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Leurs chaussettes sèchent à la fenêtre d'un conteneur en bord de mer, à
l'intérieur duquel résonnent leurs conversations radio en français ou en
anglais. Mais officiellement, il n'y a «pas de forces spéciales françaises au
sol» en Libye. Pourtant, sur le terrain, des agents français et britanniques
opérant en civil sont bien présents depuis plusieurs semaines aux côtés des
rebelles sur le front Est. Arborant pour certains une
barbe fournie, ces hommes sont installés dans l'enceinte de la
raffinerie à l'arrêt de Zuwaytinah, le long des côtes
aux eaux turquoises du golfe de Syrte. A environ 150 kilomètres au
sud-ouest de Benghazi, la capitale de la rébellion dans l'est du pays, la
raffinerie s'étend sur plusieurs kilomètres de plaine désertique. Un centre de
commandement rebelle, sous les ordres du commandant Fawzi
Boukatif, a été aménagé dans l'un de ses bâtiments
annexes, au bord d'une piste d'atterrissage désertée. Au moins deux Français
travaillent discrètement sur place, dans un conteneur posé à l'arrière de la
bâtisse, équipé de puissants moyens de communication. Radio en main, ils
sortent parfois de leur abri de plastique blanc pour se griller une petite
cigarette, et discuter en anglais avec des collègues britanniques qui occupent
le conteneur voisin. L'un des Britanniques, le teint pâle rougi par les coups
de soleil et dont la barbe rousse ne fait guère illusion au milieu des rebelles
au teint mat, est vêtu d'un banal tee-shirt et d'un pantalon treillis couleur
sable. Ces hommes étaient déjà présents sur place il y a trois semaines, avait-on
constaté. Mais impossible alors de confirmer à 100% leur nationalité.
Leur rôle ne fait visiblement guère de doute : un travail de renseignement et de guidage des bombardements aériens de l'Otan. Leur affiliation reste néanmoins à préciser : membres du Commandement des opérations spéciales (COS) pour les Français, ou commandos SAS pour les Britanniques, dont la présence sur le sol libyen suscite aujourd'hui de nombreuses spéculations. Ils n'ont que quelques pas à faire pour visiter le QG du commandant rebelle Boukatif, une vaste salle radio aux murs couverts de cartes d'état-major et de photos satellites. C'est de ce PC opérationnel que les rebelles ont géré la bataille de Brega, cité pétrolière à 90 km plus à l'ouest, d'où les forces pro-Kadhafi ont été délogées avec difficulté, avec le soutien des raids aériens de l'Otan. Après la prise de Tripoli par la rébellion, les gouvernementaux ont reculé de plus d'une centaine de kilomètres vers l'ouest pour s'arrêter à Ben Jawad, à 140 km à l'est de Syrte, ville natale et bastion de Muammar Kadhafi. Le commandant Boukatif se préparait mercredi à déménager son PC opérationnel de Zuwaytinah vers la localité d'Aqaylah, à 160 km plus à l'est, et plus proche du nouveau front de Ben Jawad. Paris, Londres et Washington ont engagé le 19 mars des frappes aériennes en Libye, qui se sont ensuite poursuivies sous commandement de l'Otan, sous mandat de l'ONU. Depuis fin avril, le Royaume-Uni, la France, l'Italie, l'Egypte et les Etats-Unis ont reconnu avoir envoyé des conseillers militaires auprès du CNT, l'organe politique de la rébellion. Officiellement cependant, il n'y a «pas de forces spéciales françaises au sol» en Libye, selon le président français Nicolas Sarkozy. Le gouvernement britannique est sur la même ligne avec ses fameux SAS. Au fur et à mesure du conflit, leur présence sur le théâtre est néanmoins devenue un secret de Polichinelle. A Zuwaytinah, la vue d'un photographe ne provoque d'ailleurs guère d'énervement chez les commandos français. Selon un récent article du New York Times, qui citait une source au sein de l'Alliance atlantique, la participation de forces spéciales françaises et britanniques aux opérations en cours est «assez importante», en particulier dans la coordination des moyens aériens. Le ministre britannique de la Défense, Liam Fox, a reconnu jeudi sur la chaîne privée Sky News que l'Otan participe à la traque du colonel Kadhafi en fournissant «des renseignements et des équipements de reconnaissance». Enfin, selon le quotidien Daily Telegraph, des membres des SAS ont «joué un rôle clé dans la coordination de la bataille de Tripoli». |
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