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Le nouveau gouvernement,
dans son plan d'action, a pour objectif de cibler les subventions. Cette
présente contribution est une brève synthèse, d'une brûlante actualité, d'un
rapport réactualisé remis à l'ancien gouvernement le 14 septembre 2012 dont les
recommandations n'ont jamais été appliquées.
1- Les différentes formes de subventions Sans entre exhaustif, je recense les différentes formes de subventions les plus connues. Nous avons les subventions du prix du pain, de la semoule et du lait où bon nombre d'Algériens vivent dans la pauvreté se nourrissant essentiellement de pain et de lait ce qui traduit une fracture sociale. Les subventions octroyées coûtent au Trésor public un différentiel qui reste mobile en fonction des fluctuations du prix d'achat de la matière première sur les marchés mondiaux. Toutefois, le Trésor public paie ce différentiel, quel que soit son niveau. Les subventions les plus importantes supportées pat le Trésor sont les subventions des carburants et de l'électricité. L'Algérie est classée parmi les pays où le prix du carburant est le moins cher au monde. Mais conserver cette politique coûte de plus en plus cher. La différence du prix à la pompe avec les pays voisins fait que de grandes quantités de carburants traversent quotidiennement les frontières vers le Maroc et la Tunisie, sans compter les pays riverains du grand Sud. Il en est de même du prix de l'électricité/gaz, avec une différence entre le prix aux ménages et les clients industriels. Le niveau du prix du gaz concédé aux centrales est de l'ordre de 10 % de celui qui correspond aux transactions internationales du gaz, une différence qui grève considérablement le budget de Sonelgaz , en déficit structurel depuis des années et en plus, ce prix plafonné qui couvre à peine les couts a de quoi décourager tout investisseur local ou étranger dans ce domaine rendant caduque la loi sur l'électricité et le gaz par canalisations. Pour les différentes unités pétrochimiques, aciéries, matériaux de construction etc. fortes consommatrices de gaz, quel doit être le prix de cession pour éviter un transfert de rente ? Nous avons Les subventions de l'eau, renvoyant au problème de la tarification de l'eau qui se pose, à peu près, dans les mêmes termes que les carburants. Son prix de cession demeure faible malgré des coûts croissants (investissement additionnel) plus importants pour l'eau dessalée qui nécessite de lourds investissements, problème aggravé par les déperditions du réseau de distribution (45 à 50 % de pertes, en moyenne nationale), le différentiel étant payé par l'Etat. Pour le système de Santé, les subventions supportées par l'Etat sont importantes. Dans une clinique privée, n'existant pas de tarifs uniformes pouvant varier selon les cliniques entre 10/30%, sans compter le prix de l'hôtel au cas où le malade est gardé plusieurs jours, le coût moyen d'une hospitalisation dans le secteur privé dépasse les 5.000 DA/jour, celui d'un accouchement oscille plus de 100.000 et dépassant largement à partir de 150.000 DA pour une césarienne et le montant est largement supérieur pour des interventions pointues fluctuant entre 300.000 et plus de 800.000 DA et plus. Pour le transport, il n'y pas uniformité devant distinguer le transport par rail subventionné, des autres moyens. Pour Air Algérie, du fait d'une gestion défectueuse et de sureffectifs sont de loin plus élevés par rapport aux normes internationales. Ainsi les compagnies étrangères s'alignant sur ceux d'Air Algérie bénéficient d'une rente de monopole. Pour le transport routier de voyageurs, on assiste à des conflits permanents notamment des transporteurs privés du fait du bas tarif et de la confusion de l'interprétation de différentes circulaires, le prix étant lié aux coûts des pièces de rechange et au prix du carburant. Les subventions s'appliquent également au logement social où le prix du mètre carré dans les grandes agglomérations varie de 50.000 à 300.000 DA et plus selon les quartiers, non supportés par les bénéficiaires, ce qui occasionne un transfert de rente. Pour l'aide à l'emploi où l'entreprise qui recrute, bénéficie d'importantes facilités financières et fiscales, d'importants abattements sur la cotisation de sécurité sociale à leur charge, non supportés par l'employeur et pris en charge par le Trésor public. Pour les autres subventions, nous avons la charge financière du transport des étudiants, de la restauration et de l'hébergement des étudiants internes sans distinction ce qui se répercute sur la gestion des ?uvres universitaires comme les frais de la carte d'abonnement annuel du transport universitaire où le prix de la restauration, date des années 1970. Qu'en sera-t-il avec plus de 3 millions d'étudiants horizon 2025, sans rappeler également les subventions à travers les ?uvres sociales des CEM et des lycées ? 2.- La politique des subventions doit s'inscrire dans le cadre d'une vision stratégique Il ne faut pas se tromper de cibles pour paraphraser les stratèges militaires. Il ne faut pas se focaliser uniquement sur les subventions mais revoir la gouvernance actuelle pour plus de cohérence et de visibilité de la politique économique et sociale, une lutte contre la corruption et les surcouts. Ces montants sont de loin supérieurs au montant des subventions, sans compter le facteur essentiel du développement, le retour à la confiance de la population en ses institutions. Aussi, se pose cette question stratégique pour l'Algérie avec la chute du cours des hydrocarbures, l'Etat pourrait ne pas avoir les moyens de continuer à subventionner certains produits alimentaires, comme se pose actuellement l'alimentation des caisses de retraite le déficit approchera les 700 milliards de DA, fin 2021. Le recours à la planche à billets est-elle la solution ? Les gouvernements précédents avaient amendé l'article 45 de la loi sur la monnaie et le crédit, en recourant au financement non conventionnel sans introduire l'institutionnalisation dans cette loi, d'un comité de surveillance composé d'experts indépendants, pour éviter toute dérive. Outre la couverture des besoins du Trésor, le financement non conventionnel était destiné au remboursement de la dette publique interne, notamment les titres de l'Emprunt national pour la croissance, levé en 2016, ainsi que les titres émis en contrepartie du rachat de la dette bancaire de Sonelgaz et ceux émis au profit de Sonatrach, en compensation du différentiel sur les prix des carburants importés et de l'eau dessalée. Sur les 6.556,2 milliards (mds) de dinars mobilisés jusqu'en janvier 2019 par le Trésor public auprès de la Banque d'Algérie, dans le cadre du financement non conventionnel, un reliquat de 610,7 mds de dinars restait à consommer, d'ici à la fin 2019. Après avoir été abandonné en 2020, le recours à la planche à billets a été décidé en 2021 d'un montant pour 2021 d'environ 2.100 milliards de dinars environ 16 milliards de dollars, afin d'éviter le recours à l'endettement extérieur. Le financement non conventionnel a été décidé notamment est donc essentiellement pour parer au manque de liquidités des banques et aux importants déficits prévus dans la Loi de finances complémentaire, non adopté au conseil des ministres , décisions reportées pour la Loi de fiances 2022, montant selon l'APS du déficit budgétaire de 25,46 milliards de dollars (3.310,8 milliards de DA), 13,75% du PIB contre 21,42 milliards de dollars dans la loi initiale (2.784,8 milliards de DA) et du déficit du Trésor qui s'aggrave, prévu à 31,85 milliards de dollars (4.140,4 milliards de DA) 17,6% du PIB contre 27,80 milliards de dollars (3.614,4 milliards de DA). L'instauration d'une Chambre nationale de compensation indépendante, devrait permettre des subventions ciblées, par un système de péréquation intra socioprofessionnelle et interrégionale. Aussi, il y a lieu d'éviter les effets d'annonce car cette opération est techniquement impossible, sans un système d?information fiable en temps réel, mettant en relief la répartition du revenu national par couches sociales et par répartition régionale : combien sont-ils à percevoir moins de 20.000 DA par mois net ? Combien sont-ils à toucher entre 20.000 et 50.000 DA ? Combien sont-ils à être payés entre 50.000 et 100.000 DA ? Il faut avoir des réponses précises à ce genre de questions. Cette opération est également impossible sans quantifier la sphère informelle qui permet des consolidations de revenus. L'objectif de mettre en place une politique cohérente des subventions suppose un large débat et une concertation politique, sociale et économique. Aussi, il y a urgence de dépasser le statu quo actuel suicidaire et change de politique économique pour l'émergence d'une économie hors hydrocarbures et ce, pour le bien-être de l'Algérie et des générations futures, mettant fin au cancer de l'économie de la rente qui se diffuse dans la société par des subventions généralisées et des versements de traitements sans contreparties productives ? Face à la concentration excessive du revenu national au profit d?une minorité rentière, renforçant le sentiment d'une profonde injustice sociale, l'austérité n'étant pas partagée, la majorité des Algériens veulent tous et immédiatement leur part de rente, reflet du divorce État / citoyens, quitte à conduire l'Algérie au suicide collectif. Or, les hydrocarbures traditionnels pourraient s'épuiser à l?horizon 2030, au moment où la population algérienne sera d'environ 50 millions d'habitants. Pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables en référence au coût et au vecteur prix international du bouquet énergétique, nous devrions assister à une recomposition du pouvoir énergétique mondial entre 2020/2030 3.-La nouvelle politique des subventions suppose une nouvelle gouvernance Grâce à l'aisance financière générée par le passé grâce aux cours élevé des hydrocarbures, les différents gouvernements de 1970 à ce jour, au nom de la paix sociale, ont généralisé les subventions. Le système algérien tant salarial que celui de la protection sociale est diffus et, dans la situation actuelle, plus personne ne sait qui paye et qui reçoit, ne connaissant ni le circuit des redistributions entre classes d'âges, entre générations et encore moins les redistributions entre niveaux de revenus ou de patrimoine L'Etat algérien a dépensé sans compter, a subventionné un grand nombre de produits de première nécessité, comme les céréales, l'eau et le lait, l'électricité et le carburant. En Algérie, de celui qui gagne le SNMG au chef d'entreprise national ou étranger, bénéficient des prix subventionnés, n'existant pas de système ciblé de subventions. Dans plusieurs rapports la Banque mondiale fait remarquer qu'en moyenne dans le monde, 20% des plus riches bénéficient 6 fois plus que 20% des plus pauvres des subventions, recommandant que les programmes d'aide sociale doivent être ciblés de manière à aider les ménages pauvres et vulnérables, à y faire face. Pour l'Algérie, la même institution note que les montants des subventions sous forme de comptes spéciaux du Trésor, le soutien à l'accès à l'habitat et aux activités économiques représenteraient 14% du total des dépenses de l'État en dehors des dépenses de fonctionnement. A cela s'ajoutent les assainissements répétés aux entreprises publiques qui ont coûté au Trésor public, selon un rapport du Premier ministère, repris par l'APS, le 01 janvier 2021, ces trente dernières années, plus de 25 milliards de dollars de quoi créer tout un nouveau tissu productif et dont plus de 80% sont revenus à la case de départ. Nous avons les exonérations fiscales et de TVA accordées par les différents organismes d'investissement (ANDI, ANSEJ) y compris pour les entreprises étrangères, dont il conviendrait de quantifier les résultats par rapport à ces avantages (exportation et création de valeur ajoutée interne). Pour le pouvoir algérien, ne voulant pas de remous sociaux, les subventions, tant qu'il y a la rente des hydrocarbures, constitue un tampon pour juguler la hausse des prix internationaux, avec ce retour à l'inflation car en dehors des subventions, le taux d'inflation réel dépasserait largement 10%. Ainsi, toutes les lois de finances de 2.000 à 2021, proposent des mesures qui ont pour finalité de pérenniser la politique de l'Etat, en matière de subvention des prix des produits de large consommation. Or, comme je l'ai analysé dans plusieurs contributions nationales et internationales, le montant des subventions et des transferts sociaux par an, très important par rapport au PIB, a eu un impact peu perceptible au niveau de la population. Il n'est peut-être pas juste que tout le monde puisse bénéficier de certaines subventions, quelle que soit leur situation financière. Les subventions généralisées faussent l'allocation rationnelle des ressources rares et ne permettent pas d'avoir une transparence des comptes, fausse les normes de gestion élémentaires. Les prévisions, tant au niveau micro que macroéconomique, aboutissent au niveau des agrégats globaux (PIB, revenu national) à une cacophonie additionnant des prix du marché et des prix administrés. Ils découragent la production locale avec un gaspillage croissant des ressources financières du pays. Comme se pose cette question stratégique: qu'en sera-t-il avec après le dégrèvement tarifaire pour les zones de libre échange avec l'Afrique, le Monde arabe et avec l'Europe horizon dont la révision de certains articles est toujours en négociation sans compter la volonté affichée récemment par le ministère du Commerce d'une éventuelle adhésion à l'OMC. Les produits énergétiques sont également concernés notamment par la suppression de la dualité du prix du gaz et en rappelant que pour pouvoir exporter, il faut des entreprises publiques et privées compétitives en termes de coût/qualité. La faiblesse des exportations hors-rente, le dérapage accéléré du dinar officiel, pour combler artificiellement le déficit budgétaire avec un impact inflationniste, le cours officiel pourrait être de 200 DA un euro et avec la levée des restrictions de voyage et la baisse des réserves de change (44 milliards de dollars, fin juin 2021) et l'allocation devises dérisoire, le cours sur le marché parallèle pourrait être 300 DA courant 2022 contre 213 DA un euro, cours, achat, début septembre 2021. Car selon les données du ministère du Commerce sur les 2 milliards de dollars d'exportation, hors hydrocarbures, le 1er semestre 2021, plus de 70% sont des dérivées d'hydrocarbures et des produits semi-finis, donnant moins de 600 millions de dollars pour les produits à forte valeur ajoutée répondant aux normes internationales où pour avoir la balance nette pour l'Algérie , il faudrait soustraire toutes les exonérations fiscales et toutes les matières premières importées en devises. En résumé, une Nation ne peut distribuer plus que ce qu'elle a produit quitte à aller vers la dérive économique et sociale et je m'interroge avec de nombreux experts, comme je l'ai démontré dans une interview au quotidien gouvernemental ?Horizon'du 06 septembre 2021, sur les moyens de la réalisation de la politique économique et sociale du plan d'action du gouvernement. Ce plan ne donne pas de prévisions chiffrées, à court et moyen termes, le coût, les délais des projets et son mode de financement en dinars et en devises, année par année, entre 21021/2024. La raison est que les pouvoirs publics n'ont pas voulu trop s'aventurer sur ce terrain vu que les prix du pétrole et du gaz, principales ressources en devises, sont instables. Or le constat est que nous assistons à une redistribution passive de la rente des hydrocarbures, sans ciblage bien qu'existent certaines dispositions encourageant l'entreprise. Dossier politique éminemment sensible et cela n'est pas propre à l'Algérie l'expérience de la révision des Caisses de retraire en France, avec des impacts socio-économiques, la mise en place de subventions ciblées suppose, à la fois, un système d'information fiable posant la difficulté de l'intégration de la sphère informelle (revenus informels) et une large concertation sociale pour éviter des remous sociaux qui ont des incidences politiques et sécuritaires, devant concilier, impérativement, le couple efficacité économique et une profonde justice sociale, à ne pas confondre avec égalitarisme qui décourage toutes les initiatives créatrices. *Docteur - Professeur des universités, expert international, haut magistrat (premier conseiller) et Directeur général des études économiques à la Cour des comptes 1980/1983 |
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