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Aux appels à
l'aide des réfugiés tunisiens et libyens débarqués en Italie, la France menace
de fermer sa frontière avec le voisin italien. Menace aux relents xénophobes.
Pas étonnant ; c'est l'air du temps dans la France de Sarkozy. Pour la première
fois depuis la signature du premier accord de Schengen en juin 1985, la France
menace d'activer la mesure exceptionnelle de sa suspension et de fermer ses
frontières nationales aux migrants provenant de pays tiers. Rappelons que
l'accord de Schengen signé entre la France, l'Allemagne et les trois pays du
Benelux en 1985 a été élargi et adopté par l'ensemble des pays de l'UE en 1997.
Cet accord permet la libre circulation dans les pays de l'UE y compris pour les
résidents immigrés. Ce principe de liberté de circulation est également
applicable, sauf exception, aux touristes munis d'un visa Schengen. Cette
énième sortie exclusive de la France sur la question migratoire est motivée par
l'arrivée, suite aux révolutions dans les pays arabes, de quelque 22.000
immigrés clandestins tunisiens et libyens en Italie. Un étrange « spectacle »
se déroule, ces dernières semaines, aux frontières sud italo-françaises: des
va-et-vient incessants de cars et voitures de police et de gendarmerie
trimbalent des réfugiés tunisiens et libyens de part et d'autre des frontières
franco-italiennes. Regards hagards, corps fatigués, le verbe hésitant, les
réfugiés tunisiens et libyens sont surpris par la froideur de l'accueil et le
climat de méfiance des populations locales et tentent de quitter par leurs
propres moyens l'Italie pour d'autres cieux européens plus cléments. Peut-on
réussir à échapper à la nacelle des gendarmes ? Certains d'entre eux sont dans
des centres de rétention avant leur expulsion vers leurs pays d'origine, alors
que les moins chanceux ont déjà été rapatriés chez eux.
A vrai dire, la polémique italo-française sur la question de ces réfugiés ne concerne pas plus que quelques milliers, entre trois et cinq mille demandeurs d'asile estiment les observateurs sur place. En annonçant, jeudi dernier, que l'Italie va délivrer des permis de séjour temporaire de trois mois aux arrivants, le ministre de l'Intérieur italien, Roberto Maroni, n'a fait qu'appliquer une disposition du droit d'asile. Munis de ce fameux permis de séjour, les réfugiés ont la possibilité de se déplacer dans l'espace européen. Certains d'entre eux ont fait savoir leur intention de se rendre en France, en Belgique, en Angleterre et en Allemagne. Seule, la France de Sarkozy a réagi, immédiatement, en menaçant de fermer ses frontières avec l'Italie. La réaction française, au-delà de sa symbolique xénophobe, est en réalité illégitime et illégale au regard de l'accord de Schengen qu'elle évoque. Si l'accord de Schengen offre, en effet, la possibilité d'un Etat membre de l'UE de fermer « temporairement » sa frontière (mécanisme 55/ 2001), il conditionne cette possibilité par le « risque d'une menace sécuritaire » susceptible de porter atteinte à l'ordre public ou de mettre en danger les intérêts supérieurs et stratégique dudit Etat. Nous sommes loin d'une situation de menace grave sur les intérêts de la France. Pour preuve, les autres pays de l'Union qui sont tout aussi concernés, tels l'Angleterre ou la Belgique, n'ont pas évoqué une telle « menace ». Il est clair que l'agitation par le gouvernement de Sarkozy de « l'envahissement » de la France par des hordes d'immigrés n'est rien d'autre qu'une manipulation de plus en prévision de l'élection présidentielle de l'année prochaine. Bizarrement, la montée de l'extrême droite française grâce à l'agitation de la peur de l'étranger n'a en rien atténué l'obsession de Sarkozy et son mouvement UMP sur la question migratoire. Au plus bas dans les sondages qui le donnent perdant dès le premier tour de la présidentielle, Sarkozy et son clan continuent à courir désespérément derrière les thèses racistes et xénophobes du Front national. Des pays comme la Tunisie et l'Egypte qui vivent des situation difficiles et « exceptionnelles » déploient leurs maigres moyens pour accueillir, protéger, nourrir et soigner des « centaines de milliers » de réfugiés libyens. La France, elle, déclare l'hostilité à quelques milliers (peut-être centaines) de réfugiés venus frapper à sa porte. Image triste et inquiétante de la France d'aujourd'hui. C'est dans cette atmosphère tendue que se tiendra le Conseil européen justice et affaires intérieures, lundi à Bruxelles. D'ores et déjà, la Commissaire aux affaires intérieures, Cecilia Malmström, a donné le ton: « la décision française de fermer ses frontières avec l'Italie est illégale », a-t-elle déclaré en substance, avant de préciser « qu'une telle décision doit être motivée par une menace sur le pays. Et ce n'est pas le cas, ici ». |
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