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J'ai été estomaqué par la
seule lecture du titre de l'article paru le 14 septembre 2017 dans le quotidien
d'Oran «Arrêtons le Bouteflika-bashing !» rédigé par
CHERIF Ali. Mais à la fin de la lecture, la phrase «Certes, le président ne
s'exprime plus comme auparavant mais il continue d'adresser des valeurs....», m'a tout simplement foudroyé.
Qu'il soit bien clair que l'auteur de l'article en question n'est absolument pas à remettre en cause, ni dans son intelligence et encore moins dans sa respectabilité. Mais on peut être en parfait désaccord avec des personnes très estimables, cela s'appelle la démocratie. Lorsque j'ai lu le texte, j'ai été sidéré (je vais épuiser tous les adjectifs synonymes de consternation) par l'apposition du patronyme auquel s'applique le terme de « bashing ». Par ailleurs extrêmement juste en lui-même puisque l'expression renvoie à un acte de « démolition » d'un personnage public sans le recul de l'argumentation, des faits et du respect. Mais, excusez du peu, il y a de quoi argumenter du contraire pour mille pages dans ce quotidien, une insistance à la hauteur de la longueur d'une présence publique et d'un mandat présidentiel du personnage, soit environ celle de mon âge. Il s'agit donc de faits, de vécu d'une vie entière, pas de médisance ni non plus d'un martellement incessant, sans justification ni argument, portés à l'encontre d'une personne. Monsieur CHARIF Ali a rédigé un parfait texte qu'un étudiant à Sc Po ne renierait pas mais il semble totalement faire abstraction de la situation objective. Je vais essayer de lui répondre sans faire, à mon tour, une dissertation sur le « bashing » mais simplement par des faits et remarques argumentées. Pour cela, je prendrai plusieurs angles d'approche, selon le point de vue de chaque dimension qui fait notre éducation démocratique. Le point de vue personnel, très interdit Commençons par celui qu'il m'est interdit d'exprimer, raison pour laquelle il faut immédiatement l'écarter. Si je devais donner ma profonde opinion personnelle, je sortirais des règles de la politesse et, surtout, de la forme nécessaire au débat entre gens courtois. D'ailleurs, je me tirerais une balle dans le pied car la rédaction du journal ne souhaiterait pas, très légitimement, publier des mots qui choqueraient les lecteurs. Et je peux vous dire que mes mots seraient d'une violence inouïe envers la victime supposée du bashing (pas envers l'auteur, je le salue amicalement). Leur résonance aurait, comment vous expliquer ?... Une puissance en décibels équivalente à celle d'un torturé dans une caserne d'un régime militaire à poigne. Vous ne m'avez certainement pas compris, je suis évasif et excessif dans mon propos, n'est-ce pas ? Alors laissons ce point de vue impossible à exprimer, et donc inutile, pour en arriver aux autres. Le point de vue du juriste, très interloqué Il n'y a pas besoin d'une formation en droit constitutionnel, comme c'est le cas pour l'auteur du présent article, mais seulement une connaissance en langue française, des plus basique (ou arabe pour sa version dans cette langue). L'article 102 de la Constitution algérienne dispose : « Lorsque le Président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l'impossibilité totale d'exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l'unanimité, au Parlement de déclarer l'état d'empêchement. ?/...». M. CHERIF Ali n'est peut-être pas juriste mais ses écrits attestent d'une très grande maîtrise de la langue française dont je le félicite. Il n'y a pas besoin non plus d'être un grand professeur de médecine pour s'apercevoir que quelque chose ne va pas dans l'état physique de la personne en charge du pays. A moins que les médecins algériens aient d'autres standards de diagnostics que ceux de la médecine mondiale. Il n'y a pas besoin, encore une fois, d'être spécialiste du droit pour savoir que cette disposition est reprise dans la quasi-totalité des constitutions dans le monde, y compris dans les dictatures (qui ne l'appliquent jamais). Elle se justifie par l'écrasante responsabilité du chef de l'État qui a en charge le destin du pays. Alors, pourquoi CHERIF Ali qualifie-t-il cela de bashing lorsque le peuple, qui a des yeux et n'est pas stupide, s'inquiète, s'interroge et demande l'exécution d'un article de la Constitution. Le juriste ne comprend pas pourquoi on s'offusque de la demande du peuple qui n'a pas fait des études en médecine mais a tout de même le sens de ce qu'il voit depuis des années. Mais le juriste ne peut argumenter davantage ce qu'il lui semble évident car toute l'érudition au monde ne suffirait plus à convaincre ceux qui ne perçoivent pas le sens de l'article 102 et les raisons objectives de sa mise en application. Raison pour laquelle il faut passer à une autre dimension de l'argumentaire. Le point de vue du démocrate, très affirmé N'importe quel élève de lycée ou étudiant à la faculté, au premier trimestre de la première année, qui ne serait pas en mesure de comprendre qu'un homme à la tête d'un pays pendant soixante ans, même par intermittence, ne correspond pas à la situation d'une démocratie, serait prié d'aller tenter sa chance ailleurs, là où son niveau cognitif serait le plus approprié. Et lorsqu'il n'y a pas de démocratie, il ne s'agit pas de bashing mais de militantisme noble et salutaire pour l'installer. On se demanderait d'ailleurs, comment un pays qui a dépensé des centaines de milliards pour l'éducation et dans lequel existe des partis politiques nombreux, n'ait jamais été capable de trouver un autre homme pour diriger le pays, avec des facultés mentales et physiques convenables ainsi qu'un projet pouvant emporter l'adhésion des suffrages populaires. Le titre de l'article de CHERIF Ali entache, dès le départ, le fond de l'argumentaire car le terme est inapproprié. Et lorsqu'il y a un vice de forme aussi important que celui-là, le démocrate ne peut valider une démonstration, aussi habile soit-elle. L'analyse est donc frappée d'une nullité absolue, sans aucun recours possible. Aucune personne instruite en Algérie n'a ce niveau cognitif si délabré pour penser que c'est du bashing, sauf ceux qui ont un intérêt à le faire croire, financier ou de poste (encore une fois, je ne parle pas de l'auteur de l'article auquel je réponds). Les bras en tombent presqu'à chaque phrase. Il en est une, parmi tant d'autres, « Bouteflika a toujours proposé le respect de la déontologie politique » (citée de mémoire). Lorsque j'étais au bureau politique d'un parti qui voulait participer à la construction démocratique (à l'époque, plus maintenant), aux côtés d'Ait-Ahmed, j'aurais dû proposer un stage de quinze jours en immersion à CHERIF Ali afin qu'il se rendît compte de la «déontologie» à laquelle nous faisions face tous les jours. Il aurait eu l'éclairage de la signification du mot «déotonlogie politique» lorsqu'elle est détournée. Et le terme «détourné» est un euphémisme qui ne tient pas compte de la terreur en guise de persuasion. Nous ne sommes plus dans les années soixante-dix et un nombre considérable d'Algériens francophones maîtrisent ces concepts et donc le maniement de la langue et de ses subtilités. Et, pour nous, la notion de bashing n'est absolument pas ce que nous retenons lorsqu'un peuple commence, timidement mais certainement, à savoir compter jusqu'à 102. Le point de vue du laïc, très œcuménique Je ne vais pas polémiquer ni choquer mais les tenants de la pensée unique et bien encadrée nous ont toujours fait la leçon. C'est assez étrange qu'on doive leur rappeler les règles essentielles du dogme qu'ils nous lancent perpétuellement à la figure. Est-il compatible avec la religion d'exhiber un homme qui, manifestement, est grabataire et dans l'impossibilité d'avoir une expression orale et d'attention suffisamment éveillées ? Moi, je m'abstiendrais d'un tel acte d'humiliation et de torture. Il me semble que par cette attitude, je suis en parfaite conformité avec le texte sacré des musulmans qui prône la dignité des êtres humains. Serait-ce moi, le laïc, le bon musulman ? Il faut arrêter cette indignité qu'on fait subir à cet homme, quels que soient mes griefs que je me suis interdit de prononcer dans le premier paragraphe de cet article. Finalement, je répondrai à CHERIF Ali, que la maîtrise de la langue et des concepts d'actualité ne suffisent pas à faire un argumentaire. Car, à une parfaite dissertation sur le bashing, l'auteur a oublié un élément essentiel à la pertinence de l'argumentaire. Pour « importer » les éléments de raisonnement qui ont été rédigés, il faut s'assurer, comme disent les instruits qui veulent démontrer leur savoir, que « toute chose étant par ailleurs égale ». Et toute chose n'est pas par ailleurs égale car le raisonnement est plaqué sur une réalité qui ne permet pas l'équivalence des situations. J'ai répondu à CHERIF Ali dans une joute démocratique. Il a utilisé des mots et des phrases que je conteste mais ce ne sont ni des kalachnikovs ni une intimidation policière. En cela, son argumentaire est des plus respectables même s'il est des plus contestables. Alors, au-delà de notre profonde divergence sur le terme de bashing appliqué à Bouteflika, je lui transmets mes respects et mon amitié. Le niveau élevé de ses écrits ne fait aucun doute qu'il aura la noblesse de les accepter. La solidarité internationale entre étrangers est importante car, il faut le croire en le lisant, nous ne sommes pas nés dans le même pays ni n'avons la même lecture des faits. Un excellent échange entre nous, nés dans deux mondes différents. *Enseignant |
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