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En
peu de temps, sous la conduite du président Abdelmadjid Tebboune
et de l'ingénierie diplomatique du ministre des Affaires étrangères et de la
Communauté nationale à l'étranger, Ramtane Lamamra, la diplomatie algérienne a fait un retour
remarquable sur la scène régionale et le succès de la Conférence des pays
voisins de la Libye, qui vient de se tenir à Alger, confirme la nouvelle
vitalité de l'appareil diplomatique algérien, dans un contexte de crises
superposées, au cœur de notre profondeur stratégique et de notre ceinture de
sécurité.
Partageant avec les pays voisins de la Libye les mêmes préoccupations à la fois politique et sécuritaire, Alger a pris l'initiative, saluée par tous les participants et soutenue par l'Envoyé spécial américain pour la Libye, M. Richard Norland, lors de sa rencontre à Tunis avec le ministre des Affaires Etrangères, d'abriter la réunion des pays voisins, dans le cadre des efforts visant à aider les Libyens à respecter la fragile feuille de route, l'accord de cessez-le-feu entre les protagonistes, en appelant au retrait de la Libye des forces étrangères et des mercenaires et en insistant sur la mise en œuvre par les Libyens du processus politique, particulièrement la tenue des élections générales à la date du 24 décembre prochain. L'ensemble des ministres des Affaires étrangères de la Libye, de l'Égypte, du Soudan, du Tchad, du Congo et du Niger, ainsi que le représentant du secrétaire général de l'ONU pour la Libye, Jan Kubis, le Commissaire de l'Union africaine pour la paix et la sécurité et le secrétaire général de la Ligue arabe ont répondu positivement à l'appel de Lamamra, pour participer à la réunion, organisée en un temps record. C'est dire le capital de crédibilité et de confiance dont jouit désormais la diplomatie algérienne auprès des capitales internationales. La réunion a suscité beaucoup d'intérêt et a soulevé beaucoup d'interrogations sur sa capacité à contribuer à la résolution de la crise libyenne. De l'avis des participants, ses résultats étaient salués par tous les participants, jamais atteints par ce mécanisme, d'autant que les Libyens étaient à la recherche d'une vision commune sur les prochaines étapes après le cessez-le-feu, en l'absence d'un consensus interne et d'un accord externe. Lors de leur réunion qui a duré deux jours, les pays voisins de la Libye ont mis en place des mesures concrètes pour réactiver leur rôle et intensifier leurs efforts, pour le règlement de la crise libyenne et préserver la sécurité et la stabilité de la Libye, afin d'éviter les scénarios catastrophiques pour la région. En effet, face à l'inertie de la communauté internationale, aux ambitions des acteurs régionaux et internationaux et après l'échec du Forum de dialogue politique à Genève, parrainé par les Nations unies, incapable de dégager un consensus sur une base constitutionnelle pour la tenue des élections présidentielles et législatives, la rencontre d'Alger est venue redonner espoir aux parties libyennes à adhérer à une solution politique et non à rechercher des options non pacifiques. La situation sécuritaire et politique en Libye et au Sahel est devenue critique et tout échec à contenir la crise libyenne aura des répercussions immédiates sur les pays voisins qui seront les premiers à payer le prix de la complaisance internationale et des ambitions de certains acteurs en Libye. C'est pourquoi, les voisins de la Libye entendent avoir une grande implication dans la résolution de la crise, à travers ce mécanisme, pour assurer le suivi de la mise en œuvre de ce qui a été convenu entre les six pays, en coordination avec les autorités libyennes intérimaires et autres parties. Ils ont, en outre, décidé de former une délégation ministérielle pour se rendre en Libye, et intensifier les contacts avec toutes les parties dans le but d'évaluer le processus politique. Quant à l'aspect sécuritaire et militaire, il a été convenu de la nécessité d'une coordination entre les pays voisins et le Comité militaire conjoint (5+5), pour développer un mécanisme efficace et pratique entre les deux parties pour le retrait des mercenaires de Libye. Dans ce cadre, il a été décidé de «réactiver les deux comités politique et sécurité, respectivement présidés par l'Égypte et l'Algérie, invités à se réunir dans les meilleurs délais possibles». Les ministres se sont également félicités des mesures qui seront prises par l'Union africaine en vue de la tenue d'une conférence de réconciliation nationale entre les Libyens, en coordination avec les pays voisins. L'Algérie ayant déjà exprimé sa disponibilité à mettre son expérience de réconciliation nationale à la disposition des Libyens. En prenant l'initiative d'abriter la réunion, Alger a réussi à ramener la crise libyenne au centre des préoccupations internationales, deux mois après la deuxième conférence de Berlin du 23 juin dernier et a remis à zéro la boussole des parties libyennes, afin de ne pas s'écarter de la date des élections du 24 décembre. La réunion d'Alger semble être le prélude à un projet plus vaste, voulu par le gouvernement d'Union nationale libyen, celui d'une conférence internationale en Libye consacrée uniquement à la stabilité du pays, avec pour objectif de sauver le processus politique dans le pays qui est toujours dans l'impasse. En effet, après plus de dix ans de conflit et malgré tous les efforts déployés par la communauté internationale, aucun progrès n'a été enregistré concernant le retrait des forces étrangères et le désarmement des milices qui ont proliféré dans le pays et l'unification de l'institution militaire, compromettant ainsi la transition politique interne et l'organisation des élections présidentielles et législatives à la fin de cette année, qui est devenue incertaine. Pendant ce temps, le général Khalifa Haftar refuse de se soumettre à toute autorité civile, mobilise ses forces et procède à des nominations et promotions sans coordination avec le commandant suprême de l'armée, exposant ainsi le pays à la menace d'une escalade militaire. Le Comité militaire mixte «5 + 5» n'a pas non plus réussi à expulser les mercenaires et à unifier l'institution militaire, avec le risque de torpiller l'accord de cessez-le-feu signé le 23 octobre 2020. Si bien que la scène politique libyenne continue à être rythmée par la division entre les deux pouvoirs rivaux, à l'Ouest, d'un côté, dirigée par l'exécutif transitoire à deux têtes, appuyé par la Turquie et le Qatar et, de l'autre, à l'Est, la Cyrénaïque, aux mains du maréchal Haftar, soutenu par la Russie, dont les mercenaires du groupe Wagner, les Émirats arabes unis, l'Égypte, la France avec le risque de constitution d'un nouveau gouvernement à l'est du pays. Ces acteurs régionaux et internationaux poursuivent leurs activités pour consolider leurs positions et s'emparer des zones d'influence, y compris au sud de la Libye, la région du Fezzan, devenue comme toutes les régions du pays le théâtre de luttes d'influence et peuvent se transformer à tout moment en affrontements militaires. Face à ces menaces potentielles qui s'imposent dangereusement dans la région du Fezzan et ses extensions potentielles au plus grand groupe géopolitique qui s'étend jusqu'à la côte désertique adjacente à la frontière algérienne, l'Algérie, a écrit un spécialiste en relations internationales dans la revue Menaffairs, « s'est retrouvée acculée du fait de sa politique étrangère « sans problème », ces dernières années, par tous les acteurs internationaux et régionaux impliqués dans le conflit libyen », avec la montée de la menace des groupes terroristes au Sahel, la situation incertaine en Libye, l'instabilité politique en Tunisie et les tensions permanentes avec le Maroc ayant contraint notre pays à rompre les relations diplomatiques. En effet, les dangers croissants d'un retour au chaos en Libye, avec la possibilité d'un effondrement de l'accord de cessez-le-feu, conjugués aux menaces du Parlement libyen de retirer la confiance au gouvernement d'Union nationale et du risque de la constitution d'un nouveau gouvernement à l'est du pays, ont incité les pays voisins à alerter la communauté internationale sur les risques de l'impasse politique dans le pays en cas de non-respect du calendrier électoral et ses conséquences au plan sécuritaire sur les pays voisins. Ils appellent à une réelle prise de conscience sur la gravité de la situation en Libye, particulièrement au sud du pays, avec son prolongement au Sahel, qui est de nature à créer le vide que les groupes terroristes et extrémistes peuvent chercher à combler. Dès lors, la crise libyenne fait partie intégrante de la sécurité nationale des pays voisins et demeure, en cas d'instabilité interne, une source de grande préoccupation pour ces pays, qui font face au double défi de la transition politique interne et du risque de déstabilisation d'un ensemble géopolitique qui s'étend à l'Afrique subsaharienne. C'est pourquoi, les ministres ont de nouveau réaffirmé le rôle central du mécanisme des pays voisins dans le soutien au processus libyen mené sous les auspices des Nations unies, en soulignant l'importance de la concertation au sein du Forum de dialogue politique libyen, ainsi que la mise en place d'une coordination entre le Comité militaire conjoint «5+5» et les pays voisins au sujet du retrait des mercenaires et des forces étrangères via un mécanisme efficace et opérationnel entre la partie libyenne et les pays voisins. De même qu'ils ont souligné la nécessité d'accorder une attention particulière aux impacts de la crise en Libye sur les pays voisins du Sud libyen et l'impératif d'œuvrer à les associer dans toutes les réunions régionales et internationales consacrées au règlement de cette crise. Les ministres ont appelé au retrait de toutes les forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires, conformément à la résolution 2570 du CSNU et tel que prévu par l'Accord de cessez-le-feu permanent. Ils ont souligné la nécessité d'associer pleinement les pays voisins de la Libye dans toutes les discussions et/ou processus qui seront entrepris dans ce cadre. Les ministres ont convenu de coordonner leurs efforts collectifs avec toutes les parties libyennes, conformément au processus onusien et ont décidé de : - entreprendre une visite ministérielle en Libye pour exprimer leur pleine solidarité avec le peuple libyen frère et pour mener des discussions avec toutes les parties libyennes dans le but d'évaluer le processus politique devant aboutir à la tenue des élections prévues à la fin de l'année en cours; - soutenir l'initiative libyenne pour la stabilité du pays, dans le cadre de l'application des résolutions du CS/ONU 2570 et les conclusions des Conférences de Berlin 1 et 2 et la coordination des efforts et la tenue de rencontres consultatives avant la tenue des prochaines échéances sur la demande de la partie libyenne; - intensifier les contacts avec tous les acteurs externes concernés dans le but d'affirmer l'importance de la solution politique comme unique solution pacifique viable à la crise en Libye; - réactiver les Comités politique et sécurité, présidés respectivement par l'Egypte et l'Algérie, en définissant les thèmes et les questions relevant de leurs compétences. Les deux comités doivent se réunir dans les plus brefs délais. La question du retrait des forces étrangères et des mercenaires reste le dossier le plus difficile à appréhender, pour mettre fin à la crise libyenne. La Russie et la Turquie n'ont pas encore montré une réelle volonté à procéder au retrait de leurs forces et autres mercenaires et peut-être accepter de troquer leurs présences militaires, ou du moins les réduire, contre des intérêts économiques en Libye dans le cadre des plans de reconstruction du pays. La deuxième option consiste à imposer des sanctions internationales aux pays, groupes ou personnalités qui ne coopèrent pas au retrait des forces et mercenaires étrangers, mais une telle option reste menacée par l'exercice des droits de veto au Conseil de sécurité et des doutes subsistent sur ses chances de succès au vu des expériences où l'option des sanctions n'a pas réussi à obtenir le retrait de la Russie de l'Ukraine ou la Turquie de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan. Dès lors, reste l'option dont parlent les Britanniques, avec ses difficultés, celle d'une conférence internationale, après Berlin, sur le dossier des mercenaires et des forces étrangères. En conclusion, l'Algérie, comme les pays voisins de la Libye, entend désormais placer la crise libyenne comme partie intégrante de sa sécurité nationale. Il n'est plus possible désormais de tolérer, des Libyens ou autres acteurs, que des pays, géographiquement excentrés par rapport à la Libye et à l'abri des turbulences impactées par une crise, en passe de devenir structurelle, puissent continuer à agir et intervenir en Libye sans concertation avec les pays voisins qui sont les plus exposés dans cette région au terrorisme, aux trafics d'armes, de drogues et à l'immigration clandestine, d'autant que la situation au Sahel n'a cessé de se dégrader, en raison des conflits multiformes, la prolifération des trafics de tout genre, le terrorisme, la criminalité, le trafic de drogues et les flux migratoires. *Consultant, spécialiste en relations internationales. |
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