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La dimension
eschatologique du message coranique
En effet, Dieu envoie des messages codés, utilise un langage voilé et des formules sibyllines et aussitôt tout le monde éprouve ce besoin irrépressible de tout déchiffrer ou tout réfuter. Et pourtant l'Histoire demeure identique, immuable. Ecrire tant de choses au prix de tant d'efforts et continuer à errer au milieu d'un labyrinthe d'énigmes et de charades ça doit être terriblement angoissant et frustrant. D'ailleurs l'auteure elle-même semble terriblement irritée face à cette écrasante aporie et finit d'emblée par désavouer, à l'instar de ses maîtres à penser, toute tentative de percer les mystères que l'on a soi-même mis en place. «L'historien est condamné à tâtonner dans le labyrinthe obscur du passé, guidé par la lumière faible et frémissante qui se dégage des livres de la Tradition et qui parfois, loin d'éclairer le chemin, contribue à créer de vertigineuses illusions d'optique.» (1) En réalité, ni Jésus ni Mahomet ne sont venus annoncer une fin du monde imminente, ils utiliseront pourtant les mêmes métaphores qui susciteront les mêmes crispations, les mêmes inquiétudes, et surtout la même suspicion. En remontant encore plus loin dans le temps on butera sur les mêmes croyances assorties des mêmes craintes. Sur les milliers de hadiths qui existent, lorsque vous demandez à un croyant ordinaire de vous en citer quelques-uns, il ne vous en citera pas des masses. Cela n'est pas étonnant, le musulman accomplit cinq prières par jour au cours desquelles il récite les versets du Coran et non pas des hadiths. Il semblerait que parfois certains esprits essayent d'accorder la prééminence aux hadiths sur le Coran et, cela faisant, ils puisent dans ces corpus hétérogènes les récits ou les anecdotes qui conviennent à leurs projets. «La mort de Muhammad est associée dans l'esprit des croyants à une vision eschatologique : pour les musulmans, soit la mort de Muhammad coïncidera avec la fin du monde, soit le Prophète ne doit pas mourir car il est censé assister au Jugement dernier» (2) Tout un chapitre sera réservé à cette «énigme» dans l'Enquête de Hela Ouardi. Fait bizarre, l'auteure semble reproduire la même trame narrative et dubitative déjà utilisée par l'écrivain et orientaliste français Paul Casanova soucieux de consolider sa théorie de la «pieuse fraude»(3). Thèse conspirationniste que semble énormément affectionner Hela Ouardi. Et pourtant, en lisant le Coran ainsi que d'autres hadiths, on pourra aisément lire, déchiffrer et interpréter le contraire de ces deux thèses choisies délibérément et interprétées de manière tendancieuse et littérale. La mort du prophète Mahomet ne pouvait coïncider avec une fin du monde comme il ne pouvait non plus prétendre à «une prorogation de délai» afin d'assister au Jugement dernier. La profusion de hadiths que l'auteur elle-même cite dans son livre et ceux qu'elle s'abstiendra de citer ne pourront jamais corroborer cette thèse, notamment lorsqu'on voit le prophète prodiguer autant de consignes, de préceptes, de recommandations qui devaient régir ultérieurement la vie politique sociale économique et morale d'une «Oumma» naissante. L'ensemble de son enseignement laisse préfigurer et annoncer sans la moindre ambiguïté la naissance d'une communauté dotée d'une religion achevée et investie d'une mission. «Les prophètes utilisent le savoir acquis dans la révélation pour inciter des destinataires à rectifier un comportement, de sorte que la révélation prophétique a pour fin une structuration du champ social. La prophétie est identiquement œuvre de religion et entreprise de socialisation»(4) Ce que les Califes décideront de faire dans l'urgence suite à la mort du prophète s'inscrit forcément dans la même démarche : préserver une continuité religieuse imposée par Dieu (et sans passer obligatoirement par une étrange forme protocolaire de passation de consigne, de succession et autre histoire abracadabrante de testament) qui se traduit à travers l'accomplissement d'une mission, d'un devoir, d'une obligation de vivre selon la parole de Dieu et non pas conformément à une littérature partialement/ partiellement tirée d'un méli-mélo pseudo-dogmatique que l'on puise dans des récits confus et contradictoires. «Voici le Livre qui n'est sujet à aucun doute. C'est un guide pour ceux qui craignent le Seigneur ; ceux qui croient à l'invisible, qui s'acquittent de la salât et qui effectuent des œuvres charitables sur les biens que Nous leur avons accordés... Ce sont ceux-là qui suivent la voie tracée par le Seigneur ; ce sont ceux-là qui connaîtront le vrai bonheur.» (Coran 2 : 2-3-4-5) On n'a pas l'impression qu'on est immergé dans une ambiance de terreur et d'apocalypse. Comment un livre peut-il faire office de «Guide» pour une communauté en devenir si la fin du monde est imminente ? «Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable, et interdit le blâmable. Car ce seront eux qui réussiront.» (Coran 3 : 104) La tournure performative (Que soit issue parmi vous) de l'injonction est censée forcément induire des actes qui se projettent inexorablement dans un avenir indubitable, un avenir et donc une société qui reste à édifier selon un corpus dogmatique très clair, où coexistent et se complètent harmonieusement, la notion d'une fin du monde imminente (selon l'horloge de Dieu) et d'une vie entière qui reste à penser, à imaginer, à rêver, à construire. Quant au deuxième volet de cette notion bizarre d'une histoire vague d'un prophète appelée à perdurer selon un calendrier indéterminé jusqu'au jugement dernier ou à mourir et à ressusciter, pareil raisonnement demeure tout aussi bien incongru qu'inconcevable. Je vois mal un prophète donner des instructions quant au modus operandi de ses funérailles s'il devait tel le magicien Houdini réapparaître aussitôt de manière théâtrale. «On dit que Muhammad lui-même annonce son départ un mois plus tôt ; regardant sa famille les yeux en larmes, il dit : «Le moment de la séparation approche». Il donne même des consignes précises sur le rituel de ses funérailles en précisant que seuls ses proches doivent participer à la toilette mortuaire».(5) Les détails de cette mise en terre qui sont rapportées dans la Sira d'Ibn Kathîr, que l'auteure cite parmi ses sources, au sujet de cet événement ne donnent pas l'impression que le prophète allait revenir de sitôt. Le prophète Mahomet héritera du même destin que tous les prophètes qui l'on précédé ainsi que le Coran l'a explicitement révélé («Toute âme goûtera la mort.» «Dis: «Je ne suis pas une innovation parmi les messagers» «En vérité tu mourras et ils mourront eux aussi») (Coran 3:185)(46:9)-(39:30) Exception faite de Jésus à propos duquel la mort demeure un événement exceptionnel qui donne là aussi matière à interprétation. «Ô Jésus, certes, Je vais mettre fin à ta vie terrestre et t'élever vers Moi», «Et que la paix soit sur moi le jour où je naquis, le jour où je mourrai, et le jour où je serai ressuscité vivant.» (Coran 3 :55) (19 :33) Toujours au sujet de cette satanée apocalypse dont l'imprécision de la date agace tellement de personnes qui considèrent que cet événement si prononcé et annoncé notamment par le prophète Mahomet constitue une preuve que celui-ci n'avait nullement aucun projet qui consiste à fonder quoi que ce soit. Néanmoins, hormis un texte coranique qui dément catégoriquement l'ineptie de «l'imminence», on verra aussi le prophète si enthousiaste et optimiste dicter des recommandations qui plaident pour la vie, pour l'espoir, pour le bonheur, pour la continuité ...« Mariez-vous et procréez afin que je puisse être fier de votre grand nombre devant les autres nations le Jour du Jugement »(6) A moins que ce hadith participe également d'un processus constructiviste d'une pseudo-historicité instrumentalisée à des fins idéologiques et politiques, il constitue assurément dans une littérature profuse le témoignage de l'avènement d'une communauté vivante et vivifiante. La dimension eschatologique demeure un invariant anthropologique indissociable de la condition humaine. La formulation de l'imminence de la fin du monde reste relative, métaphorique, et essentiellement à portée coercitive qui vise à garder l'homme dans un état de conscience tourné vers une foi constante, l'éveil et la sagesse. «Restez en tenue de service, et gardez vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces pour lui ouvrir dès qu'il arrivera et frappera à la porte. Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller.»(7) Elle traduit (la dimension eschatologique) par là le caractère éphémère et temporaire de la vie terrestre et de la finalité de l'homme. «Tout ce qui est sur elle [la terre] doit disparaître,[Seule] subsistera La Face [Wajh] de ton Seigneur, plein de majesté et de noblesse.» (Coran :26-27) S'acharner à interpréter de manière excessivement littérale les textes coraniques à portée eschatologique en occultant honteusement l'ensemble du corpus coranique, la tradition et l'exégèse dans leur infinie variété thématique, dévoile encore une fois cette farouche velléité à nier, voire néantiser l'islam à coup de palabres et de gribouillages. J'estime que c'est un peu trop tard, l'Islam s'est transformé en civilisation indélébile, une religion avec un taux de prosélytisme étonnant ; pour une religion artificielle, force est de reconnaître qu'on ne peut pas faire mieux. Il y a plus de 2000 ans, Jésus aurait annoncé sans détours la fin des temps, «Pour ce qui est du jour et de l'heure, personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul.» (8) «Au sujet de la venue du Seigneur, il n'est pas nécessaire qu'on vous parle de délais ou de dates. Vous savez très bien que le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit.»(9) et pourtant chaque année, dans une liesse mondiale on célèbre sa naissance avec de la Galette des Rois, beaucoup de chocolat, une dinde aux marrons, du foie gras, des huîtres, de la bûche et du Champagne... bref, des victuailles dont Jésus n'aurait même pas rêvé... sauf s'il serait resté vivant pour assister au jugement dernier (script qu'on a concocté pour Mahomet et repris par l'auteure Hela Ouardi). Toutefois, hormis quelques guerres mondiales, des épidémies endiguées, des famines, des conflits armés interminables, des crises économiques cycliques, une mondialisation et une technologie productrices de chômage et d'exclusion... on peut dire que l'Humanité s'en est bien sortie jusqu'à présent, le monde est toujours là et avec une Eglise bien portante. Plusieurs siècles après la venue de Jésus, le Prophète Mahomet, avec une rhétorique quasi-similaire, communiquera à ses fidèles les mêmes prédictions «Ils t'interrogent sur l'Heure: «Quand arrivera-t-elle?» Dis: «Seul mon Seigneur en a connaissance. Lui seul la manifestera en son temps. Lourde elle sera dans les cieux et (sur) la terre et elle ne viendra à vous que soudainement.» Ils t'interrogent comme si tu en étais averti. Dis: «Seul Allah en a connaissance.» Mais beaucoup de gens ne savent pas. » (Coran 7 :187) Cela semble quelque peu agacer l'auteure Hela Ouardi que Dieu emploie des charades pour parler de choses aussi sérieuses, heureusement qu'on n'ait pas accordé trop de crédit à notre cher Albert Camus, impatient d'en finir avec ce monde désaxé au point de vouloir hâtivement renégocier, redéfinir, réinterpréter les termes de cette promesse/menace divine, ce foutu C.D.D. «N'attendez pas le jugement dernier, il a lieu tous les jours», nous dira Albert Camus. Il devient aujourd'hui évident que l'horloge du Seigneur ne fonctionne pas selon le rythme des galipettes que fait la Terre autour du Soleil. A la suite du péché originel il en était pourtant convenu ainsi. Le séjour de l'Humanité sur terre est transitoire. «Descendez, dit le Seigneur... sur Terre où vous trouverez un séjour et une jouissance temporaires.» (Coran 2 : 36) J'estime que c'est faire preuve d'inconscience de la part de l'auteure que de faire mijoter dans la même marmite des ingrédients aussi disparates (Apocalypse imminente, résurrection, testament et succession avortée, confiscation du pouvoir...) avec lesquels il n'en sortira finalement aucun plat digeste. Le thème de l'Apocalypse imminente qui met fin à toute tentative de fonder une religion et qui délégitime par conséquence tout ce qui sera entrepris par la suite, est un thème récurent dans l'histoire des trois religions monothéistes. «Une religion qui, désormais sans Prophète, était confrontée à l'épreuve de sa propre survie...Au-delà de l'autorité du maître disparu, l'islam devait donc se réinventer ou peut-être même s'inventer.» (10) «Jésus annonçait le Royaume et c'est l'Église qui est venue.»(11) dira le prêtre et théologien catholique français Alfred Loisy, déclencheur en 1902 de la «Crise Moderniste». Son idée centrale (la même qui est appliquée aux premiers Califes et qui constitue l'essentiel du réquisitoire de Hela Ouardi) consistait à dire que le Christ étant convaincu que la fin des temps était imminente n'aurait pas pu penser à un projet quelconque de former une communauté ou de fonder une église(12). Ses disciples, prenant alors conscience que l'Apocalypse n'étant pas si imminente qu'on le craignait, se sont ingéniés à influer sur le cours de l'histoire, autrement dit «se donner une organisation, fonder une Église avec des dogmes, des rites, des structures qui ne sont rien d'autre que la tentative d'adapter l'Évangile aux circonstances.»(13) Tel sera également le cheval de bataille de la tendance révisionniste historico-critique dont s'est aveuglément inspirée l'auteure Hela Ouardi. On pourrait, pour leur faire plaisir, essayer au moins une fois d'imaginer le scénario suivant : «Mahomet annonçait l'apocalypse et c'est hélas l'Islam qui s'est incrusté.» On attribuera à tort à ces religions et à leurs fondateurs (Apôtres pour l'une et Califes pour l'autre) ces desseins inavoués «opportunisme, usurpation, confiscation, imposture» au sujet de la légitimité d'une institution que l'on aurait voulue, totalement disjointe du dogme originel. Alors que l'organisation, les dogmes, le culte, s'inscrivent dans un processus somme toute ordinaire. Au sujet de l'Eglise, le prêtre Alfred Loisy, loin de voir dans cette évolution une dérive, il considère ce processus tout à fait légitime. «Tout est mouvement dans une religion vivante». Telle sera la démarche et le projet entrepris par les Califes, maintenir en vie une religion conformément aux vœux du prophète et à un dessein divin, appelée à s'adapter, à évoluer, à vivre, tel qu'il fut advenu pour l'Eglise. «Tournée amoureusement vers le passé où est son trésor, elle va vers l'avenir où est sa conquête et sa lumière... La Tradition n'est pas une puissance limitative et rétrograde, mais une force de développement et d'expansion»(14) Toutes les religions, croyances, philosophies, gnoses, légendes, récits de science-fiction, prédictions scientifiques... traduisent le même intérêt pour cet évènement, ce phénomène [certitude pour certains, curieuse appréhension pour d'autres], tout le monde a prédit l'Apocalypse, Zoroastre, les trois religions monothéistes, Nostradamus, et même Paco Rabane. Ce thème n'étant plus l'apanage d'une littérature religieuse, il sera encore une fois réutilisé cette fois-ci par des esprits plus rationnels mais néanmoins toujours évasifs quant à son calendrier. Les scénarios sont multiples : Cataclysmes naturels dévastateurs, conflits nucléaires, pandémie... «Le monde n'en finit pas de finir. Souvent annoncée, régulièrement ajournée, l'apocalypse hante nos imaginaires. Depuis la nuit des temps, les hommes, conscients de leur propre finitude, n'ont eu de cesse de s'interroger sur la fin des fins. Et de chercher à percer les signes annonciateurs du cataclysme, donnant naissance à une littérature aussi passionnante qu'abondante, des textes sacrés anciens à la science-fiction contemporaine.» (15) Le poète latin Horace voilà plus de 2000 ans, parlant au nom de son époque, dira «Carpe diem (quam minimum credula postero «Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain». Quant au philosophe Sénèque, il témoignera de cette même sensibilité... «Hâte-toi de bien vivre et songe que chaque jour est à lui seul une vie.» Nous sommes encore loin des Apocalypses chrétiennes et musulmanes, néanmoins on y voit ce sentiment de crainte au sujet d'un avenir dont nul ne sait rien, on y perçoit également cette urgence de vivre pleinement comme si nos jours étaient comptés. Très loin de ce monde mythique gréco-romain où chaque soupir était narré en rime et en épopée, et plusieurs siècles plus tard, dans une Arabie où chaque dune était un amphithéâtre. Les Arabes consommaient avec énormément de sagesse et de lucidité cette existence précaire. La poésie antéislamique est l'un des meilleurs exemples de cet esprit stoïque et épicurien. Cette sensibilité arabe volatile et exceptionnelle perdurera encore long temps. «Sois dans ce bas-monde comme un étranger ou comme quelqu'un de passage». «Quand tu es au soir, n'attends pas le matin et quand tu es au matin n'attends pas le soir. Prends de ta santé pour ta maladie et de ta vie pour ta mort». (16) Notes : 1- Hela Ouardi, op.cit.p.228 2- Ibid.p.199 3- Casanova P. Mohammed et la fin du monde. Étude critique sur l'Islam primitif, 2 vol., Paris, P.Geuthner, 1911-1913.., (voir pages 17,18,19,20...) 4- Henri Laux, Imagination et religion chez Spinoza. La Potentia dans l'histoire, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1994. P.45 5- Hela Ouardi, op.cit.179 6- Hadith rapporté par Al-Bayhaqî, selon Abû Umâmah et mentionné dans Al-Jâmi? As-Sahîh, n° 2941. 7- Evangile, Luc (12, 32-48) 8- Evangile, Matthieu 24 9- 1ère lettre de St Paul aux Thessaloniciens, chapitre 5, verset 2 10- Hela Ouardi, op. cit. p.232 11- Alfred Loisy «L'Evangile et l'Eglise», Paris, Alphonse Picard et fils, 1902, p. 110-112 12- Maurilo Guasco, Le Modernisme. Les faits, les idées, les hommes, DDB, Paris, 2007, p. 101. 13- M. Guasco, op. ct., p. 101. 14- Maurice Blondel, «Histoire et Dogme, les lacunes philosophiques de l'exégèse moderne» dans Les premiers écrits, Presses Universitaires de France, Paris, 1956, p. 204. 15- Virginie Larousse, Apocalypse, le retour, Le monde des religions, 22-07-2016 16- Rapporté par Al Bukhârî (n°6416) Le Putsch des Califes, (Re)naissance de l'Islam Un Islam primitif peu loquace et chétif, une tentative d'assassinat sur un prophète mourant (le coup de grâce), un testament avorté, la conjuration d'al-Aqaba, des compagnons en train de manigancer avec des airs louches et des absences furtives et suspectes lors de la mort de leur maître, des échauffourées à la saqîfa des Banû Sâ?ida, des traditions islamiques tardives et fignolées pour les besoins de la «Fraude pieuse»... autant de présupposés et d'ingrédients pour donner crédibilité, sens et vie à la thèse du Putsch des Califes. Ainsi l'Islam n'étant plus un dessein divin parfaitement élaboré avec l'envoi d'un prophète doté d'une mission très claire, ce serait tout simplement le produit d'un coup d'Etat. L'idéalisation et la sacralisation du prophète post-mortem seraient le fruit d'une culpabilité refoulée. La légende de l'Age d'or des Califes, simple propagande au service de la légitimation d'un pouvoir que l'on veut arbitrairement inscrire dans une continuité historique, religieuse. Nous avons manifestement là affaire à un véritable thriller. «Après la mort du Prophète, Abû Bakr et ?Umar feront ainsi une entrée décisive sur la scène de L'Histoire. Ne sont-ils pas finalement les fondateurs véritables d'une nouvelle religion qu'ils doivent reconstruire sur les ruines d'une croyance primitive qui s'est effondrée brusquement à l'instant même où Muhammad est mort ... Tout se passe comme s'il y avait une volonté délibérée de faire disparaître l'échafaudage sur lequel la nouvelle religion s'est érigée.» 1 «Ruines d'une croyance primitive», C'est ainsi que Héla Ouardi émoustillée par une ambiance de surenchère, régurgitant la pensée et l'énoncé sempiternels de l'école historico-critique, nomme la période relative à la vie du prophète Mahomet, elle classe de manière effrontément désinvolte le Coran, la Révélation, les témoignages contemporains du prophète dans la catégorie des « Ruines de Croyance primitive» En emboitant le pas de Hela Ouardi, j'ai comme l'impression de relire notre cher Orléanvillois Paul CASANOVA : «Lui mort, il fallait que l'union intime énoncée par le Prophète entre sa venue et la fin du monde fut dissimulée ou niée, sous peine d'anéantissement pour la nouvelle foi. C'est à cette pieuse fraude que nous devons le Coran d'Abou Bekr et d'Othman ; c'est elle que l'historien doit mettre en évidence avant de procéder à la reconstitution de la doctrine initiale de l'Islam.» 2 Ce qui embarrasse les spécialistes en historico-critique et autres révisionnistes, c'est cette césure, cette faille béante entre un Christianisme et un Islam primitifs et une continuité qu'ils considèrent comme «illégitime» un produit [ ex-nihilo]. «Les IIIe/IXeet IVe/Xe siècles se donnent donc à lire comme un moment tout à fait central dans l'élaboration de l'histoire et de la tradition islamique. Il ne s'agissait toutefois pas d'un acte de fabrication ex nihilo comme certains l'affirmèrent... Il est désormais acquis que les auteurs de l'époque abbasside composèrent leurs sommes à partir de matériaux préexistants plutôt qu'ils ne forgèrent de toutes pièces une histoire sacrée des origines» 3 On se trouve confronté à un hyper-criticisme qui exige qu'on lui prouve la traçabilité incontestable et franche d'une continuité historico-religieuse qui va du Bon Dieu ou de ses prophètes jusqu'à aujourd'hui. Ainsi, pour les «Modernistes», la mort de Jésus et de Mahomet semble marquer une rupture brutale entre cet instant «initial» ce «big-bang» prophétique considéré comme ténébreux et lacunaire et entre cette prétention vigoureuse affichée ultérieurement par leurs disciples qui revendiqueront une certaine obligation et légitimité à poursuivre l'enseignement de leurs maitres respectifs. Il y a de quoi demeurer pantois. Comment peut-on conférer le rôle d'apôtres et de compagnons qui portent dans leur chair et dans leur âme la présence et le logos de leurs maîtres tout en leur refusant toute velléité ou initiative d'agir en conséquence de cause, c'est à dire perpétuer une mission divine dont le prophète n'est qu'un intermédiaire, un annonciateur. Le rôle/mission attribué au prophète ainsi que l'enseignement que doivent tirer les fideles de sa vie [ Sira/Sunna] préfigurent l'avènement d'une communauté dont la foi et la vie sociale allaient progressivement se cristalliser autour de ces fondamentaux [ Coran/Sunna]. «Et Nous ne t'avons envoyé qu'en miséricorde pour l'univers.»(Coran 21 : 107) «Et tu es certes d'une moralité éminente.» _( Coran 68 :4) «En effet vous avez dans le Prophète un excellent modèle, pour quiconque espère en Allah et au Jour dernier et invoque Allah fréquemment.» _( Coran 33 :21) «Je n'ai été envoyé que pour parfaire les hautes moralités» 4 Il en va de même pour les apôtres de Jésus, la notion d'une apocalypse imminente est totalement écartée dans la mesure où dès le début on voit apparaitre clairement la mission qui leur sera dévolue, à savoir la diffusion d'un message prophétique et divin qui n'aurait pu se réaliser sans l'instauration de l'Eglise ou d'une autre institution dépositaire et garante de la pérennité de l'héritage du Christ. «Puis il leur dit: Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création.» 5«Allez, faites de toutes les nations des disciples.» 6 L'obligation d'une désignation de succession n'était pas forcement nécessaire, les compagnons du prophète Mahomet ressentaient également le devoir de prendre eux-mêmes les décisions qu'ils avaient jugées opportunes, nécessaires et vitales pour la survie de la communauté dans un esprit de continuité fidèle à la volonté du prophète incluse [indissociablement] dans la parole divine. A l'aube de cet Islam primitif, on voit déjà se dessiner la notion de la communauté, d'une société et d'un système politique de type électif, mode de gouvernance qui constituera un mobile suffisant pour les Califes, les incitant à agir selon ces consignes pourtant assez claires.«Qui répondent à l'appel de leur Seigneur, accomplissent la salât, se consultent entre eux à propos de leurs affaires» (Coran 42 :38) «Et consulte-les à propos des affaires; puis une fois que tu t'es décidé, confie-toi donc à Allah, Allah aime, en vérité, ceux qui Lui font confiance. » (Coran 3 :159) Quant à la sacralisation des prophètes, les textes ne contiennent aucunes ambiguïtés, ils ne furent que des messagers exceptionnels, mortels, humains avec leurs faiblesses, leur humanité. «et que nous ne prenions point les uns les autres pour seigneurs en dehors d'Allah». (Coran 3:64) «Ô Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens: «Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors d'Allah?» Il dira: «Gloire et pureté à Toi! Il ne m'appartient pas de déclarer ce que je n'ai pas le droit de dire! Si je l'avais dit, Tu l'aurais su, certes. Tu sais ce qu'il y a en moi, et je ne sais pas ce qu'il y a en Toi. Tu es, en vérité, le grand connaisseur de tout ce qui est inconnu.» (Coran 5:116) Les musulmans n'invoquent pas le prophète (pour une absolution quelconque ou un miracle), ne se prosternent pas devant le prophète. «Et quand Mes serviteurs t'interrogent sur Moi... alors Je suis tout proche: Je réponds à l'appel de celui qui Me prie quand il Me prie. Qu'ils répondent à Mon appel, et qu'ils croient en Moi, afin qu'ils soient bien guidés.» (Coran 2:186) Le musulman construit sa vie autour de la parole de Dieu et la mort du prophète n'est pas la fin du monde pour le musulman. Toutes ces sourates et combien d'autres convenablement ordonnées, interprétées et contextualisées traduisent et annoncent d'emblée (à l'aube de cet Islam primitif) l'avènement d'une communauté de croyants dotée dune religion codifiée, une communauté qui se projette dans un avenir en développement, un avenir à construire politiquement, socialement, économiquement, moralement selon les principes d'une révélation intangible, immuable et définitive. «Aujourd'hui, J'ai parfait votre religion pour vous et J'ai accompli Mon bienfait sur vous. Et J'ai choisi l'islam comme religion pour vous.» (Coran 5:3) Sachant que les paroles du prophète font office de sentences, de préceptes, de recommandations qui lui sont dictées par Dieu. «Votre compagnon ne s'est pas égaré et n'a pas été induit en erreur. Et il ne prononce rien sous l'effet de la passion; ce n'est rien d'autre qu'une révélation inspirée. Que lui a enseigné [l'Ange Gabriel] à la force prodigieuse.» ( Coran 53 : 2-3-4-5) Comment peut-on alors d'une part dégager à travers ce discours du prophète l'énonciation et l'annonciation solennelle et sans aucune ambiguïté d'une «Religion parachevée, et de la proclamation de l'Islam comme religion, et faire croire par la suite que cet «Islam primitif» était dépourvu de toute substance qui préfigure un patrimoine prophétique concret susceptible d'inciter les fidèles et particulièrement les Califes à poursuivre son enseignement. S'il y avait un «âge d'or» de l'Islam que les gens font semblant de méconnaitre c'est bien celui que l'on se complait à nommer « L'Islam primitif», période où tout a été dit, récité, transmis, consigné dans des cœurs et des mémoires exceptionnels. «Dans une société d'oralité, l'écrit n'est pas un livre que l'on feuillette, mais le Destin au sens de discours fixe ou de discours annonçant un avenir fixé. Ainsi l'islam comme religion du « Livre » ou plutôt de « l'écrit » serait d'abord une religion qui déclarerait s'être vue annoncer son destin.»7 Deux scripts et seulement deux auraient été crédibles, plausibles, convaincants et satisfaisants pour les révisionnistes : 1) On aurait tant voulu que les prophètes aient pu vivre assez longtemps, tout le temps pour pouvoir fonder eux-mêmes et non pas par «procuration» une communauté, une religion et ainsi rester constamment présents pour rendre compte de l'évolution des choses. 2) Sinon le monde aurait dû se mettre en stand-by après leur mort, avec des apôtres de Jésus qui vaqueraient à leurs activités initiales et les compagnons de Mahomet qui s'immergeraient dans leur douillet paganisme. Les uns et les autres auraient du se murer dans un mutisme et une amnésie consentis et cesser d'évoquer ou d'invoquer leur prophète, la religion et Dieu. Cette posture tyrannique qui consiste à exiger que les choses se soient déroulées selon les convenances de l'historien est non seulement contreproductive mais inquiétante. «La confusion de la Tradition sur la cause de la mort de Muhammad est sans doute l'indice qu'elle tente (maladroitement) de dissimuler un crime.» 8 Voilà comment à partir de simples hypothèses tirées péniblement d'un écheveau de paradoxes et d'approximations on en arrive à produire une vérité confirmée. C'est totalement hallucinant. L'Enquêtrice Hela OUARDI aurait du savoir qu'en matière criminelle, il faut nécessairement qu'il y ait «mobile du crime». Pourquoi deux compagnons fidèles et dévoués (c'est ce qu'ils étaient réellement car le terme et le statut de Calife n'existait pas encore) auraient-ils assassiné le prophète de Dieu. Il n'y avait aucun trône, aucunes fortunes, aucuns privilèges à convoiter. Il n'y avait que des ennuis qui s'annonçaient et s'amoncelaient à l'horizon. Quel enquêteur digne de ce nom (car c'est l'uniforme qu'elle porte et c'est aussi l'intitulé de son livre) aurait éludé la question du «Mobile». Le nombre incalculable d'assassins qui se sont bousculés pour entraver la marche de l'Islam pensant parfois bien faire, voulaient-ils tous devenir Califes ou n'étaient-ils que des illuminés ou tout simplement des névrosés instables. Le Califat tel qu'il sera dépeint plus tard ne renvoyait à l'époque de «l'enquête» de Hela OUARDI à aucune réalité tangible, alléchante et envisageable au point de justifier un assassinat, et qui plus est l'assassinat du meilleur ami et d'un prophète en fin de vie qui ne représentait aucune menace sérieuse hormis cette fadaise de testament. De toutes les manières, [ l'auteur reconnait elle-même avec une candeur époustouflante que son Roman n'est que le fruit de spéculations, d'extrapolations, d'hypothèses et questionnements, tel sera le squelette de l'œuvre, l'aboutissement d'une enquête, la révélation du siècle ] nous ne trouverons dans ce roman que des vérités imaginées et déduites à partir d'hypothèses, peut-on sérieusement considérer cette réalité virtuelle et résolument romanesque, ce syllogisme qui se mord la queue comme quelque chose que l'on puisse lier aux efforts intellectuels précédents qui se prévalaient d'une sérieuse méthodologie historico-critique et qui finiront quand même dans un cul de sac. «Dieu ne répond pas aux sommations de la curiosité, de la logique, du sens commun, de la vulgarité morale. Son signe toujours à la fois éclatant et mystérieux, discret et pressant, s'adresse aux âmes en travail »9 Séparer le mythe de la réalité, telle aura été depuis longtemps la besogne prométhéenne à laquelle se sont fébrilement dévoués des contingents d'historiens. Les récits bibliques qui sont l'âme juive depuis plus de deux mille ans seront passés au crible, hélas il n'en sortira de ce monumental chantier historico-critique et archéologique que quelques Nano-artefacts, des miettes, portion congrue, en guise de vérité, dont doivent désormais se contenter les historiens. Ainsi la quasi totalité des enquêtes archéologiques infirment à l'unanimité l'historicité des récits bibliques, à tel point que l'on vienne à se demander si ce peuple a réellement existé en tant que tel, on décidera finalement de rédiger bien que tardivement et intentionnellement une version revue et corrigée à des fins idéologiques, politiques ( affaire d'agenda et de pouvoir)... Qu'il en soit ainsi, en dépit de ce tsunami qui vient balayer une légitimité ethnique, géographique, religieuse, politique, idéologique... Les Israéliens et notamment les Ultras, persistent et soutiennent mordicus ( mythe ou pas ) qu'ils ne changeraient pour rien au monde leur histoire, voila un comportement comme ceux que j'aime. Le Christianisme n'en sortira pas indemne de cette fouille au corps, on a affaire au même dilemme mais doublement plus compliqué, il s'agira d'abord là aussi pour le plus grand bonheur des historiens, de dégager le Juif historique de cet amas de récits fabuleux autour d'un Christ théologique, chose absolument impossible, ensuite c'est à propos de l'Eglise et de ses pères putatifs qu'il faudra aussi en déterminer les liens de filiation avec l'héritage d'un « Christ» déjà considéré comme hypothétique. D'un Christianisme primitif, balbutiant, hésitant, terriblement menacé de toutes parts, la Foi s'accroche désespérément et de tribulations en tribulations, de transhumance en transhumance, le temps passe et la résistance finit par payer. Quelques dizaines d'années après la mort du Christ, une somme extraordinaire de récits sur ce mystérieux prophète commence à circuler, des théologies disparates qui s'entredéchirent au sujet d'une vérité insaisissable, de la foi et de l'âme des fidèles. Cela durera plusieurs siècles jusqu'au jour où un Empereur visionnaire, pragmatique et non moins païen (ça a peu d'importance) néanmoins assez lucide et conscient du pouvoir de cette Foi fédératrice, cette machine de guerre invisible, décide de faire du Christianisme la Religion d'Etat dont il serait le «Président» 10 Il inaugure ainsi le césaropapisme, une pratique de gouvernement qui se caractérise par la confusion des affaires séculières et des affaires religieuses entre les mains du souverain. L'Eglise surfera sur cette vague scélérate et aura désormais le privilège de gérer les Âmes, les fortunes financières et immobilières ainsi que les trônes des Rois. Elle aura les pleins pouvoirs et notamment celui de gommer toutes les dissidences, les schismes et les hérésies (persécutions massives, bûcher, inquisition, excommunication, complot et assassinat, intronisation de Papes dégénérés, scandales sexuels...) qui ponctueront son règne éternel et extrêmement prospère. Le Christ n'aurait pas pu faire mieux car son royaume n'était pas de ce monde et le Messie n'était pas fait pour les affaires. Le Vatican II tentera d'assainir l'air en «ouvrant les fenêtres.», piètre tentative. «Reprocher à l'Église catholique tout le développement de sa constitution, c'est donc lui reprocher d'avoir vécu, ce qui pourtant ne laissait pas d'être indispensable à l'Évangile même. ... En même temps, chaque progrès s'explique par une nécessité de fait qui s'accompagne de nécessités logiques, en sorte que l'historien ne peut pas dire que l'ensemble de ce mouvement soit en dehors de l'Évangile. Le fait est qu'il en procède et qu'il le continue.»11 Cet obsessionnel et grotesque entêtement à vouloir déterrer des indices épigraphiques au milieu des sables ou des espaces géographique assez restreints et parmi un peuple de l'oralité traduit quelque chose de pathologique du même ordre que cette fièvre de l'or qui poussait autrefois les orpailleurs à la limite de la folie à chercher désespérément et en vain le bon filon, passant le plus clair de leur temps et après tant d'efforts à ne récolter que des particules infinitésimales et affligeantes . Cette «évidence de l'absence» évoquée par Frédéric Imbert 12que l'on doit, faut-il rappeler, appliquer équitablement aux trois religions monothéistes, devient plus grotesque encore lorsqu'elle est abusivement utilisée comme «preuve de l'absence voire de l'existence», ce négationnisme absurde imaginé par l'archéologue israélien Nevo Yehuda 13qui ira jusqu'à nier l'existence même du prophète Mahomet alors qu'il aurait du s'inquiéter davantage de l'existence de tout un peuple, en l'occurrence le sien, lorsque celui-ci sera remis en question par des historiens et autres archéologues très sérieux et de même nationalité que la sienne. Ses confrères ont ratissé tout le Proche Orient, après avoir eu tous les moyens, tout le temps et l'espace nécessaires pour accoucher en définitive de conclusions terriblement décevantes et effrayantes pour l'histoire et l'historicité du peuple juif ainsi que de sa religion. Mahomet n'a plus rien à craindre. Que l'auteure Hela OUARDI soit rassurée, l'Histoire de l'Islam n'est pas si singulière dans cette constellation d'Empires façonnés pour la gloire de Dieu et avec les moyens de l'époque, fréquemment peu conventionnels. «Cela ne signifie pas que le passé ainsi rapporté est nécessairement manipulé, voire inventé, mais plutôt que le sens qui lui est assigné est intrinsèquement lié à l'époque de composition d'un texte. Dans une perspective d'histoire des sens, le travail de réécriture auquel se livrent les auteurs de l'âge abbasside n'est pas à interpréter en terme de falsification.» 14 Ainsi, on remarquera une similitude étonnante entre ces trois religions monothéistes : un passé brumeux qui interdit l'accès à un Historicisme va-t-en guerre, outrecuidant et borné qui se noie complètement dans un espace-temps illisible et inintelligible (absence de sources ou pléthore de sources contradictoires, sources tardives). Une violence extrême qui jalonnera la naissance et l'essor de ces religions (guerres contre l'hérésie et l'apostasie, expansions impériales...) et enfin la crédibilité de ces pères fondateurs qui s'arrogent le droit de réagir à un certain tournant de l'histoire en s'estimant moralement interpellés et investis d'une mission divine : gérer la destinée d'une religion, d'une foi, d'une communauté «Le problème est inévitable; l'homme le résout inévitablement; et cette solution, juste ou fausse, mais volontaire en même temps que nécessaire, chacun la porte dans ses actions. Voilà pourquoi il faut étudier l'action ; la signification même du mot et la richesse de son contenu se déploieront peu à peu. Il est bon de proposer à l'homme toutes les exigences de la vie, toute la plénitude cachée de ses œuvres, pour raffermir en lui, avec la force d'affirmer et de croire, le courage d'agir.» 15 En dépit des nouvelles approches «moderniste / Historico-critique» qui ont investi avec zèle et opiniâtreté le monde hermétique de la foi, on constate que ces résiliences millénaires au sujet d'une foi qui ne se laisse pas commenter perdurent toujours. Il apparait presque impossible de [Re] concilier ces deux thèses extrêmes : un extrinsécisme indifférent à l'histoire et un historicisme et hypercriticisme nombrilistes et inflexibles.16 Lorsque on écrit un livre qui se prétend relever de la recherche historico-critique mais en se basant sur des légendes, des mythes, des récits contradictoires, on se laisse insidieusement piéger par cette Histoire que nous reconnaissons d'emblée comme peu crédible et instructive. [d'ailleurs seul point de convergence entre les Historiens], on s'égare, on se fourvoie, on s'oublie et on commence [c'est tout ce qui nous reste à faire] à conjecturer à tel point qu'il s'avère désormais difficile de tracer une frontière entre l'Histoire et le roman historique. Entre l'Historien et le romancier. A suivre *Universitaire Notes : 1- Hela Ouardi, op.cit.p.234 2- CASANOVA P., « Mohammed et la fin du monde. Étude critique sur l'Islam primitif », 2 vol., Paris, P.Geuthner, 1911-1913. p. 8 3- Antoine Borrut « Introduction : la fabrique de l'histoire et de la tradition islamiques », p.19 https://www.academia.edu/804681/Introduction à la fabrique de l'histoire et de la tradition islamiques/ http_remmm.revues.org 7053_ 4- Rapporté par Ahmad (8952), par Al-Boukhârî dans Al-Adab Al-Moufrad (273), d'après Aboû Hourayra . Ce hadith est jugé sahîh (authentique) par Al-Albânî dans As-Silsila As- Sahîha(1/112) (45). 5- Évangile selon Marc -16 6- Évangile selon Matthieu ? 28 :19 7- Jacqueline Chabbi, «Le Seigneur des tribus. L'Islam de Mahomet », Noêsis, Paris, 1997 8- Hela OUARDI, Ibid. p175 9- Maurice Blondel, Carnets intimes, t. II (1894-1949), Paris, éditions du Cerf, 1966 10- Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien, éd. Albin Michel, 2007, p. 141 11- Alfred Loisy, L'Évangile et l'Église, Paris, Alphonse Picard et fils, 1902, p. 110-112 12- IMBERT. F., « L'Islam des pierres : l'expression de la foi dans les graffiti arabes des premiers siècles », Écriture de l'histoire et processus de canonisation dans les premiers siècles de l'islam, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, N° 129, 2011, p. 55-77. 13- Nevo Yehuda D., Koren Judith,Crossroads to Islam. The Origins of the Arab Religion and the Arab State. Amherst-New-York, Prometheus Books,2003. 14- Antoine Borrut « Introduction: la fabrique de l'histoire et de la tradition islamiques », p.19 https://www.academia.edu/804681/Introduction à la fabrique de l'histoire et de la tradition islamiques/ http_remmm.revues.org 7053_ 15- Maurice Blondel, L'Action - Essai d'une critique de la vie et d'une science de la pratique, Paris, 1893, p.VII 16- Maurice Blondel, Histoire et dogme : Les Lacunes philosophiques de l'exégèse moderne,p. 430. |
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