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«Ce cas soulève des principes
importants concernant le rôle des médias, qui n'a jamais été soulevé par la
justice criminelle internationale depuis Nuremberg.
Le pouvoir des médias de créer les valeurs humaines fondamentales et de les détruire s'accompagne de grandes responsabilités. Ceux qui contrôlent les médias sont responsables de leurs conséquences.» (Attendu des juges du Tribunal pénal international sur le Rwanda, lors du jugement de journalistes rwandais, impliqués dans l'incitation au génocide de la population tutsi, décembre 2003) Il faut reconnaître que le poids des «grandes puissances» dans la fixation des agendas sur la scène politique internationale est décisif et sans appel. Un agenda des médias internationaux savamment manipulé Ce sont elles qui, à travers la «liberté d'expression» dictent, d'une manière, plus ou moins, directe, ce que les médias doivent considérer comme problèmes importants du moment, et donner à ces problèmes la place et la qualification propre à faire avancer les intérêts de ces «grandes puissances.» Des faits identiques donnent lieu à des qualifications différentes, suivant les besoins stratégiques ou tactiques du moment, et les appels aux sentiments d'humanité, comme à la haine, n'ont rien à voir avec la réalité des faits tels qu'ils se présentent sur le terrain des évènements couverts. 3.000.000 de morts peuvent passer inaperçus dans tel ou tel contexte, et un seul mort peut faire la une de tous les médias, lourds et légers, pendant des jours, si ce n'est des mois et même des années. Le génocide desRohingya à la Une Apparemment, les derniers «évènements» au Myanmar, dont la minorité Rohingya, est de nouveau la victime, ont brusquement pris la première place, après, évidemment, la crise dans la péninsule coréenne. L'aspect humanitaire de cette nouvelle flambée de violence, contre la minorité musulmane, a été souligné. Il est évident que, derrière ce renouveau d'intérêt pour la persécution de cette minorité qui, faut-il le rappeler, a commencé en 1962, il y a, sans doute, des calculs de haute stratégie, connus seulement des spécialistes et de ceux qui, d'une façon ou d'une autre, animent, en coulisse cette large couverture médiatique. S'agit-il, réellement, de protester contre cette persécution, qui va à l'encontre de tous les principes humanitaires dont se glorifient les civilisations avancées ? Ou assiste-t-on à un baroud d'honneur, sans impact visible sur la suite des évènements, et dont l'objectif serait plus de protéger la junte au pouvoir au Myanmar, et Aung San Suu Kyi, son égérie, tout de même titulaire du Prix Nobel de la Paix, cette fameuse «dame de Rangoon,» comme l'a qualifiée une publication algérienne? L'opinion publique internationale est-elle victime d'une vaste opération de manipulation dont l'objectif serait plus de justifier les actions du gouvernement militaire birman contre une minorité musulmane que de la protéger ? Dans une contribution, courte par essence, on ne peut pas se lancer dans une analyse de texte approfondie, passant en revue les thèmes répétés dans les articles, rapports, éditoriaux qui actuellement, pullulent sur tous les médias et prétendant proposer une analyse «objective,» et «sans biais,» de ces évènements sanglants, qui ne sont que des détails, si horribles soient-ils, d'un génocide planifié et dont l'exécution a commencé il y cinquante-cinq années de cela. On peut apparaître, particulièrement, sévère et soupçonneux à l'égard de professionnels des médias, dont beaucoup ne feraient que répondre aux directives de leurs rédacteurs en chef, et ne privilégieraient que certains aspects de cette «crise humanitaire, que parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement.» Le tort des Rohingya: être des musulmans dans un contexte d'islamophobie universel Est-on justifié dans cette sévérité et ces soupçons? Oui, car l'écrasante majorité des informations diffusées, et qui mettent l'accent sur la barbarie de l'armée birmane, reprend les arguments avancés par la junte birmane pour expliquer, non seulement, ses actions actuelles, qu'elle présente comme une campagne d'élimination de «terroristes,» mais, également, pour justifier son refus de reconnaître les Rohingya comme une minorité strictement birmane, et qui serait simplement composée de Bengladeshi ou de Chittagongués, infiltrés, illégalement, dans le pays, à partir de 1823. Il est vrai que les Rohingya, ne faisant que suivre l'exemple des 16 autres minorités non birmanes, en guerre contre le régime militaire depuis sept décennies, ont décidé, finalement de prendre les armes pour se défendre. Ce sont des musulmans, et par définition, un musulman n'aurait pas le droit d'utiliser la violence pour défendre sa liberté et sa dignité bafoués, car, alors il ne pourrait être qu'un fanatique se lançant, dans le jihad, à des fins exclusivement religieuses. Un musulman n'aurait, donc, pas d'autres droits, lorsque sa vie est mise en danger ou qu'il est menacé d'annihilation, que de se faire tuer en implorant son Créateur. Ce qui est permis aux chrétiens et autres minorités religieuses, en guerre contre le gouvernement de Mme ?la Prix Nobel de la Paix' birmane, serait considéré comme un crime infini lorsque des musulmans se battent pour leurs droits d'être humains. On ne saurait trop répéter que les Rohingya sont doublement victimes: en tant que minorité dans un pays largement bouddhiste, mais également comme musulmans dans un contexte d'hostilité générale, à l'égard de l'Islam, quel que soit le comportement de ses adeptes. Les Rohingya ont autant de droits historiques que les autres ethnies birmanes sur le sol du Myanmar Ici, il s'agira de rétablir la vérité historique concernant la présence des Rohingya, en territoire birman, et de rappeler qu'ils ne sont pas actuellement victimes d'opérations ponctuelles de maintien de l'ordre, mais que ces opérations se font dans le cadre d'une politique de génocide délibérée, planifiée, fondée sur des textes législatifs birmans, visant à effacer toute trace de cette minorité sur le sol de la Birmanie. Une très longue présence, historiquement prouvée, des Rohingya sur le territoire birman. On pourrait citer des sources arabes, persanes, et même portugaises et hollandaises, et dont certaines datent d'aussi loin que le 9ème siècle, qui prouvent que la région d'Arakan, d'où sont originaires les Rohingya, et située sur le Golfe du Bengale, a été visitée et peuplée par des musulmans, depuis plus de mille ans. On se restreindra, cependant, à citer comme références des auteurs anglais, qui ont noté la présence des Rohingya, appelés alors Rooinga, dans cette région, vers la fin du XVIIIème siècle, alors qu'ils préparaient la pénétration de la Birmanie, particulièrement riche en métaux et bois précieux, et même en pierres précieuses. Le premier Anglais des temps modernes qui a mentionné cette minorité est un médecin nommé Francis Buchanan, qui, en 1799 a écrit un article faisant le recensement des langues parlées en Birmanie, et intitulé : «Vocabulaire comparé de certaines des langues parlées dans l'empire birman» sur la revue «Asiatik Research», (pp. 219-240), revue publiée par la société savante du Bengale. Il écrit ceci (p. 237) : «Je dois ajouter trois dialectes, parlés dan l'Empire birman, le premier est celui parlé par les Mahometans, qui se sont installés depuis longtemps en Arakan, et qui s'appellent eux-mêmes Rooinga, ou natifs de l'Arakan...» Ensuite, le même auteur donne une centaine de mots du dialecte des Rohingya, dont la totalité, selon Gilchrist, linguiste anglais, consulté par cet auteur, n'a pas de rapport avec l'Hindoustani. (pp. 238-240) En 1815, c'est-à-dire huit années avant la première guerre de conquête de la Birmanie par la Grande-Bretagne, Walter Hamilton, fait publier sur le «East India Gazetteer,» (Calcutta) un long article, intitulé «L'Hindoustan et les pays voisins, l'Inde au-delà du Gange, «décrivant les différentes parties de l'empire birman et des peuples qui y habitent. Voici ce qu'il écrit, à propos des Rohingya, dans la rubrique consacrée à la province d'Arakan: «Les Mahometans, qui sont installés depuis longtemps en Arakan, s'appellent les Rooinga, ou habitants d'Arakan.» (p. 38). Le lieutenant anglais Phayre, assistant principal au Commissaire pour l'Arakan, a publié sur «Journal of Asiatic Society» ( Numéro 117, nouvelle série Numéro 133, pp. 679-711) une monographie détaillée intitulée : «Rapport sur l'Arakan.» Voici ce qu'il écrit sur les musulmans de cette province: «Les rois d'Arakan avaient des possessions tout le long de la côte, et aussi loin que Chittagong et Dhakka... Alors que les Arakanais occupaient ces territoires au Bengale, ils ont envoyé nombre des habitants vers l'Arakan, comme esclaves, d'où est descendante la population musulmane actuelle, qui forme environ 15% de tous les habitants. Les musulmans arakanais préservent la langue de leurs ancêtres pour le parler courant, mais utilisent toujours le birman comme langue écrite; ils ont aussi adopté l'habit traditionnel du pays, à l'exception du goung-boung ou couvre-chef.» (p. 681) Sont donc irréfutables les preuves historiques, écrites en leur temps, d'une longe présence des Rohingya en Arakan, bien avant la disparition de ce royaume indépendant en 1783, et son unification à la Birmanie, et bien avant l'occupation anglaise, qui a commencé officiellement en 1825, pour se terminer en 1947. Justifier le caractère apatride des Rohingya, et répéter la propagande de la junte birmane qui les traite «d'émigrés clandestins bengalais» venus s'installer sur le territoire birman lors de la colonisation britannique, ne trouvent pas de base dans les écrits d'administrateurs et de chercheurs anglais, qui n'avaient aucune raison de falsifier les faits qu'ils ont constatés sur le terrain, avant et après que leur pays ait colonisé ce territoire. Les Rohingya sont effectivement victimes d'un génocide Quant à la qualification de génocide que l'on peut donner, sans hésitation, à la politique suivie par les autorités militaires birmanes, depuis 1962, c'est-à-dire depuis cinquante-cinq années, soit quinze années après l'indépendance de ce pays, elle a fait l'objet de rapports de plusieurs chercheurs anglais et américains, et a reçu la certification du Musée de l'Holocauste de Washington, capitale des Etats-Unis. La liste des actions de la junte birmane, depuis sont accès au pouvoir, en 1962, établie par un rapport des experts de ce musée, permet de justifier l'affirmation selon laquelle les Rohingya ne sont pas seulement victimes de persécutions, plus ou moins spontanées, plus ou moins durables, plus ou moins violentes selon les périodes, mais d'une politique délibérée d'annihilation ayant sa base dans des textes législatifs et réglementaires birmans. Voici cette liste telle que compilée sur le rapport intitulé : «Burma Report» Ils veulent que nous partions, Les signes précurseurs d'un génocide en Birmanie»: - les politiques gouvernementales qui promeuvent la persécution et la violence qui a rendu la vie invivable aux Rohingya; - les discriminations gérées par l'Etat contre les Rohingya: - la ségrégation physique des Rohingya: - la séparation physique entre les Rohingya et les autres éthnies et groupes raciaux; - les discours racistes haineux par les autorités religieuses bouddhistes et les leaders politiques contre les Rohingya; - le refus de fournir les services publics de base aux Rohingya; - l'interdiction de voter appliquées contre les Rohingya; - la confiscation de l'identité même des Rohingya - la destruction de mosquées; les violences sexuelles contre les femmes Rohingya, le refus de laisser l'aide internationale distribuée à cette minorité, etc. etc . D'autres rapports, en anglais, établissent, de manière certaines, la politique de génocide menée contre les Rohingya. Parmi eux, il faut citer le rapport intitulé : «Compte à rebours vers l'annihilation, Le génocide au Myanmar,» rédigé sous l'auspice de l'organisme de recherche intitulé: «Initiative internationale sur le crime d'Etat,» (Londres, 2015) et le rapport intitulé: « La Persécution des Rohingya musulmans, Est-ce qu'un génocide est en exécution dans l'Etat de Rakhine? (Myanmar), Analyse légale, dont l'auteur est Allard K. Lowenstein. (Octobre 2015, Ecole de Droit de l'Université de Yale) En conclusion - Les Rohingya sont une minorité musulmane installée depuis des siècles dans le royaume d'Arakan, maintenant province de Rakhine, faisant partie, depuis 1783, de la Birmanie, présentement Myanmar; les preuves historiques sont nombreuses et qui témoignent de cette présence, datant de mille ans au moins. - La politique du gouvernement militaire, maintenant, déguisée en «démocratie à l'occidentale,» pour la consommation extérieure, a été, depuis le coup d'Etat militaire de 1962, l'élimination physique ou génocide, de la communauté Rohingya, sous prétexte que sa présence ne daterait que depuis la colonisation britannique, entre 1825 et 1947. - ce génocide a l'appui moral de «La Dame de Rangoon,» Prix Nobel de la Paix, ce qui fait d'elle une complice directe de ce crime condamné sans prescription, par la Convention internationale de 1948 adoptée par tous les membres de l'ONU, et qui permet l'intervention extérieure pour l'empêcher; - La titulaire du Prix Nobel de la Paix a failli à son rôle moral en couvrant de l'autorité que lui donne ce titre, le génocide du peuple Rohingya, dont le seul crime est d'être musulman dans une atmosphère quasi-internationale d'incitation à l'islamophobie. Faut-il lui enlever ce prix qu'elle ne mérite plus ? -Certains Etats, proches géographiquement de la Birmanie, comme l'Inde, pourtant membre du groupe des non-alignés et du groupe des 77, appuient la perpétuation de ce génocide de manière active, sur le plan diplomatique international, comme sur le plan interne. Faut-il dénoncer ces Etats ? Erdogan est le seul chef d'Etat musulman qui ait osé qualifié les crimes contre les Rohingya, perpétués par la junte birmane, de génocide. Quelles que soient les motivations de cette qualification, ne faut-il pas l'appuyer et demander une réunion urgente du Conseil de Sécurité et une résolution pour expulser la Birmanie des Nations unies, ouvrir une procédure judiciaire criminelle internationale contre Mme Aung San Suu Ky et les dirigeants militaires de la Birmanie ? Les communiqués «protocolaires» de protestation platonique ne suffisent plus. Il est temps que cette «fameuse communauté internationale» montre que, parfois, ce sont des motivations humanistes qui la font agir, et pas seulement des calculs géostratégiques indifférents aux valeurs morales. |
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