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La
chute d'un dictateur est un évènement heureux. Celle du despote libyen en est
un, qui devrait normalement réjouir tous ceux qui, dans le monde arabe, luttent
pour instaurer la démocratie et l'avènement de régimes respectueux des règles
de celle-ci. Or, ce qui s'est passé et se déroule en Libye a de quoi les
inciter à tempérer le sentiment de réjouissance que l'effondrement de son
régime a suscité en eux dans un premier temps.
C'est que le scénario qui a conduit à la chute de Kadhafi et de son régime est tout sauf celui d'une révolution populaire appelée à inaugurer en Libye une ère nouvelle qui va apporter au peuple de ce pays les bienfaits de la démocratie et les libertés citoyennes dont la dictature déchue l'a privé pendant quarante-deux ans. Il apparaît avec une clarté aveuglante que les évènements qui ont conduit à la chute de Kadhafi et de son régime ont été planifiés, non par des « révolutionnaires libyens », mais par des acteurs étrangers mus par des calculs et visant des objectifs dont les Libyens perceront tôt ou tard la nocivité pour leur pays. De sombres perspectives se profilent pour la Libye débarrassée de la dictature de Kadhafi. Car ceux qui, à Paris, Londres et Washington, ont planifié et engagé les moyens pour atteindre ce but sont des apprentis sorciers qui ont pris le risque d'ouvrir pour ce pays un processus de recomposition dont la maîtrise leur échappera inéluctablement. Instaurer la démocratie est une intention louable dont les puissances étrangères impliquées dans l'intervention contre le régime de Kadhafi se sont réclamées. Ce n'est pas ce à quoi leurs interventions antérieures en Irak et en Afghanistan ont abouti. Dans ces pays, elles se sont soldées par des caricatures de régimes démocratiques et au renforcement des forces antidémocratiques dont elle a légitimé le combat contre eux. Dans le cas de la Libye, les parrains étrangers de la rébellion anti-Kadhafi n'ont pas été regardants sur la nature des forces composant celle-ci. Ils sont allés jusqu'à accepter de sponsoriser et d'aider des « rebelles » dont ils savent, en tout connaissance de cause, que le projet de société pour lequel ils combattent est la négation absolue de l'idéal démocratique. En le faisant, ils les ont mis en situation de confisquer à leur profit le bénéfice de la chute du dictateur libyen et de son régime. Paris a beau vouloir garder la main sur le déroulement des évènements en Libye pour s'assurer que l'après-Kadhafi s'installe selon le plan conçu par l'Elysée et le Quai d'Orsay, la confusion jetée par l'effondrement du régime de Kadhafi et celle qui règne dans les rangs mêmes des « vainqueurs » feront que le contrôle et la maîtrise de la situation post Kadhafi leur échapperont inéluctablement. S'ils ont cru que la fin du régime de Kadhafi se conclurait par leur mainmise sans difficulté sur la Libye et ses richesses, ils déchanteront très vite au vu de la situation créée par leur intervention. Plus que jamais, les démocrates arabes se doivent de refuser d'être les jouets de puissances et d'intérêts qui se jouent cyniquement de leur aspiration à la liberté et à la démocratie. |
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