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Les
délocalisations se sont accentuées dans les pays du Nord, et ont visé
particulièrement la Chine et, dans une moindre mesure, l'Inde, l'Amérique
latine, l'Europe de l'Est et la Russie. Les pays asiatiques étaient atteints
d'une «boulimie de liquidités internationales». Dopée aussi par la révolution
des nouvelles technologies qui requérait des liquidités internationales
considérables, ce à quoi répondaient la première puissance du monde, l'Europe
et le Japon. La reprise économique s'étendit progressivement au monde entier.
En conséquence, la reprise mondiale n'a pas été le fait de la puissance américaine ou des autres pays occidentaux (Europe, Japon) bien qu'ils aient joué un «rôle crucial de locomotive sur le plan monétaire» et sur l'«absorption des richesses» créées par les pays du reste du monde. La reprise a été surtout le fait de la dynamique enclenchée dans les pays de l'ex-tiers monde et de l'ex-bloc Est. Grâce à la libéralisation politique, à la libéralisation financière, et donc des mouvements de capitaux et des délocalisations, la Chine, l'Inde, la Russie et d'autres pays hors-Occident sont devenus «des pays émergents, concurrençant les pays du Nord». Il faut dire aussi que dès qu'un pays occidental s'engage dans un type d'échange, comme celui de localiser des firmes dans des pays à bas salaires où il est plus rentable pour lui de le faire, et y trouve un avantage compétitif, les autres pays occidentaux sont obligés de le suivre, sinon à fermer leurs entreprises industrielles, dépassées et non rentables par la concurrence internationale, donc vouées à disparaître. En Occident, ce sont des zones industrielles entières qui ont fermé. Des ports entiers que l'auteur de ces lignes a visités ne fonctionnent plus, ils sont sous gardiennage. L'activité industrielle s'est effondrée. On comprend pourquoi un cycle économique vertueux s'est enclenché aux États-Unis, en Europe et dans le monde, malgré le transfert de pans industriels entiers vers l'Asie et le reste du monde. Beaucoup n'ont pas hésité à qualifier la période 1993-2000 d'«âge d'or américain». Et c'était compréhensible, en raison des richesses matérielles de tous genres importées par les États-Unis en provenance du reste du monde, ce qui a permis une accumulation d'excédents commerciaux chinois, japonais et arabes et leurs placements sur les marchés financiers occidentaux, en particulier américain. Par excès de capitaux, les valeurs de la Nouvelle technologie ont explosé à Wall Street. Une partie de ces mêmes dollars que la première puissance du monde émettait lui revenaient via les valeurs financières (actions, obligations, bons de Trésor) achetées par le reste du monde pour financer ses déficits commerciaux. Ceux-ci s'accumulant, faisaient croître sa dette publique. L'Europe et le Japon n'étaient pas en reste pour le financement de leurs dettes publiques bien qu'à un niveau moindre. Que peut-on dire de l'âge d'or américain ? Que «l'endettement des pays du reste du monde et son pendant, la libéralisation économique et financière, ont été en fin de compte positifs» puisqu'ils ont permis de lever les barrières qui empêchaient le chemin de la croissance de ces mêmes pays endettés et non endettés comme la Chine (qui a été pragmatique dès 1979, en ouvrant son économie à l'instar de ses prédécesseurs, les dragons asiatiques). Que les délocalisations en Asie et les formidables liquidités internationales injectées par les pays occidentaux dans l'économie mondiale, issues des déficits extérieurs, conjuguées à la révolution technologique et la formidable absorption qui a suivi dans le monde, surtout aux États-Unis et en Asie, ont permis cette période de faste, que l'on a appelée âge d'or pour l'Amérique, mais au fond, il a concerné pratiquement l'ensemble du monde. Il a aussi concouru au désendettement. Mais le monde ne va pas rester sur cet acquis, il va de nouveau être affecté par des crises. 8. Conclusion de la première partie : le duo «pétrole-dollar» a de beaux jours devant lui Si l'âge d'or s'est terminé en 2000, avec le krach des valeurs technologiques, un autre âge faisait son entrée. Celui-ci va rebattre les cartes du monde. En effet, le monde reposait jusqu'à cette date sur les trois grandes puissances financières et monétaires occidentales : les États-Unis, l'Union européenne et le Japon. Cependant, avec la mutation du monde, dans les années 1990, la disparition de l'Union soviétique qui a fait place à la Russie, la montée en puissance de la Chine, l'envol du Brésil et d'autres pays latino-américains et asiatiques, constituent un pôle qui pèse désormais dans le commerce mondial. L'Occident doit compter avec cette nouvelle force qui bouleverse l'équilibre économique mondial. Et c'est dans le Groupe des vingt (G20), créé en 1999 où se réunissent les ministres, les chefs d'Etats et les chefs des Banques centrales qu'ils tentent de favoriser la concertation internationale, compte tenu du poids croissant pris par les pays émergents. Mais il demeure cependant que la concertation est difficile du fait de la rivalité des puissances dans les parts de marché dans le commerce mondial, et d'autre part, chaque partie cherche sa prééminence, pour les uns, une revanche historique, pour les autres, à maintenir le statu quo hérité de la fin de la guerre froide. Depuis la récession aux États-Unis, en 2001, suite au krach boursier de 2000 à Wall Street, la situation économique mondiale est marquée par de grandes incertitudes. L'Union européenne s'est élargie en 2004, passant de 15 États à 25 États, en 2004. Le Japon n'arrive toujours pas à dépasser les effets de la formidable crise immobilière et financière de 1990-1991. L'Occident tente de trouver une issue, face à cette émergence de grandes puissances industrielles, pour, à défaut de perpétuer son leadership sur le monde, du moins à limiter l'ascension de ces puissances montantes. Ce faisant, il limite son déclin. Mais la situation est critique. Comment renverser la vapeur lorsque la deuxième puissance économique du monde, à l'époque, reste toujours plombée par la déflation ? Les grands pays riches, confrontés à cette montée en puissance de nouveaux pays industrialisés, «les pays émergents», doivent prendre conscience qu'une véritable concertation s'impose pour un partage équitable dans la production de la richesse mondiale. Ce qui ne va pas sans heurt. Le chômage, faut-il le rappeler, augmente fortement en Occident, alors que le reste du monde qui a bénéficié massivement des délocalisations connaît une forte hausse de l'emploi. Le déséquilibre est là, compte tenu de la désindustrialisation de l'Occident au bénéfice du reste du monde. Quelle solution à cette situation ? Que fait l'Occident pour parer à cette situation qui lui est préjudiciable ? La guerre que les États-Unis mènent contre l'Irak depuis 1991 est là pour rappeler que de grands enjeux se jouent au Moyen-Orient. Surtout, à partir de 2000 lorsque le président irakien Saddam Hussein a rejeté le dollar, et exigea la facturation de ses exportations pétrolières contre nourriture en euro. Une décision qui a été avalisée par le Conseil de sécurité. Une telle situation était inacceptable pour l'Amérique restée seule première puissance du monde. Elle remettrait en question le privilège exorbitant du dollar. D'autant plus que l'Union européenne avait lancée en janvier 1999 sa monnaie unique, l'euro. Une monnaie qui apparaissait comme concurrente au dollar américain. Une monnaie qui a 50 ans d'histoire depuis le traité de Rome, en 1957. C'est dire que le monde changeait. La question qui se pose est de savoir comment les États-Unis vont regagner la suprématie monétaire dès lors que l'Irak a de son côté fait pièce à l'architecture monétaro-financière pensée dans les années 1970, mais aussi remise en question d'une part, par la nouvelle monnaie européenne, l'euro, et d'autre part, par la poussée de la Chine et la Russie au Moyen-Orient, pour précisément faire pièce au système monétaire mondial, dominé par le dollar. Pour revenir au préambule de cette analyse qui est la question essentielle visée par ce rappel historique des forces économiques, financières et monétaires dans le monde, qu'en est-il de l'économie mondiale depuis les formidables injections monétaires menées par la Fed américaine et la Banque centrale européenne, depuis 2008, pour sauver les économies occidentales ? Le système financier occidental est-il sorti de la crise ? Peut-on aujourd'hui dire que ce système sur qui repose l'ensemble des économies du monde a dépassé la crise de 2008 ? Si réellement la crise a été dépassée, alors pourquoi depuis le contrechoc pétrolier qui a commencé dès l'été 2014, les cours du pétrole restent toujours bas ? Un contrechoc qui nuit aussi au privilège exorbitant du dollar, et dans une moindre mesure au privilège des autres grandes monnaies occidentales. Il est évident que ce contrechoc pétrolier est conjoncturel et nécessaire. Il est commandé par une dynamique mondiale qui a été générée par les événements qui datent depuis les crises monétaires des années 1970, et qui se sont accentués depuis la fuite en avant des États-Unis contre le monde musulman. Paradoxalement ce monde contraint met le pétrole au service du dollar pour que l'Amérique continue de dominer le monde. Comment alors peut-on appréhender la conjoncture économique mondiale depuis que les plans d'austérité en Occident se sont étendus au reste du monde ? D'autant plus que la baisse des cours du prix du pétrole a fortement affecté la demande mondiale, ce qui se répercute sur la croissance mondiale. Une réponse apparaît déjà, c'est la première sortie du nouveau président américain, Donald Trump, à l'étranger. Il a privilégié son premier voyage pour l'Arabie saoudite, avant même les autres puissances occidentales et non occidentales, avant même son allié de toujours, Israël. Ce choix de sa première visite tranche complètement avec ses slogans contre le monde musulman et «l'Amérique d'abord». Mais l'Amérique d'abord passe par le monde arabe, et c'est cela qui est prometteur. Trump a été mis au parfum, il a été instruit que la force du dollar américain passe par le monde arabe. Sans la facturation du pétrole arabe par le dollar, les États-Unis perdrait toute prééminence dans le système financier et monétaire qui régit le commerce mondial, y compris dans les grandes institutions internationales (Banque mondiale, Fond monétaire international, Banque des règlements internationaux...). Cette visite, il faut le souligner, revêt une grande importance pour les États-Unis et le monde arabo-musulman, mais aussi pour l'ensemble du monde. Elle dépasse le caractère commercial qui lie les deux nations. (13) Ce qui signifie que le duo «pétrole-dollar» a de beaux jours devant lui. Telle est la conclusion de la première partie de cette étude. *Auteur et chercheur spécialisé en économie mondiale, relations internationales et prospective. Notes : 1. Histoire de la dette publique depuis 1815 http://france-inflation.com/dette_publique_france_depuis_1800.php 2. Tableau de l'inflation en France avec inflateur cumulé depuis 1901 http://france-inflation.com/inflation-depuis-1901.php http://fr.tradingeconomics.com/france/inflation-cpi 3. «L'endettement des pays riches s'envole, le FMI s'affole», par Challenges.fr, le 8/11/2012 http://www.challenges.fr/economie/20121107. CHA2748/l-endettement-des-pays-riches-s-envole-le-fmi-s-affole.html 4. «2015 : quels chocs pour faire bouger l'Europe ?», par Thomas Piketty, directeur d'études à l'EHESS et professeur à l'Ecole d'économie de Paris. 29 décembre 2014 http://www.liberation.fr/futurs/2014/12/29/2015-quels-chocs-pour-faire-bouger-l-europe 5. Dette publique des États-Unis http://fr.tradingeconomics. com/united-states/government-debt-to-gdp Dette publique du Japon http://fr.tradingeconomics.com/japan/government-debt-to-gdp Dette publique de la France http://fr.tradingeconomics.com/france/government-debt-to-gdp 6. France, États-Unis, Japon ? Taux d'inflation http://france-inflation.com/inflation-depuis-1901.php http://fr.tradingeconomics.com/united-states/inflation-cpi http://fr.tradingeconomics.com/japan/inflation-cpi http://fr.tradingeconomics.com/germany/inflation-cpi 7. États-Unis ? Taux d'intérêt http://fr.tradingeconomics.com/united-states/interest-rate 8. États-Unis ? Taux de chômage http://fr.tradingeconomics.com/united-states/unemployment-rate 9. Historique Taux de change http://fxtop.com/fr/historique-taux-change.php? 10. États-Unis, France, Italie, Japon, Allemagne ? Taux de croissance annuel du PIB http://fr.tradingeconomics.com/united-states/gdp-growth-annual http://fr.tradingeconomics.com/france/gdp-growth http://fr.tradingeconomics.com/japan/gdp-growth http://fr.tradingeconomics.com/germany/gdp-growth http://fr.tradingeconomics.com/italy/gdp-growth 11. Nouvelle Revue Internationale (NIRI, N°3, mars 1989), Jean Ziegler, membre du Bureau de l'Internationaliste socialiste 12. « Misère, Régression, Guerres et Progrès de l'Humanité. Mode de Penser Medjdoubien sur la Dynamique du mond », par Medjdoub Hamed. 26 Novembre 2014 http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/misere-regression-guerres-et-159921 «La raison humaine, «confrontation de deux existences, de deux intelligences» ? Mode de penser medjdoubien sur l'humain», par Medjdoub Hamed. 29 Novembre 2014 http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-raison-humaine-confrontation-de-160084 13. «Que va faire Donald Trump en Arabie saoudite ?», Le Nouvel Observateur. 20 mai 2017 http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/l-amerique-selon-trump/20170519.OBS9650/que-va-faire-trump-en-arabie-saoudite.html |
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