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«Les
Algériens aiment leur mère au point d'avoir peur de la tromper avec leur femme»
Kaouther Adimi
Une fois l'indépendance acquise, le FLN s'installe confortablement et durablement dans un patriarcat primaire. Le patriarcat est une forme d'organisation dans laquelle l'homme est le détenteur exclusif de l'autorité, il a de compte à ne rendre à personne. Il est hors-sol, hors- temps, hors-nature. Des hommes qui ont pour tâches d'alimenter en nourriture et en argent et de protéger la famille de tout danger extérieur. Les femmes ont de leur côté pour charge l'éducation des enfants et l'organisation interne du foyer. La femme est reine dans son royaume. En dehors, c'est l'affaire des hommes. Dans une société patriarcale, les relations humaines sont des rapports de force, par conséquent, très violents ; dans une société démocratique où la femme est considérée comme l'égale de l'homme, elles sont le résultat de négociations devant déboucher sur un consensus. On dit que « la démocratie est une révolution couchée qui fait ses besoins dans des draps blancs ». L'homme et la femme ont été créés pour se compléter et non pour se combattre. Nous marchons avec nos deux pieds, un pied droit et un pied gauche et non deux pieds droits ou deux pieds gauches pour perpétuer l'espèce humaine, dans un cadre organisé qu'est le mariage afin de légitimer et protéger une filiation contre toute dérive se soldant par des abandons ou des avortements. Le drame des mères célibataires est une réalité palpable. Où sont les gardiens de la morale et de la pudeur ? Ils sont dans les « affaires » et les jeunes adossés au « mur ». Un mur qui ne leur appartient pas. C'est dire que le patriarcat n'est pas fondé sur le mode de relations horizontales, c'est-à-dire, sur la base de relations contractuelles donc démocratiques mais plutôt sur des relations verticales, c'est-à-dire de subordination pure et simple. La domination est-elle spécifiquement masculine et la soumission exclusivement féminine ? Il est vrai que depuis des siècles, la femme a été soumise à l'homme (le père, le frère, le mari) comme il est également vrai que l'homme a été sous domination des envahisseurs étrangers (des vandales aux français en passant par les arabes et les turcs). L'indépendance ne signifie pas la fin de l'aliénation historique, économique et culturelle. Le FLN va se substituer à l'autorité coloniale. « Quand la hache pénétra la forêt, les arbres dirent le manche est des nôtres ». Le peuple s'est incliné devant le diktat de ses nouveaux maîtres. « Sept ans ça suffit ». A son corps défendant, il a troqué son indépendance et sa liberté en échange d'une protection et d'une sécurité. C'est ainsi que le pouvoir s'est approprié le bas-ventre (les richesses du sous-sol) pour remplir son ventre (nourriture). Il veut en faire sa demeure éternelle. C'est le repos du guerrier. Le peuple abusé se révolte contre les abus du FLN, l'islamisme surgit du néant, s'arme et se jette dans la bataille perdue d'avance, le heurt est violent. La société est traumatisée. Un miracle se produit, une pluie diluvienne de dollars va s'abattre sur une Algérie meurtrie, nettoyant toute trace de son passage. L'argent providentiel panse les plaies, la blessure est profonde, elle nécessite une chirurgie. Le médecin refuse. La radio est en panne. Un calmant est administré au patient. C'est de la morphine. Il en prendra jusqu'à l'overdose (22 février 2019). Une société infantilisée a besoin d'un père. L'image du père : autorité, rigueur, fermeté, protection, sécurité, nourricier. Elle cristallise ses envies, ses craintes, ses aspirations et ses rêves, sous l'autorité d'un chef unique. Les enfants ont besoin qu'on leur raconte des histoires et qu'on leur achète des jouets. Seuls les parents peuvent remplir ce rôle. Le pétrole comme mère nourricière éternelle et l'armée comme père protecteur invincible. Une fois que leurs enfants sont adultes, les parents doivent cesser de jouer ce rôle, ils doivent accepter que leurs enfants s'opposent à eux pour grandir. En les empêchant, la société se retrouve avec une tête d'enfant dans un corps d'adulte. Pour le gouvernement, le peuple est une dépense budgétaire (charge à supporter) et non une recette budgétaire (ressource à mobiliser) ; pour la masse, l'Etat est un entrepôt de marchandises importées (création de monnaie) et non une usine de production locale (création d'emplois). Une société où les hommes et les femmes sont des enfants n'est pas à la recherche d'une économie productive et d'un Etat de droit mais d'une mère nourricière et d'un père protecteur. Un Etat de droit pré suppose un peuple mature laborieux et un Etat sérieux régi par une morale. En terre chrétienne, « tu mangeras ton pain à la sueur de ton front » ; en terre algérienne, « tu auras ton pain à la souplesse de ton échine ». Dans un Etat de droit « nul n'est censé ignorer la loi » ; dans une société tribale, personne ne connaît la loi, tous se soumettent au clan dominant. Nous marchons sur notre ventre et nous réfléchissons avec nos pieds. La misère rassemble, la richesse divise. L'une purifie, l'autre corrompt. Au regard de Dieu, l'encre du savant est aussi précieuse que le sang du martyr. Quand le ventre est plein, la tête chante, les mains applaudissent, les pieds dansent, la terre tremble, l'âme se terre. A contrario, un ventre vide n'a point d'oreille. Ni l'arabité, ni la berbérité, ni l'islamité, ni la laïcité, ne remplit le couffin de la ménagère. Que l'on soit arabophone ou francophone ; musulmans ou mécréants, que l'on soit de l'Est, de l'Ouest, du Centre ou du Sud, nous tendons tous la main à l'Etat providence (en direction de la « djefna » remplie de couscous par la grâce de dieu, où il faut jouer du coude pour avoir la meilleure place à proximité de la viande, des légumes, les faibles se contenteront de la semoule). C'est dire que la situation est complexe et les causes multifactorielles. Dans les sociétés occidentales, la démocratie correspond à leur trajectoire historique, à leur philosophie politique, à leur élite intellectuelle qui place la femme au centre des préoccupations de l'homme. C'est une donnée endogène à la société européenne qui reflète sa propre histoire gréco-romaine et ses propres croyances religieuses. Une société qui « féminise » les hommes dans leurs émotions, leurs sentiments, leur psychologie et « masculinise » les femmes dans leurs façons de vivre, de s'habiller et de travailler. Une société où l'éducation des filles et des garçons est indifférenciée. Des couples qui mettent au monde des enfants sans attachement familial centrés sur leurs propres désirs. Une société où l'argent remplace le phallus au lit, castre l'homme et avilit la femme Une société où l'homme perd sa virilité et la femme sa féminité. Une société où la femme investit l'espace public et l'homme se réfugie dans l'espace privé. Les femmes ont investi massivement le marché du travail où toutes les carrières professionnelles leurs sont ouvertes. En Algérie, les hommes fuient l'effort physique, l'endurance morale, les métiers manuels et agricoles et se consacrent au commerce de l'alimentaire et du cosmétique. Nous assistons à une « féminisation » rampante de la société. Une société où l'époux n'a plus d'autorité sur son épouse qui vaque librement à ses occupations, abandonnant l'éducation de ses enfants les livrant aux démons de la rue. Une société où la femme fatiguée par un rythme infernal qu'elle s'impose, s'épuise très vite, vieillit mal et meurt prématurément. Une société où les liens de filiation sont rompus ; le frère ne demande plus après son frère et les parents ne cherchent plus après leurs enfants. Des enfants roi qui se transforment en adultes tyran. Est-ce l'individualisme que l'on recherche, c'est-à-dire une société dans laquelle nos enfants ne seront plus solidaires de leurs familles mais agissent comme bon leur semble comme s'ils étaient tombés du ciel, c'est-à-dire des enfants « x ». Des individus asexués sans identité, sans racine, sans ancêtre, sans traditions, sans milieu, sans foi ni loi qui n'obéissent qu'à la force du grand nombre. En investissant massivement le marché du travail, les femmes se sont coupées de leurs enfants pour en faire plus tard des adultes asexués. C'est cela la société démocratique qui nous envoûte, nous absorbe, nous ensorcelle. Nous adoptons, sans état d'âme, le mode de vie et de pensée occidental. Nous tournons le dos à nos racines, à notre histoire, à nos traditions, à notre religion. Nous finirons par rester seuls face à nous-mêmes, sans lien de filiation, sans honneur, sans dignité dans un dénuement total et un égarement manifeste. Tout cela pour dire que la femme est à la démocratie ce que l'homme est pour la dictature. Sur un autre registre, l'Islam habille les femmes en les entourant de mystères alimentant les fantasmes des hommes. Et l'Occident dénude les femmes et les expose en vitrine au regard impudique des hommes. Qui baisse ses yeux élève son âme. Où est l'épanouissement ? Où se trouve l'avilissement ? L'Islam est un instrument de libération et non d'oppression.de la femme. Que signifie la démocratie ? «dévoiler» ses femmes aux yeux des Occidentaux en baisse de désirs, à la recherche de nouvelles sensations fortes (La colonisation est une histoire de fantasmes ; la poitrine nue de la sénégalaise, le pénis surdimensionné du Noir ou le harem du sultan) ou « voiler » sa fortune au regard de Dieu en ne versant pas la zakat ? En effet, qui paie la zakat révèle sa fortune et affiche son islamité. Alors que prône l'Islam : la transparence ou l'opacité ? Que vise l'Occident : l'athéisme, le satanisme, le matérialisme ? Que les uns et les autres nous révèlent leur part d'ombre et leur part de lumière. Que nous enseigne les démocrates occidentaux : « Faîtes ce qu'on vous dit, et ne faites pas ce qu'on fait ». La laïcité n'est pas un cache-sexe et le voile n'est pas une ceinture de virginité. «Couvrez-moi ce sein que je ne saurais voir » disait Molière. Une femme sans foulard est comme une maison sans rideaux, elle est soit à vendre, soit à louer. Que les uns et les autres nous dévoilent leur part d'ombre et leur part de lumière. Entre la rigueur islamique et les libertés laïques, le monde arabe se recherche. En Islam, être marié revêt une part importante de la religion musulmane. Le seul cadre pour l'activité sexuelle, c'est le mariage. Le mariage est devenu tellement cher que les prétendants au mariage attendent jusqu'à trente ans, sinon plus pour se marier et à condition de disposer d'un logement et d'un travail ou d'un commerce. Le taux de chômage en Algérie est parmi les plus élevés dans le monde arabe et touche, particulièrement, la jeunesse. Les deux tiers de la population ont moins de trente ans. Le chômage touche plus de 30 % de la population en âge de travailler. Ce taux résulte de l'absence de stratégie saine de développement et d'une opacité dans la gestion des ressources financières du pays, sans oublier un système éducatif inadapté où des diplômés de l'université sont sans emplois. Il s'agit d'un chômage de longue durée qui contribue à la dévalorisation de l'enseignement. Les compétences enseignées ne correspondent pas souvent aux besoins du marché. La politique d'infantilisation a féminisé la société. De l'enfant roi on est passé l'adulte tyran. Quand l'enfant est roi, ce sont les femmes qui exercent la régence. Devenu adulte, il cherche à se substituer à l'autorité de l'Etat. Les rapports parents-enfants sont de l'ordre de la séduction qui est le contraire de l'éducation. La télévision s'est substituée à la famille. Le père n'est plus capable d'aider ses enfants à rompre le lien fusionnel avec leur mère. Une famille patriarcale où les relations parents-enfants se superposent entre le chef de l'Etat et la société. Le couple n'est plus un espace d'intimité mais une préoccupation de groupe. Il est clair que favoriser l'abstinence et la frustration est le meilleur moyen de conduire l'individu à enfreindre les règles avec toutes les conséquences qui en découlent. La répression sexuelle est la marque de fabrique de toute dictature qu'elle soit privée ou publique. Si la dictature arabe se voile la face et se cache sous un hidjab, la démocratie occidentale se dénude en se déhanchant et s'offre en spectacle alimentant les fantasmes des uns et frustrations des autres. Le meilleur moyen de garder le pouvoir sur la famille c'est d'empêcher ses enfants d'avoir des relations conjugales. Et pour le chef d'Etat, d'empêcher ses sujets de s'émanciper, de s'opposer à lui, de disposer d'une pensée critique et d'une liberté de mouvement. La sexualité imbibée de religiosité est un outil de contrôle puissant de la dictature. Le patriarcat vit ses dernières heures de gloire. Cette frustration sociale et sexuelle des jeunes donne un sentiment de mépris et d'humiliation. La question de la sexualité est un enjeu majeur pour l'émancipation individuelle et collective. La misère psychique et sexuelle des jeunes entretient les régimes politiques en place. Un Etat autoritaire a besoin de sujets soumis. Pour ce faire, la répression sexuelle est un des vecteurs de la reproduction de l'ordre social dominant. Le refoulement sexuel produit des ressorts émotionnels et mentaux de la soumission à l'autorité sous toutes ses formes ; parentales, sociales ou politiques. Les relations de pouvoir du chef d'Etat et son peuple sont reflétées dans les liens entre le chef de famille et ses descendants. L'Etat autoritaire a un représentant dans chaque famille. Le père devient la ressource la plus importante de la préservation du régime politique. Se marier et avoir des enfants, est un impératif individuel et social. Le droit au mariage ne se mendie pas, il s'arrache. Le recul de l'âge du mariage engendre aussi des problèmes de stabilité dans la vie psychique et aggrave les tentations. L'être humain a en lui-même toutes ses pulsions, il faut bien qu'elles s'expriment parce que s'il les garde en lui-même, il va être dévoré par le stress. L'instinct sexuel étouffe la raison. La force la plus puissante chez l'homme, c'est sa sexualité. Et cela, les gens du marketing politique ou commercial l'ont très bien compris. La sexualité des jeunes est un domaine éminemment politique, elle traduit un rapport de force dans la société. La sexualité reste un des leviers de domination politique de la société. Pris en otage entre les préceptes religieux et les exigences de la modernité, la jeunesse se trouve désemparée. La satisfaction sexuelle des jeunes adultes, dans un cadre moral organisé, libère les énergies, stimule la production et éveille les consciences. « Si l'âme n'est pas satisfaite sexuellement, elle se cabre, se refuse au travail, devient triste » Le mariage en terre d'Islam est considéré comme le cadre légitime par excellence de fusion de sexualité et de la procréation. L'arabe langue de l'Islam commence par la lettre « alif », un comme Adam et suivie par la lettre « ba » comme Eve, l'une est debout et droite, l'autre est couchée et ronde. L'humanité s'est constituée à partir de ces deux êtres complémentaires et non opposées comme nous le suggère les chuchotements diaboliques débouchant sur des divorces multiples et rapides avec des retombées sur les enfants privés de parents et de toit se retrouvant pratiquement dans la rue, livrée à la violence et à la perversion. Si l'on veut réaliser la possibilité de l'Algérie de rompre avec le syndrome autoritaire, une analyse en profondeur des rapports entre les élites et le peuple est indispensable. Rares sont les dirigeants qui disent la vérité parce que faire de la politique c'est mentir. Qui va abandonner la douceur de vie de la vallée pour emprunter les chemins tortueux de la montagne ? Pourtant la sagesse se trouve au sommet de la montagne, il faut grimper pour la trouver. Qui a perdu, qui a gagné, on n'en sait rien. C'est le temps qui a raison. Les absents ont toujours tort. Le pouvoir de la femme réside dans sa capacité à séduire, à patienter, à endurer, à s'investir à croire à un lendemain meilleur et elle s'y emploie. Le travail rémunéré signifie pour elle la liberté, l'égalité, la vie. « La vie pour l'homme est un désert, la femme est le chameau ». C'est le désert et l'oasis, la nuit et le jour, l'eau et le feu, le ciel et la terre. C'est à la fois une compagne et une rivale. C'est un adversaire redoutable. La paix et la guerre cohabitent dans le même palais, le mal et le bien marchent côte à côte, l'amour et la haine couchent dans le même lit. Le couple FLN et société a traversé de nombreuses étapes. Il a connu successivement la fusion (la guerre de Libération), le patriarcat (le socialisme), la révolte et le conflit (la guerre civile), l'apaisement (la conciliation), l'ivresse (la corruption). L'homme remplace le bleu de travail de la colonisation par la djellaba blanche de l'indépendance. La femme a enlevé sa robe ample et colorée pour un mettre un jean unisexe, a investi massivement la fonction publique, elle ne s'arrête pas à un salaire, elle est devenue patronne, elle emploie des hommes, explore de nouveaux créneaux, prend des risques financiers, obtient des crédits, se lance dans des opérations d'envergure. Les banques leur font confiance, elles remboursent leurs crédits. Dieu a bon dos, quand toutes les portes sont fermées. Cela ne décourage pas la jeune fille, elle est dans les bureaux, dans les champs, dans les usines, dans les laboratoires. Elle est discrète, féminine, pudique, aimante. « Derrière le masque que je te montre se cache une fille au sourire brisé qui espère qu'un jour peut-être, elle sera heureuse ». Le masque est désormais obligatoire dans les transports, les magasins, sur les lieux de travail, il change notre regard sur l'autre, il manque d'empathie, d'intérêt, de compassion. Une maladie sans visage, un visage sans maladie. Nous avançons masqués. Des visages sans identité. Des visages sans lumière. Des gens circulent sans se toucher, se croisent sans se reconnaître, se distancent sans s'éloigner, se murent sans s'ignorer, se meurent sans se plaindre. Une vie sans sel, sans émotion, sans affection, sans amour. Le lien social se dissout. L'argent, la politique, la foi cèdent le passage à la vie et ferme la porte à la mort. Le Covid-19 défie l'ordre et crée le désordre. Il est partout et personne ne le voit. Il est en chacun de nous et personne ne le sait. Il surgit au moment où on s'attend le moins. « Le chacun pour soi et Dieu pour tous » se propage dans tous les foyers et le « vivre ensemble » s'en éloigne à telle enseigne que les familles se divisent, les foyers se brisent, les couples se séparent et les enfants livrés à la rue. L'estime de soi et le respect de l'autre sont devenus des denrées rares même au sein des familles les plus traditionnelles, polluées par une pseudo modernité, où l'individu s'affirme par sa fortune et non par sa personnalité, par ses apparences et non par son contenu, « L'être » se cache derrière le « paraître » et le « je » derrière le « nous ». « Du tous pourris au tous pour rien, le pas est vite franchi ». La distanciation sociale est de rigueur, le lien social se dissout, le rapport avec l'autre change. La méfiance est de mise. La psychose s'installe. Nous sommes tous défaillants dira un ministre sans jamais se démettre, « le sujet devient objet ». « L'objet » est érigé en critère d'évaluation de « l'être » par la société. « Tu vaux par ta fortune et non par ta valeur intrinsèque». Les valeurs morales se perdent, le sens de la solidarité s'estompe, l'amour de soi entraîne la haine de l'autre et donc la perte de soi. Nous avons été forgés par le regard de l'autre qui nous renvoie l'image de nous-mêmes, c'est-à-dire des êtres insignifiants. On ne réfléchit pas avec sa tête mais avec son ventre. On ne marche plus, on rase les murs. A tel point, que l'Algérien a peur de son ombre. Une ombre qui couvre toutes les couches de la société et se répand par la rumeur à travers tout le territoire national. Elle fait trembler la population toute entière par la rumeur, la manipulation, le mensonge. La politique de la peur consiste pour un gouvernement à provoquer de la peur au sein de la population pour réduire les libertés individuelles et collectives des citoyens en échange d'une hypothétique sécurité afin de détourner leur attention des véritables problèmes qui les concernent de près. L'ouvrier travaille dans l'angoisse d'une fin de contrat arbitraire. Ces pratiques de cooptation et d'élimination héritées de la lutte de libération survivent après l'accession à l'indépendance. Il en est de même de la prise de décisions dans la clandestinité, par un nombre restreint d'individus, impliquant la majorité des citoyens sans en assumer ni la paternité ni la responsabilité. Chacun sait que ces pratiques valables en temps de guerre sont contre productives, en temps de paix. Nous nous trouvons en quelque sorte dans un passé qui vit au présent repoussant l'avenir. Les régimes politiques, démocratiques ou autoritaires, conservateurs ou progressistes, pour se perpétuer ont besoin d'inventer un ennemi commun, le nazisme, le colonialisme, l'impérialisme, le communisme, le terrorisme, le covid-19. Les mots changent, les maux restent. La société se meurt, le ciel s'assombrit, les nuages s'amoncellent, la mer est agitée, les vents soufflent, le bateau chavire, à bord des jeunes entassés comme des sardines fuyant les interdits de la politique, de la religion et de la pauvreté, il fait naufrage, des corps flottent, la terre ferme lointaine, l'ange de la mort est là. La mort est une renaissance dans l'autre vie ? ou dans l'autre rive ? «L'autre rive est toujours plus belle. Elle se trouve toujours plus loin». *Docteur |
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