours aux plus démunis. Ces tensions sont accentuées par l'individualisation car si on résout la crise du logement sans relance économique véritable, il y a risque de tensions sociales car un ménage vivant seul avec deux à trois enfants, avec la femme au foyer, sans voiture, avec l'alimentation , les factures d'électricité, de téléphone, d'eau en plus du coût du logement à rembourser doit avoir au minimum un revenu de 80.000 dinars net par mois. A court terme, ces tensions sont atténuées par la crise du logement qui renforce la solidarité familiale (même marmite, mêmes charges), la sphère informelle, les emplois rente (distributions de revenus sans contreparties) et les subventions qui servent de soupape de sécurité, assurant une paix sociale fictive. Aussi la loi de finances 2022 prévoit 62 % des transferts sociaux aux subventions en soutien aux ménages et aux secteurs de l'Habitat et de la Santé et les subventions aux produits de base représenteront un total de 17 milliards de dollars. 3.-Gouverner étant de prévoir, les défis qui attendent l'Algérie sont immenses du fait de l'important retard accusé dans les réformes se réfugiant dans le court terme par des dépenses monétaires colossales, sans se préoccuper de la bonne gestion. Or, 2030, c'est demain. Car depuis de longues décennies, l'Algérie est dans une interminable transition n'étant ni une économie étatisée, ni une véritable économie de marché concurrentielle, expliquant le peu d'efficacité tant de la régulation politique, sociale et économique. Si le processus inflationniste continue à ce rythme cela aura des incidences sur le taux d'intérêt des banques qui devraient le relever au moins de deux à trois points par rapport aux taux d'inflation réel, si elles veulent éviter la faillite, ou alors l'Etat devra recourir à nouveau à leur assainissement tant qu'il a la rente des hydrocarbures. Cela freinerait à terme le taux d'investissement utile, la plupart des opérateurs économiques préférant se réfugier soit dans les activités spéculatives à court terme actuellement dominantes. Ce processus inflationniste aura pour conséquence l'accélération du divorce Etat/citoyens accentué par l'effritement du système de la communication gouvernementale où nous assistons à un dialogue de sourd, devant éviter des discours totalement déconnectés de la réalité sociale. C'est par un langage de vérité et un bilan serein, ni sinistrose, ni autosatisfaction, que l'on pourra redresser l'économie algérienne, des salaires sans contreparties productives, grâce à la rente des hydrocarbures, calmant le front social à court terme, mais conduisant au suicide collectif à moyen terme avec une stagflation, croissance faible, inflation et chômage. L'amélioration du pouvoir d'achat et le véritable patriotisme des Algériens, se mesurera par leur contribution à la valeur ajoutée interne. En plus des tensions géostratégiques aux frontières de l'Algérie, où la communauté internationale reconnaît le rôle de stabilisateur de la région africaine et méditerranéenne grâce aux efforts de l'ANP et des services de sécurité, sans véritable développement il y a accroissement de l'insécurité, la véritable clef du développement devant reposer sur la ressource humaine et une gouvernance rénovée au sein d'une planification stratégique. On ne décrète pas la création d'entreprises ou la création d'emplois. C'est l'entreprise publique et privée libérée de toutes les contraintes bureaucratiques qui créent la richesse. L'Algérie possédant d'importantes potentialités pour devenir un pays pivot au niveau de la région, durant cette conjoncture particulière d'une crise économique et sécuritaire mondiale inégalée, qui touche toute la planète et pas seulement l'Algérie, s'impose une mobilisation de la population, autour d'un large front national tenant compte des différentes sensibilités, le rétablissement de la confiance et une nouvelle gouvernance, sans lesquelles aucun développement n'est possible. *Dr - Professeur des universités, expert international |
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