|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
La Loi sanitaire institue le cadre juridique où sera réaffirmé le droit des citoyens à la protection et la promotion de leur santé, où les relations, d'une part entre les différents professionnels de la santé, et d'autre part, entre les différents professionnels de la santé et le malade, sont définies. De part, le cadre juridique, le patient, au lieu d'être un acteur passif, sera un acteur actif, avec le droit d'être informé, d'être accueilli dignement, et de recevoir des soins, conformes aux données actuelles de la science. Pour bien saisir les enjeux de la Loi sanitaire, comme cadre juridique, indispensable pour la réforme du système de santé, je me dois de revenir sur certains aspects négatifs de notre système de santé. Les rappeler c'est comprendre comment la loi sanitaire intervient pour les corriger. Depuis le début des années 90, notre système de santé est décrié, par l'ensemble de la population. Il est soumis à des critiques, non sans fondement, de par son incapacité à prendre, correctement, le patient et l'inégalité dans la prestation, dans le secteur. Quant au privé, il a évolué comme un système parallèle. Ces carences, malgré un budget du secteur, en constante évolution, se résument à un dysfonctionnement dû à une organisation anarchique, à un système de gestion des établissements de santé obsolète, et un défaut de rationalisation et optimisation des dépenses. En 2003, le rapport préliminaire du Conseil national de la réforme hospitalière énonçait les objectifs suivants : - Recentrer et adapter le dispositif d'offre des soins et hospitalisation, aux besoins de santé du citoyen en s'appuyant sur un système d'information performant. - Donner aux professionnels de santé, quels que soient leurs statuts et leurs responsabilités, les moyens de répondre, efficacement, aux besoins sanitaires et sociaux. - Réaffirmer les obligations contractuelles de tous les intervenants, dans la santé des citoyens. - Affirmer les droits et les devoirs des usagers et la protection des malades en particulier. - Assurer les ressources financières nécessaires au bon fonctionnement des établissements de santé. - Améliorer l'efficacité des dépenses consacrées par les collectivités sous quelque forme que ce soit. Personnellement, lors d'une conférence faite au GRAS, puis à l'IDRH et publiée par Le Quotidien d'Oran', en 2012, intitulée : «50 ans d'indépendance : bilan et perspective du système de la santé, en Algérie», après analyse de ses difficultés, j'avançais des pistes pratiques pour son amélioration, à défaut d'une reforme en profondeur : -La hiérarchisation où le médecin généraliste soit à la base du système de santé. Ainsi devient-il le médecin référent. -L'élaboration d'un cahier de charges, pour toutes les structures publiques et privées, sur la base de la hiérarchisation. -Je rappelais, lors de cette conférence que le médicament est un produit stratégique, assurant la bonne santé des citoyens, c'est pourquoi l'Etat doit être vigilant par son implication, dans la régulation du marché. L'Etat se doit de favoriser la production nationale et la prescription du générique. - En 2012, j'écrivais, vu que le financement du système de santé, en grande partie, par l'Etat, pouvait se heurter à des difficultés, en cas de baisse des hydrocarbures. C'est pour cela que deux pistes s'offraient : promouvoir l'efficience par l'organisation et la structuration rationnelle du système de santé, éviter les gaspillages et trouver d'autres sources de financement. - La régionalisation, la carte sanitaire, l'inter-sectorisation donneront une dimension stratégique d'efficacité du système de santé. - Enfin, la formation est l'un des facteurs de la réussite d'un système de santé. Ces propositions étaient partagées par de nombreux professionnels de la santé, des économistes de la santé et des anthropologues de la santé, bien sûr, avec des nuances. Les divergences concernaient certains aspects fondamentaux de notre système de santé réformé. Faut-il ou non abolir la gratuité des soins ? Faut-il un secteur privé complémentaire du secteur public et régulé par l'Etat, ou répondant, uniquement, aux lois du marché ? Faut-il abolir «le temps complémentaire» pour les médecins du secteur public ? Ou non, quoique cette divergence relevait, plus, d'une conception corporatiste plutôt que de fond. Pour aplanir ces divergences et mettre en application les propositions de réformes, il faudrait une loi-cadre consensuelle. C'est le projet portant sur la loi sanitaire, proposé par le ministère de la Santé, après un large débat, qui répond à cette exigence. Depuis que ce projet est porté à la connaissance des professionnels de la santé et des associations de la société civile, des détracteurs lui reprochaient de mettre fin à la gratuité des soins, de démanteler le secteur public, ou tout au moins de l'affaiblir, au profit du secteur privé, ou alors de favoriser un «lobby» en maintenant «le temps complémentaire». Qu'en est-il vraiment ? Avant tout commentaire, il me semble intéressant de rappeler les grands axes traités dans ce texte, qui comprend 470 articles, répartis en 9 titres, se rapportant : 1- Principes et dispositions générales, comprenant 3 chapitres, définissant les bases essentielles du système de santé, les dispositions générales, l'obligation de l'Etat en matière de santé, et droits et obligations des patients. -Protection et prévention en santé Protection des malades atteins de troubles mentaux ou psychologiques. -Organisation et financement du système national de santé -Professionnels de santé -Produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux -Ethique, déontologie et bioéthique médicales -Dispositions pénales -Dispositions particulières, transitoires et finales. L'on constate qu'à travers ces 9 titres l'ensemble des volets du système de santé est abordé. Dans l'exposé des motifs, sont tracés, sans ambiguïté aucune, les principes qui fondent notre système de santé. - La gratuité des soins qui constitue un acquis essentiel, préservé, réaffirmé et mis en œuvre à tous les niveaux. - L'universalité, l'égalité d'accès aux soins - La solidarité, l'équité et la continuité du service public de santé. - La hiérarchisation des structures et des soins - La décentralisation et l'inter-sectorialité - L'évaluation et le contrôle «Ainsi l'Etat fonde sa politique et son système national de santé sur les principes de la protection, la prévention et la promotion de la santé». A la lecture du texte, on note clairement, qu'il n'y avait, aucune crainte, pour la gratuité des soins. Il répond, sans ambiguïté à ceux qui émettent des doutes à ce sujet. Le maintien de la gratuité des soins et exprimé, avec précision, dans l'exposé des motifs. Et l'article 12 énonce «l'Etat assure la gratuité des soins, en garantit l'accès, à tous les citoyens». Il est vrai comme l'a noté un journal national que l'article 246 énonce «les bénéficiaires de soins peuvent être appelés à contribuer au financement des dépenses de santé, dans le respect des dispositions de la présente loi». Cette article, qui peut prêter à confusion, est cadré par l'énoncé à sa fin «dans le respect des dispositions de la présente loi», laquelle est claire, dans son article 12. Enfin il est important de souligner que dans tous les systèmes de santé, dans le monde, même les plus sociaux, n'est pas exclue la participation des ménages, au financement de la santé. L'important et que ce taux soit le plus bas possible. Lors d'une contribution précédente, j'écrivais que la gratuité des soins constitue un défi pour notre système de santé. Et l'on ne peut que se féliciter qu'elle soit défendue par ce texte. Le deuxième point soulevé par les détracteurs du projet de loi est le risque de démantèlement du secteur public. Une lecture clairvoyante du texte, note, bien au contraire, une réponse aux revendications de tous ceux qui ont à cœur, le renforcement du secteur public, en mettant fin à son dysfonctionnement actuel. Ceci, par la définition de la hiérarchisation, la carte sanitaire et l'inter-sectorialité, et la mise en place de réseau. Il serait trop long de citer tous les articles se référant à la nouvelle organisation du système de santé, mais pour plus de clarté, j'en citerai deux phares. Dans le chapitre relatif à l'organisation du système de santé, l'article 174, stipule : le système national de santé s'appuie sur : (l'on citera) - Une planification sanitaire qui organise une répartition équitable, aux niveaux national, régional et local. - L'inter-sectorialité dans la mise en œuvre de la politique nationale de santé. Pour la mesure, constituant l'une des bases du système, la carte sanitaire, l'on citera l'article 177, «la carte sanitaire constitue le schéma directeur de la santé. Elle fixe les normes de couverture sanitaire et détermine les moyens à mobiliser, aux niveaux national et régional en tenant compte, notamment, du bassin de population, des caractéristiques épidémiologiques, sanitaires, géographiques, démographiques et socio-économiques, afin d'assurer une répartition équitable des soins de santé. Les objectifs de la carte sanitaire sont énoncés dans l'article 178, entre autres ; il s'agit de définir l'organisation du système de soins et de fixer les conditions de mise en réseau des établissements de santé. La carte sanitaire détermine l'implantation, la nature, l'importance des installations sanitaires, y compris les équipements ainsi que les activités de soins, nécessaires pour répondre aux besoins de la population. Elle fixe, également l'organisation sanitaire, au niveau régional, ainsi que les réseaux de prise en charge des besoins particuliers en santé. L'on a pu constater que dans beaucoup de wilayas, les élus, au nom de leurs administrés, exigent de l'Etat l'édification d'hôpitaux ou même de CHU. Le projet de loi sanitaire vient remédier à cette situation, de manière rationnelle. L'article 180 énonce que : la création des structures et établissements de santé, ainsi que les établissements et institutions concourant à la santé et les organismes de santé se fait selon les besoins de santé de la population, les nécessités de développement, les caractères sociaux économiques des différentes régions, les normes définies dans le cadre de la carte sanitaire et le schéma d'organisation sanitaire. L'organisation est indispensable, mais faudrait-il, pour une meilleure maîtrise, qu'elle soit évaluée. C'est l'évaluation et l'audit, qui permettront de mettre en œuvre la contractualisation. Dans l'article 209, on peut lire que «le financement des établissements publics de santé, s'effectue sur la base de contrats d'objectifs et de performances, signés avec les services compétents du ministère chargé de la Santé? Chaque structure et établissement publics sont tenus d'établir des contrats et des projets de services, dans le cadre du projet d'établissement. Le 3ème point soulevé est la place du secteur privé. Celui, on l'a déjà dit, s'est développé très rapidement, mais d'une manière anarchique et comme un système parallèle à celui public. Le projet de la loi sanitaire contribue à l'intégrer d'une manière cohérente, dans le système de santé. Il n'est ni exclu, ni favorisé, comme le disent les uns et les autres. Dans plusieurs chapitres et articles, aussi bien que dans les motifs, la complémentarité entre le secteur public et celui privé est énoncée, avec force. Tout comme le secteur public, le privé sera soumis aux textes de lois, tant dans la création de structures que dans son cahier de charges. L'article 214 stipule : la création de structures et d'établissements privés de santé doit répondre aux besoins de la population et aux normes définies par la carte sanitaire et aux priorités fixées par le schéma d'organisation sanitaire national et régional. Quant à l'article 215, il souligne que la conversion totale ou partielle d'une activité est soumise à l'autorisation du ministère. Enfin, l'article 219, reconnaît, au privé, la possibilité d'être appelé à assurer la mission de service public de santé, laquelle serait à la charge de l'Etat (article 220). Le 4ème point, sujet à polémique, est «le temps complémentaire». Dans l'exposé des motifs du projet de loi sur la santé, la suppression de celui-ci est, clairement, annoncée et confirmée, dans l'article 254. A ce sujet rappelons certaines vérités connues. La décision du «temps complémentaire» a été prise pour répondre à la revendication salariale, principalement, des hospitalo-universitaires. Cependant, ce fut une mauvaise réponse à un vrai problème posé. Or, il n'a bénéficié, au point de vue financier, qu'à certaines spécialités, surtout chirurgicales, et en plus dans les mêmes spécialités à une infime partie des personnels. A court terme, il va être dévoyé, avec, le plus souvent, des conflits d'intérêts. D'ailleurs, dès les premières années de sa pratique, le Conseil national de la réforme hospitalière notait, dans son rapport préliminaire (5 septembre 2003) : «La complémentarité entre le secteur public et le secteur privé a été pervertie par le temps complémentaire. Ce temps complémentaire ne bénéficie qu'aux seuls personnels que l'on choisit et accentue les inégalités entre les personnels». La contractualisation et le cahier de charges permettront, à coup sûr, d'avoir un vision nouvelle du temps complémentaire, dans le cadre d'un système national de santé, modernisé, organisé et rationnalisé. Dans cette contribution, j'ai souhaité soulevé les quatre points qui semblent être sujets à polémiques. Cependant, avant de terminer, je voudrais citer quelques chapitres qui constituent une véritable avancée du système national de santé, se projetant dans un projet de société moderne, surtout dans la dimension sociale de la santé. D'abord la psychiatrie, qui a été le parent pauvre de notre système de santé, occupe une place importante dans le texte. 35 articles lui sont consacrés, traitant, d'une manière complète, le droit de ces malades. On cite l'article 132 qui souligne «la nécessité de soins de réadaptation et de réinsertion sociale.» Dans le chapitre traitant de la protection de la santé de la mère et l'enfant, l'article 77 insiste sur la planification familiale, laquelle constitue une priorité de la santé publique. Pour ce qui est de la protection de la santé des personnes en difficulté, l'article 94 intègre «les mères et les femmes en situation de détresse psychologique et sociale» et dans l'article 97, l'Etat encourage la participation, dans ce domaine, du mouvement associatif. La protection de l'environnement est intégrée, largement, et l'article 111 insiste sur l'engagement de l'Etat. Je terminerais par la lutte contre le tabagisme, fléau social, pourvoyeur de cancers. Le texte de la loi sanitaire offre, ainsi un cadre légal pour l'application du premier axe stratégique du plan national cancer (2015-2019), améliorer la prévention contre les facteurs de risque avec Focus : le Tabagisme. Pour conclure cette contribution, je dirais que, maintenant, nous avons un projet qui sortira notre système de santé de son marasme, ajouté à cela l'acquisition de structures et d'équipements modernes, tant dans le public que le privé, qui ne peuvent être, comme précisé dans le texte, que complémentaires, la formation soutenue des médecins et paramédicaux, et enfin le plan national cancer (2015-2019) qui trouve, là, un cadre idéal pour sa réussite. Aucun texte de loi, de par le monde, ne peut atteindre l'idéal. Tout texte est perfectible par son amélioration continue au contact des réalités du terrain, mais aussi par la nécessité d'un consensus. C'est un texte qui engage la santé du peuple. C'est pourquoi, il doit être porté sur les élus du peuple, les politiques, les syndicats et la société civile. On ne cessera, jamais, de répéter que la santé est un facteur de cohésion sociale. C'est pourquoi, il faut l'élever au-dessus des contingences idéologiques, politiques et partisanes. |
|