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DICTATURES ET GUERRES IMPERIALES

par K. Selim

« Le traitement libyen est généralisable à l'ensemble des pays arabes, y compris à nos amis du Gol fe. L'Occident doit être actif et non spectateur car nos intérêts dans la région sont tels que l'on n'a pas d'autre choix».

 Ce sont quelques idées simples et, une fois n'est pas coutume, très claires, énoncées par l'ancien Premier ministre britannique, Tony Blair, passé à la postérité chez une bonne partie de l'opinion de son pays comme le caniche de George W. Bush.

 Cet homme, menteur confirmé, porte-parole du néo-conservatisme belliciste, est représentatif du politicien occidental cynique et serviteur zélé du complexe militaro-industriel. Et c'est une raison de plus pour lire attentivement ce qu'il exprime. Aucun régime, même ceux qui ont collaboré avec enthousiasme à la «Global War» contre le terrorisme de G.W. Bush, ne sera épargné dans une bataille stratégique de préservation de la domination occidentale.

 Henry Kissinger, un des stratèges les plus écoutés de l'Empire ? et indéniablement plus cultivé et intelligent que les caniches politiques ? a, une fois de plus, situé l'enjeu stratégique : « La montée de la Chine et le déplacement du centre de gravité du monde de l'Europe vers l'Asie sera le grand drame historique de la prochaine génération». Quant au «printemps arabe», il avertit que s'il faut faire «ce que l'on peut pour les valeurs humaines», il ne faut pas pour autant commettre de «suicide stratégique».

 Dans la bataille qui monte contre la Chine, le contrôle des ressources est d'une grande importance. Les Occidentaux gèrent avec une certaine célérité la chute de leurs alliés en décidant que l'heure est celle des interventions directes. Au nom des peuples et de la liberté. Affirmation scandaleuse, bien sûr, mais que des dictatures perverses et inefficaces ne font qu'accréditer. Car la guerre se nourrit de propagande et il n'est pas difficile d'en construire face aux régimes autoritaires.

 Entre l'analyse subtile de Kissinger et les interventions militaires annoncées par Tony Blair, il apparaît clairement que l'Occident, sous la direction des Etats-Unis, joue, face aux nations émergentes et principalement la Chine, sur son ultime avantage comparatif : la supériorité des armes.

 Cette bataille pour le leadership mondial et le contrôle de ressources en raréfaction se joue sans les pays arabes. Mais elle pourrait bien se jouer chez eux, si ce n'est déjà fait. Il s'agit des premières guerres de la mondialisation avec une sophistication inédite des moyens et des méthodes. Le moins que l'on puisse dire est que les sociétés arabes, opprimées et étouffées, n'y sont pas préparées. Mais ce sont aussi des sociétés qui finissent par bouger et bousculer les régimes en place qui perdent leur rôle de «rempart» ou de gardien de troupeaux humains.

 Conscients des réalités en mouvement, les Occidentaux ont opté pour le renouvellement de personnels dans le monde arabe. Et si les sociétés arabes ne parviennent pas à imposer elles-mêmes un vrai changement des systèmes, le rapport de domination entretenu par le Centre sera reproduit avec quelques aménagements? Et quand elle le pourra, ce sera l'Otan qui décidera du futur de ces pays.

 Certains voudraient installer un débat pour choisir entre les dictatures et l'Otan. C'est un faux débat fondé sur une alternative inepte. Devant l'ampleur des enjeux stratégiques, il reste à ceux qui détiennent encore les commandes dans nos pays de comprendre que la menace est pressante. Et que seules les nations formées de citoyens libres peuvent se défendre. D'abord en ôtant toute substance à la propagande d'un Otan «libérateur». Par le droit et l'effectivité des libertés.

 C'est la seule manière de préserver une indépendance vitale dans un monde où les enjeux sont sanglants derrière tous les sourires enjôleurs des Blair et des Obama.