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La valorisation de la
recherche publique menée par des chercheurs au sein d'institutions publiques
(Universités et centre de recherche) et financée sur budget de l'Etat a fait et
continue de faire l'objet de nombreux débats.
La quête d'efficacité et d'efficience dans les dépenses publiques, en l'occurrence le financement public de la recherche scientifique ne cesse en effet d'interpeller les policy makers car «dans une économie du savoir, où la compétition internationale se joue sur l'exploitation de la «matière grise», la valorisation de la recherche est un enjeu fondamental de la compétitivité dans la mesure où elle est au cœur des processus d'innovation»(1) et d'orientation des politiques publiques. De nombreux rapports et études ont été consacrés à ce concept de «valorisation» de la recherche scientifique. C'est dire l'importance que revêt cette problématique. Dans une tribune publée dans le quotidien français le Monde en date du 20 septembre 2021, le Professeur de sciences de gestion Jean-Philippe Denis proclamait : «La valorisation de la recherche doit être remise en haut de l'agenda politique et scientifique», pour promouvoir les savoirs en sciences exactes mais aussi dans les sciences humaines et sociales qui constituent un puissant levier de compétitivité. Qu'en est-il en Algérie ? Pour bien éclairer le lecteur commencons débord par définir cette notion de valorisation de la recherche. La valorisation signifierait littéralement, donner de la valeur aux résultats de la recherche. «La valorisation de la recherche consiste à augmenter la valeur des résultats de recherche et de développement» (wikipedia) Elle est aussi définie comme «l'ensemble des activités ayant pour but d'augmenter la valeur des résultats de la recherche et, plus généralement, de mettre en valeur les connaissances». La valorisation est ainsi le fait de donner une valeur ajoutée aux activités courantes de la recherche et à ses résultats en lui conférant, d'une part, une valeur d'usage qui veut dire la rendre opérationnelle, et d'autre part une valeur d'échange, qui consiste à commercialiser les connaissances, les compétences et les résultats de la recherche.(2) Par conséquent la valorisation vise à mettre en valeur, commercialement ou non, les savoirs et savoir-faire des chercheurs ainsi que les résultats de leur propre recherche. La valorisation peut être ainsi divisée en deux grands champs : - D'une part, celui de la valorisation financière ou économique, qui correspond à l'exploitation commerciale de la recherche et de ses résultats (commercialisation et transfert); - D'autre part, celui de la valorisation sociale de la recherche, qui correspond au développement et à la diffusion, à partir de travaux de recherche, de solutions ou d'applications pratiques destinées à améliorer une situation ou à résoudre des problemes socioéconomiques. (Ce deuxiemme volet est sans plus representatif de la recherche en sciences économiques et sociales.) La valorisation sociale n'exclut pas la possibilité de retombées économiques, mais sa première finalité n'est pas la commercialisation. La valorisation «offre la possibilité de tirer le meilleur parti de l'engagement de l'Etat en faveur de la recherche en faisant en sorte que la société bénéficie des résultats de cette recherche». Ceci étant, les critères de la valorisation de la recherche scientifique sont nombreux autant pour les sciences exactes que pour les sciences humaines Certains auteurs ont préconisé «un carré organique de la valorisation de la recherche» (3), à l'intar du célebre carré magique de Kaldor pour évaluer l'efficience des politiques économiques (taux de croissance économique, inflation, taux de chomage, solde de la balance des payements). Il s'agit dans le contexte de la valorisation de la recherche scientifique «d'appliquer au travail scientifique des objectifs et des critères d'évaluation nouveaux, non plus uniquement fondés sur la large diffusion de connaissances fondamentales (cf. les publications) mais sur la rentabilité du travail scientifique», en termes d'impact sur le développement economique et la résolution des problèmes sociaux. Ce qui suppose alors «un décloisonnement du travail scientifique et des liens interactifs, systémiques et cumulatifs entre la science (dont le but originel est d'accroître la connaissance des faits naturels et sociaux), la technique (création d'objets, domaines de l'invention) et l'économie (le marché sanctionne, évalue). La présence et/ou la nature des liens entre ces facteurs (science : stratégie universitaire; technique : progrès technique; économie : milieu économique et esprit d'entreprise) permet alors d'expliquer les résultats en matière de valorisation de la recherche publique. Ces relations sont régulées par l'intervention publique (la réglementation, les incitations) qui met l'accent sur le renforcement du caractère opérationnel économique et technologique de la science». Ce «carré organique» fournirait ainsi une méthode d'analyse de la valorisation à l'échelle d'une économie ou d'un établissement qui facilite les comparaisons nationales (entre universités et centre de recherche) et internationales. Qu'en est-il en Algérie ? Commencons par souligner l'évolution considérable du nombre de laboratoires publics de recherche scientifique et effectifs de chercheurs. Selon des déclarations récentes apportées par le Premier ministre M.Benabderrahmane (26 mars 2022) Le nombre de laboratoires de recherche a atteint fin 2021, 1661, le nombre de centres de recherche 29, auxquels s'ajouent 43 unités de recherche, 24 stations d'expériences, en sus d'un nombre de plateformes technologiques, de plateformes techniques et d'incubateurs. L'encadrement des ressources humaines a connu lui aussi une forte évolution marquée notamment par l'augmentation du nombre d'enseignants membres des laboratoires de recherche, qui de près de 8.000 enseignants chercheurs en 2000, il s'est élevé à presque 40.500 enseignants à la fin de 2021. On peut dire donc qu'il existe en Algérie, formellement du moins, une infrastructure de recherche assez appréciable et qui ne cesse de s'élargir, en termes de nombre de laboratoire et de ressources humaines. Qu'en est-il de son apport au développement socio-économique national, autrement dit qu'en est-il de la valorisation de la recherche menée au sein de ces infrastructure publiques de recherche ? Quand pourrait-on entendre dire par nos gouvernants, que grace aux efforts conjugés, de compréhention, de conceptualisation, et de théorisation, réalisés par des chercheurs algériens au sein de labos et de centres de recherche nous avons pu totalement réorganiser productivement nos parcours steppiques, à titre d'exemple... et les exemples sont à multiplier. Quelle a été la part de l'autofinancement de nos laboratoires et centres de recherche qui exprimerait l'évolution de ressources propres dues à leur intervention contractuelle avec le secteur économique (administrations publiques nationales, régionales et locales, entreprises publiques et privées... souscription pour des projets de recherche internationaux...) ? A notre connaissance aucun bilan chiffré n'est disponible. En l'absence d'un tel bilan et suivi, on ne peut que spéculer et considérer les points de vue des spécialistes et d'observateurs avertis dans ce domaine. On ne fait pas de la recherche pour le plaisir de faire de la recherche financée sur fonds publics. Il est temps de s'interroger sur les retombées de cette recherche sur le développement socio-économique national. L'Etat et ses démembrements (wilayates, collectivités locales, organismes étatiques) en Algérie ne peuvent formuler des politiques publiques rationnelles et efficientes en phase avec les besoins socioéconomiques et se départir de la prédominance de l'empirisme dans la prise de décision publique que sur la base d'orientations scientifiquement établies, qui, en l'absence d'un grand ministère de la Planification economique nationale (planification indicative) ne peut provenir que des centres et laboratoires de recherche publics. Ce qui pose la question de la valorisation de la recherche qui est quasiment occultée en Algérie, alors que sous d'autres cieux, la mission de valorisation est érigée au rang de mission cardinale de la recherche publique. Pour le professeur Abdelkader Djeflat (4), la non valorisation de la recherche peut être considérée comme une deuxième forme de fuite des cerveaux interne après celle de l'expatriation. «Il existe deux fuites du capital humain l'une externe: celle des compétences qui s'expatrient ou ne retournent pas après leur formation (brain drain) et l'autre interne : la non valorisation des compétences disponibles au niveau national. Les financements publics doivent avoir une visbilté en termes d'impact socio-economique. Les universités et les centres de recherche sont tenus comme dans le cas des entreprises privées au retour d'investissement. L'augmentation de la production scientifique (les nombreuses revues existantes dans toutes les universités algériennes (dans la seule faculté des sciences économiques de Tlemcen, on compte 6 laboratoires chacun ayant sa propre revue) avec le nombre élevé de publications par les chercheurs affiliés ou non à ces laboratoires (la pression exercée sur les chercheur par le «publish or perish), est-elle accompagnée par des efforts de valorisation de la recherche scientifique supposée se dérouler dans ces laboratoires ? Quel a été l'impact de cette recherche sur l'amélioration de l'efficience des politiques publiques, sur la résolution des nombreux problemes sociaux...l'auteur de ces lignes a suggéré à un laboratoire de recherche sur le développement local de s'impliquer dans l'élaboration de plans stratégiques de développement local pour les communes d'une wilaya... sans suite (5), et ce qui est considéré comme recherche accadémique se réduit à la publication d'articles sans suite opératoire. Des observateurs avertis de la société algérienne (6) ont bien noté «La déconnexion de la recherche scientifique, de l'environnement économique et social du pays... sans impact concret sur le développement et la société algérienne... Des partenariats qui, pour diverses raisons, n'ont jamais pu aboutir...» La recherche scientifique semble s'exercer ainsi en vase clos et ne développe aucune synergie avec les entreprises (publiques et privées) et autres centres d'intérêt (Ministères, organismes publics et privés confrontés à des problèmes d'aménagement des territoires régionaux ou locaux, de problèmes environnementaux, d'attractivité des investissements,...), et de faits sociaux (harga, habitat (gestion chaotique du logement social, du marché locatif...), gestion des déchets solides et liquides (nos villes et villages sont devenus des dépotoirs), la valorisation du patrimoine public, qui posent problème en Algérie et dont l'appréhension nécessite des connaissances nouvelles et des orientations rationnelles de prise de décisions publiques que seule une recherche académique à finalité opératoire peut fournir. Ceci ne veut pas dire que les laboratoires et les centres de recherche devraient se transformer en centres d'expertise et d'engineering, même si cela ne doit pas être exclus pour répondre à la demande nationale (la facture en devise fortes payées par l'Etat pour s'assurer ces services est considérable, de l'ordre de plus de 10 milliards de dollars annuellement). La valorisation de la recherche au développement devrait selon de nombreux spécialistes (7) imposer des programmes liant les institutions de recherche et les secteurs, avec la mise en œuvre de mesures incitatives (fiscales et autres). Les missions des institutions de recherche (laboratoires universitaires et centres cde recherche) et secteur économique seront ainsi reliées. La recherche entreprise peut apporter une aide à la décision publique, évaluant risques et avantages des options offertes aux pouvoirs publics. Toute recherche ne peut par conséquent être valorisée qu'en répondant à des objectifs socioéconomiques. Tous les pays émergents sans exception ont suivi cette voie pour moderniser leurs économies et leur environnement. Pour conclure cette modeste contribution, où nous n'avons fait qu'effleurer ce vaste champ de la recherche scientifique et de sa valorisation, où nous voulions surtout mettre en exergue ce concept de valorisation qui semble être assimilé chez nous, à tort, nous semble-t-il, au concept de «visibilité» qui est appréhendé en termes de nombre de publications réalisées par les chercheurs affiliées aux laboratoires et centres de recherche. Espérons que la toute nouvelle institution qui vient d'être créée, en l'occurrence, le CNRST (qui est un organe constitutionnel consultatif placé auprès du président de la République), chargé de promouvoir la recherche nationale et de son efficience, saura proposer des mesures permettant d'évaluer l'efficience des dispositifs nationaux de valorisation des résultats de la recherche au profit de l'économie nationale. * Chercheur associé au laboratoire GPES - Université de Tlemcen Références (1) Adnot Philippe : «La valorisation de la recherche dans les universités», Senat Français, Rapport N°341, Mai 2006 (2) Ibid (3) Laperche Blondine : «Le carré magique de la valorisation de la recherche, le cas d'une jeune université en état de crise» Edition de l'OCDE 2002/3 N°14 (4) Abdelkader Djeflat (2012). «L'Algérie du transfert de technologie a l'économie du savoir et de l'innovation : trajectoire et perspectives», Les cahiers du CREAD n°100. (5) Boutaleb Kouider : «De la nocivité de l'empirisme dans la prise de décision publique : le cas de l'Algérie», Le Quotidien d'Oran du 04-11-2021 (6) Grim Noredine : «La misère de la recherche scientifique en Algérie», Algérie eco. 14 février 2021 (7) Benbekhti Omar : «Une recherche scientifique pour qui, pour quoi et par qui ?», Le Quotidien d'Oran 24/11/2009 |
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