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La polémique
autour d'Albert Camus dans laquelle il s'est trouvé au centre n'est pas
étrangère à la trame du nouveau-né de Hamid Grine «Un
parfum d'Absinthe». L'hypothèse a déjà été avancée ailleurs. Mais la présence
de Camus dans ce roman, à travers Nabil, le personnage principal du roman
conforte cette hypothèse. Et même lors des débats qui ont suivi sa conférence
avant-hier au CCF d'Oran, devant un parterre d'intellectuels, de journalistes
et d'écrivains le confirme. Grine a pris la défense de Camus par rapport à
Sartre, à leur engagement respectif vis-à-vis de la guerre de libération
nationale. Il ne s'est pas empêché de lancer : «Sartre était un petit
bourgeois». Et d'ajouter : «c'est dans l'arène qu'on voit le gladiateur», allusion
à la position confortable de Sartre qui affichait ses positions à partir des
salons parisiens. Dans ce même contexte, Hamid Grine
a «instrumentalisé» toute sorte d'arguments, tel celui de la nature du rapport
reliant chacun de ces deux écrivains à l'Algérie. «Sartre n'avait pas de lien
viscéral avec l'Algérie, il pouvait parler avec raison?Camus parlait avec
passion, avec son cœur», asséna-t-il.
S'agissant du roman lui-même, considéré le plus élaboré de toute l'œuvre de Grine totalisant jusqu'ici six romans (en un temps record), il aborde l'épineuse question de l'identité, un des thèmes majeurs de la littérature algérienne. Nabil, qui vient de perdre son père, ou celui qu'il considérait comme son géniteur, apprendra de la bouche de son oncle qu'il est l'enfant illégitime d'un Français qui vivait à Belcourt. Il découvre cette nouvelle paternité au moment où il est désigné comme l'unique héritier de Hadj Saci. Bien évidemment, son supposé pater n'a pas été tendre avec lui durant son enfance, au point où Nabil n'a pas ressenti de tristesse suite à son décès. Nabil, le seul garçon de la famille à avoir les yeux bleus, se lance dans une quête de sa véritable paternité et au-delà de son identité. Ce qui le mènera vers des personnages tel Bazooka, un baroudeur qui a toujours veillé sur lui. Il faut lire le roman pour saisir toutes les complications de cette sorte de plongée de Nabil, homme de cinquante ans, professeur de français dans un lycée. D'autres personnages interviendront dans la vie de Nabil telle que Sarah, sa collègue, qui déploiera des efforts énormes pour le réconcilier avec la vie et la beauté. Lui qui se considérait comme un être «périmé». Dans sa quête, il sera amené à se rendre aux ruines de Tipaza, où l'odeur de l'absinthe est trop prenante. D'où le titre du roman. Un autre clin d'œil à Camus et à son livre «Noce». Et aussi, une histoire de rester dans une sorte de continuité après son précédent roman, «Le café de Gide». Interrogé s'il serait nostalgique d'une époque, il s'en défendra en disant «je ne peux pas être nostalgique d'une époque que je n'ai pas connue». Et d'ajouter : «ce n'est pas un sentiment de nostalgie mais de rage. Biskra était une ville propre, style néo-mauresque. En 2004 quand j'y suis allé, j'ai trouvé que c'était un désastre». Dans ses échanges avec la salle, Hamid Grine évoquera la douloureuse question de la politique éditoriale en Algérie. Il dira dans ce sens que « ce qui nous manque en Algérie, c'est un travail d'éditeur». Et d'expliquer «nous les écrivains, on a besoin d'un autre regard beaucoup plus sévère». Autrement dit professionnel. L'on apprendra de la bouche de Hamid Grine que son nouveau roman sera réédité en France, avec un nouvel intitulé. En Algérie «Un parfum d'Absinthe» est sorti chez les éditions Alpha Design. |
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