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C'est en marge du colloque international sur le roi numide Syphax, tenu à
Aïn Témouchent du 22 au 24
septembre, que nous avons approché Si Hachemi Assad,
secrétaire général du Haut commissariat à
l'amazighité, organisateur de l'événement.
Rassemblant un nombre important d'académiciens, d'archéologues et d'historiens venus d'Algérie et de l'étranger avec au programme vingt-sept conférences, ce regroupement tend à mettre en relief la portée historique et civilisationnelle du royaume de Syphax. Le Quotidien d'Oran.: Quelle est, dans la dimension historique nationale, la portée justement de cet événement consacré à Syphax ? Si El Hachemi Assad: C'est dans le même sillage des éditions précédentes pour revaloriser notre patrimoine historique, que Haut commissariat à l'amazighité organise ce colloque. Nous l'avons fait sur Massinissa à El Khroub (Constantine) en 2014 ainsi que sur Jugurtha en 2016. Nous veillons avec la collaboration de tous les éléments nécessaires et actifs dans la société à rendre pérennes nos édifiants socio-historiques. Syphax était un roi de la Numidie occidentale, sa capitale était Siga, l'actuelle Aïn Témouchent, ce qui entre autres justifie notre présence ici. Le programme est riche, varié. C'est un grand événement non seulement pour la région, mais aussi pour toute l'histoire nationale. Q.O.: L'amazighité dans sa dimension de constante nationale consacrée par les dispositions constitutionnelles s'affirme de jour en jour dans les textes et notamment dans le discours officiel. En dehors de certains frontons d'édifices publics où l'amazighité est arborée qu'en-est-il du terrain ? S. E.H.A.: Tamazight vient de connaître une avancée historique de par le statut officiel que lui confère la nouvelle Constitution et c'est tout juste maintenant que nous amorçons le pas vers une généralisation graduelle et une visibilité dans la vie quotidienne des citoyens. Aujourd'hui force est de constater qu'il y a une prise de conscience de nos concitoyens de se réapproprier et développer la langue des ancêtres qui nous arrime à la sagesse millénaire de nos aïeux. Depuis l'officialisation de tamazight, il y a deux ans, les populations de toutes les régions n'hésitent plus à inscrire leurs enfants dans le cours de tamazight, ce qui nous conforte quant à la marche inéluctable vers la généralisation de son enseignement en Algérie, prochainement, avec prépondérance et de façon mesurée. Il est important de dire aujourd'hui que l'aboutissement de ce processus fondateur est un acte majeur pour la nation et le pays doit la concrétisation de cette avancée à la vision et à l'engagement éclairés de son Excellence Monsieur le Président de la République qui, transcendant certaines appréhensions et/ou éventuelles réticences dans la société, a su préparer et réaliser le consensus politique national nécessaire pour parachever un processus impulsé dès avril 2002 par l'introduction de tamazight comme langue nationale dans une première étape. Q.O.: Avec un recul dans le temps et au bon ou mauvais gré des différents pouvoirs qui se sont succédé, estimez-vous que tamazight en tant que revendication ou cause aurait atteint ses objectifs, sinon que lui reste-t-il pour s'accomplir ? S. E.H.A.: Tamazight a atteint quelques-uns de ses objectifs et continue à en réaliser d'autres et ce grâce au militantisme pacifique et patriotique de générations successives. Durant les premières décennies de l'indépendance ce fut la chape de plomb, l'interdiction de tout ce qui a trait à l'amazighité. De 1990 à 2000, ce fut la tolérance, un rythme d'avancement moyen. De 2000 à ce jour, l'Etat a manifesté de façon explicite et concrète sa volonté d'œuvrer à la promotion de tamazight. Des avancées sont enregistrées en matière d'engagement à souscrire aux principes de droits et obligations énoncés dans les différentes chartes et conventions signées par notre pays. L'Algérie réaffirme, désormais, un attachement au pluralisme linguistique et culturel, à la liberté d'expression et aux droits de l'homme. Par ailleurs, il faut préciser que quel que soit le statut juridique d'une langue, une politique linguistique n'a de sens que si sa mise en œuvre, planifiée et méthodologique, devient une réalité sociale. Il s'agit maintenant de rattraper le temps perdu, en matière de recherche, de développement, d'enseignement et de diffusion. Q.O.: Une institution académique dédiée à la promotion de la langue amazighe vient de voir le jour. C'est un autre moyen qui n'ira sans doute qu'en renforçant les efforts déjà entrepris dans le développement de tamazight. Comment voyez-vous la contribution en valeur scientifique de votre institution avec cette académie ? S.E.H.A.: Comme on vient de le voir, tamazight avance à un rythme acceptable : au niveau constitutionnel, institutionnel et sur le terrain. C'est dans ce contexte favorable qu'arrive l'Académie algérienne de la langue amazighe qui, sans aucun doute, sera un autre moyen de taille qui renforcera ces efforts et couronnera les autres acquis. Cette institution nationale au profil exclusivement scientifique apportera certainement sa valeur ajoutée du fait qu'elle est l'autorité de référence dans les domaines liés à la langue amazighe. Certes l'Académie a pour mission de réunir les conditions scientifiques de la promotion de tamazight mais dans l'étape actuelle, il est important de souligner la nécessaire consolidation du capital acquis par le Haut commissariat à l'amazighité qui a célébré cette année ses 23 ans ! De notre point de vue, le HCA poursuivra son action en coopérant, dans la complémentarité, avec tous les partenaires concernés (institutions, organismes, associations), dont l'Académie algérienne de la langue amazighe. Il est nécessaire donc de travailler en interaction et complémentarité. Egalement nous participerons avec efficience à la prise en compte et au traitement des nouvelles problématiques organisationnelles, scientifiques et techniques requises par le récent acquis constitutionnel et préconiser avec toutes les parties concernées les mesures et dispositifs les mieux appropriés au relèvement des défis qui se posent et enfin communiquer sur des éléments de réflexion et de projection en cours, développés par anticipation, qui visent d'une part la consolidation des indéniables acquis engrangés et, d'autre part, l'adaptation aux nouvelles dispositions de la Constitution. Q.O.: A court terme que reste-t-il à faire pour booster l'enseignement de tamazight ? S.E.H.A.: Pour cette année 2018-2019 nous comptons focaliser nos efforts pour consolider l'enseignement de tamazight par le règlement des problèmes d'ordre pédagogique et juridique en préconisant au ministère de l'Education nationale la nécessité de prise de quelques mesures d'accompagnement telles que l'aménagement des horaires de l'enseignement de tamazight dans l'emploi du temps à l'instar des autres matières, la limitation du libellé des épreuves de tamazight à la variante et à la graphie usitée dans chaque wilaya, l'obligation de continuer le cursus de tamazight étant un principe acquis dans chaque cycle, ce caractère devait être étendu pour toucher le passage d'un cycle à un autre par la production d'une nouvelle circulaire (modifiant et complétant la circulaire 426 datant de 2008). Il est important de garantir la cohérence et la planification de la généralisation de l'enseignement de tamazight dans les différents cycles, dans tous les établissements, à différents niveaux, dans toutes les communes, les daïras et les wilayas où il existe. A notre humble avis ces mesures, assurant la continuité de l'enseignement, induisent en principe un besoin conséquent en postes budgétaires tout en insistant sur le principe d'une généralisation de l'enseignement de tamazight à partir de la première année primaire (1 AP). Q.O.: Vous avez célébré l'année passée le centenaire de la naissance de l'écrivain Mouloud Mammeri. Quel est le bilan de cette action menée sur toute l'année et à travers beaucoup de wilayas ? S.E.H.A.: Comme bilan je ne peux que me réjouir en affirmant qu'il est très positif et que la note de satisfaction est exprimée par l'ensemble des intervenants et durant toutes les escales de cette célébration à travers le pays. Aussi, il est important de signaler que l'événement est placé sous le haut patronage de son Excellence le Président de la République Monsieur Abdelaziz Bouteflika, ce qui dénote de l'engagement de l'Etat à valoriser davantage l'apport de l'homme et à travers lui la culture. Pour un tel challenge, réussir l'organisation durant toute l'année 2017 de l'ensemble des manifestations tracées pour la célébration de ce centenaire, le HCA a institué un comité scientifique de coordination, composé de personnalités scientifiques et culturelles auxquelles s'ajoutent des représentants d'institutions et d'associations. Nous avons fait le pari de la convivialité en édifiant ce comité pour partager les bonnes pratiques, les expertises, les retours d'expériences sur un fier hommage à la hauteur de l'homme. A travers les dix neuf manifestations réalisées nous avons célébré Mammeri dans sa dimension nationale puis continentale et universelle. Cette célébration fut pleinement en phase et interaction avec les aspirations et combats de son pays et de son temps. Les diverses manifestations et rencontres avec le public prévues dans de nombreuses régions du pays dont celles où ce chercheur-enseignant aimait particulièrement travailler sont des moments de communion en hommage à la résistance sereine et pacifique mais néanmoins courageuse et déterminée qu'il mena pour tous en bravant ostracismes et mauvais procès. |
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