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3ème partis
Il ne fait aucun doute que de nombreuses sociétés, ne misant absolument sur la période de gel d'une année, n'ont pas jugé fondé de formuler l'option à la date indiquée, pour revenir à leur régime initial du réel, d'autant que la demande y afférente doit être déposée auprès du service d'assiette avant le 1er février de chaque année. De plus, cette option est valable et irrévocable pour un seul exercice d'une année, ce qui constitue encore une autre astreinte, d'autant qu'antérieurement le forfait était renouvelable tous les deux ans. Ceci ne manquera pas de provoquer un surcroît de travail autant pour les services que pour les contribuables et il n'est pas dit que le chiffre d'affaires de ces derniers va varier sensiblement pendant cette période particulièrement de deux ans et même si d'aventure, c'est le cas, il y a toujours possibilité de procéder à une régularisation, puisque le délai de prescription n'est pas dépassé. Cette limitation de période constitue à son tour une forme de restriction et en fait ce qui est donné d'une main et pour compenser il est repris d'une autre main, et ce avec une facilité déconcertante. 3ème incohérence relevée quant au fond: En analysant le régime de l'IFU, il apparaît nettement qu'il ne favorise pas du tout les PME régies sous le statut de société, parce qu'elles n'y disposent pas de la même marge de manœuvre comme sous le régime du réel. Il est possible de l'étayer à plusieurs niveaux comme suit: 1er niveau: le fait que l'IFU se calcule en principe sur le chiffre d'affaires qui s'avère une assiette très large par rapport à celle qui permet de dégager le résultat du bénéfice. Subsidiairement, l'IFU pose problème aussi bien aux sociétés qu'aux personnes physiques, lorsqu'elles sont amenées à créer une activité tout en ne bénéficiant d'aucun avantage, elles sont imposées d'office à cet impôt et dès la première année, alors que par expérience une entreprise ou une activité quelconque ne peut être rentable qu'au bout de la quatrième, voire la cinquième année. En effet, dans cet intervalle de temps, la société, pour réussir son activité et pour la mettre en route dans de bonnes conditions afin qu'elle soit effectivement opérationnelle, est amenée à dépenser et à investir, ce qui requiert, à l'évidence, un certain délai pour se réaliser avec tous les risques que cela comporte. De ce point de vue, l'IFU se corse à l'application, puisqu'elle ne garantit pas le filet protecteur, faute de possibilité pour investir, alors que l'acte d'investir leur est fondamentalement indispensable pour prospérer et pour être en position de compétitivité. Dans cette optique, l'activité avant même de commencer à s'exercer, elle se trouve manifestement en butte à certaines difficultés, parce que l'IFU est automatiquement dû, ce avant même que la société ou la personne physique ne commence à dégager un quelconque bénéfice. Cela donne lieu au juste à une sorte de pénalisation injuste qui est une manière de dissuader les sociétés ou les personnes physiques à se lancer dans la création d'activités économiques, ce qui peut tarir ainsi toute source de financement. 2e niveau: en matière de TVA, les PME en étant soumises à l'IFU se trouvent privées du droit de facturer la TVA comme également elles n'ont pas le droit de procéder à la récupération de cette taxe ayant grevé leurs acquisitions en tant qu'achats de matières premières et d'outils de modernisation et de production, comme les machines d'équipement industriel, etc. Une telle restriction ne manque pas d'avoir un impact très négatif sur la structure de leurs prix déterminant leurs marges bénéficiaires qui se trouvent dès lors réduites à leur plus simple expression. De même, les redevables acheteurs auprès des PME intervenant dans le secteur de production toujours soumises à l'IFU vont être pénalisés à leur tour et vont devoir forcément orienter leurs acquisitions plutôt auprès des redevables qui leur facturent effectivement la TVA pour maintenir normalement la chaîne des déductions, ce qui réduit tout autant le champ de clientèles des PME soumises à l'IFU. Dans ces conditions, toute la traçabilité de la TVA de l'amont à l'aval du processus des déductions se trouve ainsi entièrement rompue au détriment aussi bien des PME soumises à l'IFU qu'à leurs clients redevables de la TVA. 3e niveau: les sociétés qui étaient suivies au réel et placées systématiquement dorénavant sous l'emprise du régime de l'IFU n'ont plus le droit de procéder aux amortissements et aux provisions en cas de pertes possibles faute de tenue de comptabilité, même sommaire. C'est dire que les changements positifs qui marquent le dispositif de l'IFU ne semblent pas produire les effets escomptés en faveur des PME et c'est plutôt les effets inverses et négatifs qui se produisent. Ce faisant, au lieu de les encourager à créer la richesse, c'est une manière paradoxalement de les affaiblir et de les détourner de leur mission, celle consistant principalement à créer sur des bases comptabilisées la richesse pour contribuer à la croissance économique du pays. 4ème incohérence relevée quant au fond: L'article 136 du Code des impôts directs et taxes assimilées est formulé comme suit : « Art. 136 « Sont soumises à l'impôt sur les bénéfices des sociétés : 1) les sociétés quels que soient leur forme et leur objet, à l'exclusion : a) des sociétés de personnes et des sociétés en participation au sens du code de commerce, sauf lorsque ces sociétés optent pour l'imposition à l'impôt sur les bénéfices des sociétés. Dans ce cas, la demande d'option doit être annexée à la déclaration prévue à l'article 151. Elle est irrévocable pour toute la durée de vie de la société. » Le dernier membre de phrase ainsi souligné est édifiant en ce qu'il est antinomique avec ce qui prévu en matière d'IFU par la loi de finances pour 2015 et la loi de finances complémentaire pour 2015. En faisant l'exégèse de l'article 136 susvisé, il y a tout lieu d'admettre qu'il conserve au stade actuel toute sa valeur juridique, tant qu'il n'a pas été abrogé expressément et en toute légalité. Les PME en tant que sociétés peuvent s'en prévaloir valablement pour maintenir d'une manière irrévocable l'application de leur régime du réel, en observant à cet effet normalement les obligations ayant trait au dépôt de leur bilan à temps, au paiement dans les délais de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, de la TVA et de la TAP. Par conséquent, force est de constater que les PME en relevant du champ d'application de l'article 136 en tant que sociétés ne semblent pas être concernées a contrario par l'IFU, parce qu'elles ne peuvent pas relever concurremment des deux régimes d'imposition à la fois par deux textes au risque de porter atteinte au principe d'équité faisant partie des fondamentaux du droit fiscal. Or, les PME en tant que sociétés sont recherchées d'office depuis le 1er janvier 2016 en paiement de l'IFU sur la base strictement du dispositif de la loi de finances pour 2015 et de la loi de finances complémentaire pour 2015, faisant ainsi fi du principe énoncé par l'article 136 susvisé reconnaissant légalement aux sociétés constituées comme telles de conserver leur régime du réel. Il en résulte ainsi un double paiement au titre du droit commun et du régime exceptionnel de l'IFU, ce qui vise à pénaliser lourdement les PME en les plaçant ainsi directement dans une situation controversée notamment sur le plan financier. Au final, lorsqu'il s'agit pour les PME de chercher à régulariser le remboursement du trop-perçu qu'elles ont versé indûment à raison de l'impôt sur les résultats par suite de l'imposition à l'IFU, elles sont exposées par expérience à une véritable galère, en diligentant à cet effet toute une série de démarches auprès des services fiscaux et il n'est pas sûr qu'elles puissent en obtenir satisfaction. 5ème incohérence relevée quant au fond: La loi de finances pour 2015 modifiant l'article 282 sexés du CIDTA reconduit en ce qui concerne l'IFU, ce qui suit : « Art. 282 sexés. - Le taux de l'impôt forfaitaire unique est fixé comme suit : - 5%, pour les activités de production et de vente de biens. - 12%, pour les autres activités». Cet article appelle à l'examen deux observations d'importance suivantes : 1ère observation: En pointant le curseur sur le poids de la pression fiscale, force est de constater que : - d'une part, une lourde charge fiscale pèse davantage sur les PME du secteur de production par rapport aux activités de vente de biens dont les charges sont relativement moindres, - d'autre part, il est rare et sauf exception que la marge bénéficiaire des PME puisse atteindre les 5%, dès lors que le taux de 5% s'applique sur l'ensemble du chiffre d'affaires annuel et non sur le bénéfice réalisé, d'où il s'ensuit une sorte de distorsion insolite, - et enfin, de nombreuses sociétés si elles se trouvent recherchées en paiement de l'IFU, leur déficit déjà chronique risque de s'aggraver encore davantage. A l'appui de ce qui précède, en faisant la démonstration de calcul du taux de 5% sur le chiffre d'affaires ne dépassant pas le seuil de 30.000.000 DA, le montant décaissé est de 1.500.000 DA excédant dans ces conditions largement les limites de la capacité financière des PME. En effet, pour pouvoir être en règle au regard du paiement de l'IFU au taux de 5% calculé sur le CA, il appartient aux PME intervenant dans le secteur de production de réaliser, suivant les ratios et les paramètres de calcul établis, une marge bénéficiaire de l'ordre de 80% voire plus, alors que leur marge bénéficiaire se situe généralement en moyenne autour de 3% et ne dépasse pas généralement 4%, sauf exception. Toutefois, en supposant que le chiffre d'affaires annuel réalisé ne dépasse pas le seuil de 30.000.000 DA et même en considérant que le bénéfice maximum et exceptionnel atteint à raison de 4%, le montant qui en est dégagé se situe à 1.200.000 DA. Compte tenu du taux de 5% de l'IFU qui est calculé sur le chiffre d'affaires, il en résulte ainsi une perte sèche de 1.500.000 DA ? 1.200.000 DA= 300.000 DA. Par contre, si les 5% de l'IFU étaient appliqués sur les bénéfices calculés dans l'absolu à raison de 4% suivant du régime du réel, cela donnerait : 1.200.000 DA x 5% = 60.000 DA, d'où une différence en perte au titre de l'IFU de l'ordre de: 1.200.000 DA - 60.000 DA = 1.240.000 DA ce qui est considéré comme illogique. S'il faut ajouter encore les charges sociales, les PME se trouvent de la sorte aspirées par une forme de spirale sur le plan fiscal et social dont il est difficile pour elles de s'en affranchir au vu de leurs capacités fragiles, ce d'autant que jusqu'à présent elles n'ont aucunement bénéficié de la mise à niveau qui est restée depuis toujours en pointillé. Pendant un temps encore indéterminé, elles demeurent dans une période transitoire qui peut durer des années réputées blanches, en n'enregistrant aucun résultat et en se heurtant ainsi à tant d'obstacles, ce qui les empêche de progresser. Globalement l'impact de l'application de taux de 5% de l'IFU, en l'appréciant en termes de coût au niveau des PME, amplifie démesurément la base imposable et aussi paradoxale que cela puisse paraître plus leur chiffre d'affaires est faible et plus elles ont à subir des charges fiscales inversement plus élevées. D'ailleurs, ce poste de décaissement est considéré comme étant le plus lourd, ce qui n'est pas normal surtout pour les PME qui exercent dans le secteur de production pour lequel pourtant elles ont misé être gagnantes et ce qui est loin d'être accompli en réalité à ce tarif. C'est dire que la fiscalité constitue un sérieux élément de risque qui pèse fortement sur l'efficacité globale de leur activité, ce qui provoque du coup à leur niveau un malaise et une exaspération légitimes. En fait, le taux de 5% qui leur est applicable n'a d'autre but que de les pressurer fortement pour qu'elles soient dépouillées de ce qu'elles ont de plus précieux comme capital minimum consacré à faire prospérer leur activité et à leurs investissements, et ce au profit du Trésor et en fin de compte à leur préjudice. Or, un scénario de cet acabit contribue d'une manière inconsciente à tarir la source et il ne peut en être autrement, lorsque l'intérêt du développement des PME se trouve systématiquement sacrifié sur l'autel de l'objectif immédiat pour le réserver quasi exclusivement aux rentrées fiscales qui ne deviennent certaines dans ce cas. 2ème observation : L'exagération évidente de l'application du taux de 5% de l'IFU se recoupe avec certaines données factuelles comparativement avec ce qui se pratique au niveau du régime d'imposition des grandes sociétés en Algérie (1) et par rapport aux expériences de certains pays en ce domaine (2). a) Situation comparative sur le plan national : A noter que l'article 150-1 du CDTA énonce ce qui suit : « Art. 150-1). Le taux de l'impôt sur les bénéfices des sociétés est fixé à : - 19% pour les activités de production de biens ; - 23% pour les activités de bâtiment, de travaux publics et d'hydraulique ainsi que les activités touristiques et thermales à l'exclusion des agences de voyages ; - 26% pour les autres activités». Comme ces taux sont calculés sur la base du régime du réel qui implique que le résultat dégagé déduction faites des charges, il s'ensuit que le montant de l'impôt à payer s'avère bien inférieur à celui de l'IFU qui est calculé sur le chiffre d'affaires sans la moindre déduction des charges. En vérité, la fiscalité aboutit ainsi à deux poids et deux mesures et elle s'avère ce faisant fortement déséquilibrée en s'éloignant inexorablement de l'observation des principes fondamentaux d'égalité qui régissent l'impôt dans son essence. b) Situation comparative au regard des expériences dans le monde : La création des petites et moyennes entreprises connaît dans le monde un fort rythme de croisière qui ne passe pas inaperçu, à commencer d'abord dans les pays de la périphérie, pour prendre l'exemple de l'impôt forfaitaire applicable en Tunisie dont les deux taux retenus sont notoirement faibles, alors qu'ils couvrent les mêmes impôts comme en Algérie et sur la même base du chiffre d'affaires annuel selon la nature de l'activité. Ces taux sont rappelés, à toutes fins utiles, comme suit : - 2% pour les activités d'achat en vue de la revente et les activités de transformation, - 2,5% pour les autres activités. A suivre (*) Ex-Expert international en fiscalité auprès des Organisations internationales et auteur d'ouvrages traitant des problématiques en fiscalité |
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