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Algérie : le capital-risque démarre, presque, de zéro

par Yazid Taleb

Le capital-risque est une activité quasiment inexistante en Algérie. Elle a pourtant la réputation de favoriser, notamment, la création d'entreprises dans des domaines comme les nouvelles technologies. Elle est très développée en Tunisie où l'on dénombrait récemment près d'une quarantaine d'institutions spécialisées ou au Maroc où on en compte actuellement près d'une vingtaine en activité.

En Algérie, le cadre réglementaire régissant les sociétés de capital investissement a été défini très tardivement. La loi n° 06-11 de juin 2006 explique que la société de capital investissement (SCI) vise essentiellement les opérations d'investissement dans le secteur productif des PME. Cette forme de société vise à organiser l'activité d'investissement en fonds propres dans des sociétés qui ne peuvent pas mobiliser les ressources nécessaires au niveau du marché. Le cadre d'intervention des SCI est fortement balisé. Une société de capital investissement ne peut employer plus de 15% de son capital dans une même entreprise et ne peut détenir plus de 49% dans le capital d'une même entreprise. Elle ne peut également intervenir en participation dans une société que sur la base d'un pacte d'actionnaires qui fixe la durée de la participation et les conditions de sortie de la société. Le capital investissement bénéficie par ailleurs de nombreux avantages fiscaux. Les SCI sont exonérées d'impôts sur les bénéfices des sociétés pendant cinq ans et elles sont soumises à un taux réduit de 5% au titre de l'IBS, mais sont exonérées de cet impôt durant les cinq premières années de leur activité.

Pas plus de 2 ou 3 «opérateurs»

En dépit de ce cadre fiscal et réglementaire favorable, la place financière algérienne ne compte actuellement pas plus de 2 ou 3 sociétés spécialisées opérationnelles dans le domaine du capital investissement. Les plus connues sont Finalep et Sofinance. Le caractère «opérationnel» de ces opérateurs mérite d'ailleurs d'être nuancé. Pour la Sofinance par exemple, les engagements dans le domaine du capital-risque n'ont jamais représenté plus de 10% de ses activités qui restent concentrées sur le leasing. Elles sont même retombées au niveau insignifiant de 1% (9 millions de dinars) lors du dernier exercice connu qui porte sur l'année 2009.Un troisième opérateur baptisé Asicom a été créé en 2004 grâce à des fonds publics algériens et saoudiens. Il a réalisé sa première prise de participation en avril 2009 en rachetant 32% du capital d'une société privée spécialisée dans l'impression pour un montant de 60 millions de dinars.

 C'est pour tenter de combler ce retard que l'Etat actionnaire avait déjà invité fin 2008 l'ensemble des banques publiques à créer des filiales spécialisées dans le capital risque. Dans ce domaine, alors que la BADR et la CNEP ont annoncé la création d'une filiale commune baptisée «El DjazaïrIstithmar», la BEA a choisi de s'associer au français SIPAREX pour créer un fonds de capital-risque doté de 5 milliards de dinars. Une filiale de la BNA est également en cours de constitution. Aucune d'entre elles n'est opérationnelle pour l'instant.

 Pour accélérer le mouvement et dans un souci affiché de «dynamisation de l'investissement» dans les PME, Le Conseil des ministres du 22 février dernier a annoncé «la mobilisation des sociétés d'investissements dont la création par les banques publiques est parachevée, pour gérer les fonds d'investissements des wilayas, et promouvoir leur participation pendant une période initiale, au capital des petites et moyennes entreprises qui le souhaitent».

Les 6 sociétés de capital-risque existantes ou en cours de constitution se voit ainsi confier la gestion d'une dotation budgétaire de 48 milliards de DA répartie entre ces Fonds à raison d'un milliard par wilaya.

Une portée modeste

Une convention a été signée la semaine dernière entre les opérateurs concernés et le ministère des Finances. Selon le communiqué officiel publié à cette occasion, les sociétés de capital investissement vont apporter «du capital, ainsi que leurs réseaux et expériences à la création et aux premières phases de développement des jeunes entreprises». Ces sociétés auront à intervenir sur leurs ressources et sur celles des fonds d'investissement mis à leur disposition pour apporter ces financements. Les Fonds de wilayas ont été, dans cette optique, répartis entre les sociétés de capital investissement selon leur capacité et leur présence sur le territoire national. Cette répartition est opérée de manière à «assurer la couverture de l'ensemble des wilayas du pays et permettre un équilibre régional en matière de création d'entreprises et d'emplois», précise le ministère. Pour la plupart des spécialistes, cette nouvelle dotation en capital est certainement la bienvenue. Elle est de nature à combler l'un des handicaps majeurs d'une activité qui reste embryonnaire. Un banquier en relativise cependant la portée en nous signalant «qu'à raison de 50 millions de dinars par entreprise, c'est tout au plus une vingtaine de projets qui pourront être financés par wilaya». Elle laisse également entier le problème de l'absence presque complète d'expertise nationale dans le domaine. Sur ce dernier point le communiqué du dernier Conseil des ministres évoque de façon lapidaire une assistance technique internationale dont devraient bénéficier les 6 sociétés de capital-risque appelées à gérer les fonds d'investissement régionaux. On ne dispose pas d'informations supplémentaires pour le moment.