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«Tout se joue dans l'enfance : les liens de tolérance, de cohabitation. L'Ecole doit combattre les ségrégations. L'homme n'arrive pas à tirer les leçons de sa mémoire». Enki Bilal in Arte, 3 mai 2004 . Dans un article de fond paru, il y a quelques années de cela (dans ce qui fut pour nombre d'entre nous l'incontournable et fort apprécié hebdomadaire Algérie-Actualité(2)), le professeur K. Benmiloud s'interrogeait à juste titre sur l'inertie désespérante et «interpellante» de nos sociétés et affirmait sans détours que leur « silence sociologique» était porteur de leur décadence. Ces sociétés, s'interrogeait-t-il, «sont-elles aujourd'hui vivantes ? Sont-elles en progrès économique, social, politique, culturel ? Parlent-elles et que disent-elles ? Ou bien, sont-elles seulement en mouvement mécanique, dénué de finalité?» (3). Questions pertinentes, graves, désarçonnantes même, qui nous confrontent in fine à de sordides et rebutants constats reflétant impitoyablement l'inanité d'un présent fastidieux, immobile. Un présent apathique, voire pathétique à plus d'un égard, parce que sans expériences porteuses, probantes ; sans initiatives stimulantes et sans nécessités vitales, primordiales, qui, seules fondent la force de l'engagement pugnace, tenace, et l'espérance revigorante. En fait, un présent tout ce qu'il y a de plus ambigu, délabré, désaxé, déglingué, voire dévitalisé, qui ne fait qu'égrener l'instantanéité de chaque moment ou unité indiciaire de temps sans l'assumer, sans la vivre intensément et profondément. Présent livide, comme intrinsèquement défiguré parce que lamentablement dépourvu de cap directionnel, d'ardente, vive et stimulante intensité. Par quel mystérieux et sombre maléfice idéologique en sommes-nous donc arrivés à cette issue, à ce stade fatal d'inertie? Par quel sacrilège ou quelle innommable conjuration, les choses on-t-elles pu évoluer ainsi? Autre question qu'il faudrait emboîter, rattacher, aux autres pour essayer de comprendre le sort invraisemblable des sociétés arabo-islamiques, hier pleines de vie et flamboyantes, aujourd'hui emmurées dans un silence quasi-cachectique qui annihile tout effort de parole, de sens et d'expression. A l'origine de cette toile de fond, se trouve indubitablement et inévitablement l'économique comme matrice nodale de tous les possibles et alternatives en de multiples domaines (politique, culturel, social...). Après s'être fait curieusement doublés, floués et subsidiairement dépossédés d'un incontestable leadership exercé jusqu'alors de mains d'experts en matière de commerce et de négoce (épices, soie et métaux précieux, entre autres) par les Occidentaux lors de l'inauguration de nouveaux couloirs maritimes d'échanges, les musulmans cessent en fait-dès cette période charnière-d'être partie prenante dans la nouvelle donne géopolitique et/ou stratégique. Comme pris de court et sans doute même un peu désorientés par la série d'évènements en cours, avec notamment la volatilisation de leurs ambitions maritimes, ils se virent tout bonnement éjectés de leur statut d'acteurs à part entière dans l'écriture de l'histoire moderne. Dès lors, ils devinrent de plus en plus dépendants non seulement en raison de cette marginalisation-remarquée autant que prolongée-des nouveaux circuits porteurs mais aussi parce que se situant désormais en net retrait par rapport aux nouveaux enjeux en gestation et se contentant d'occuper le statut peu enviable de simples consommateurs(4) de transactions multiformes siégeant, évoluant, prospérant désormais dans d'autres places politico-financières stratégiquement fortes(5). Cela est encore plus vrai aujourd'hui encore avec tout le bric-à-brac qui nous est fourgué de l'étranger tandis que nos moyens de production demeurent désespérément grippés, aphones et amorphes. Et tandis que, subitement revigorée et ragaillardie l'Europe entrait subrepticement en scène, étalant ses insatiables appétits et pariant notamment sur son «agrandissement» essentiellement par le commerce et les armes, le monde arabe (comme progressivement en perte sèche de vitesse ou, du moins, un manque évident de réactivité et une insuffisante flexibilité de ses ressorts dynamogènes), en sortait plus que fragilisé: affaibli, démembré. L'on sait en effet que pour de multiples raisons, la riposte appropriée et adaptée à une telle mise à l'écart-afin de reprendre immédiatement pied dans le jeu géopolitique/stratégique soudainement re-configuré et annoncer précisément un recentrage efficient-, ne vint donc pas sur le champ. Elle tardera et tarde d'ailleurs encore à venir. Et de fait, force est d'admettre que le grand mouvement d'idées novatrices, re-modelantes, qui caractérisa le premier tiers du XVIè siècle n'effleura même pas, ou alors à peine, un monde arabo-musulman littéralement plongé dans un immobilisme ambiant étouffant/ankylosant, et autres versatiles fantaisies ou loufoques lubies. Comme se complaisant dans une désertion plus que coupable, par mégarde ou fatale méprise, il semblait ainsi s'engager inexorablement dans un «déviationnisme historique» dont il n'a pas fini du reste d'en payer lourdement le prix fort jusqu'à l'heure actuelle. Pourtant, les guerres de libération contre l'hydre colonialo-impérialiste prouvent que ses forces vives sont à même de relever les plus grands défis. Concrètement, allaient en résulter inéluctablement des dépendances en cascade. Dépendance d'abord économique mais qui, progressivement et chemin faisant, se transformera en inexorable, prenante et asphyxiante dépendance sur les plans politique, culturel, scientifique, idéologique ... Et pour cause, l'activité tant productrice que reproductrice de biens matériels et immatériels qui sous-tendait la vigueur et la teneur de la civilisation musulmane ayant peu à peu cessé par manque de ressources financières, de moyens, d'initiatives stimulantes et innovantes concrètes, toute création culturelle digne de ce nom devint pour ainsi dire quasiment vaine. Là encore, de producteur, façonneur et transmetteur de modèles culturels, le monde arabo-musulman se transformait/transmuait inexorablement en prenant peu à peu le pli de simple consommateur (6)et, qui plus est, de spectateur même puisqu'ayant subitement cessé-faute d'avoir su/pu enclencher en temps voulu les réformes d'appoint attendues, gérer convenablement l'héritage des illustres prédécesseurs et préfigurer les inévitables mutations en cours-de participer à l'écriture de l'histoire du monde contemporain. Encore qu'il faille tout de même nuancer un tant soit peu une telle assertion dans la mesure où des prémisses de changements réels étaient déjà en cours avec Mohamed Ali en Egypte, Kheireddine en Tunisie et l'Emir Abdelkader en Algérie... Aussi, doit-on souligner à ce propos que si les facteurs de dissension et de zizanie proprement internes (le fameux «cheveu/filin de Mouawyya» !!!) ne sont point à minimiser ni négliger non plus, il convient d'insister particulièrement sur l'immense travail de sape généré et induit ensuite par l'odieuse et terrifiante machinerie coloniale. Laquelle dans toute son horreur, son abomination et sa froideur calculées, devait aboutir à un démembrement et un dérèglement généralisés, aux effets durablement ressentis parce que cumulés et agissant de concert dans les assises mêmes des sociétés considérées. Il est de notoriété que par ce mesquin et pervers travail de sape, la colonisation a fait disjoncter et ''dérailler'' nos sociétés qui étaient fonctionnelles et à jour dans leur codification interne comme en témoignait de surcroît le dense, imposant et important réseau d'écoles coraniques, de zaouias et madrassas qui contribuaient pleinement et utilement à l'équilibre du tout social. En sachant par ailleurs que dès le XXIIIè siècle les portes de l'Ijtihad furent déclarées impérieusement fermées, cela prouve indiscutablement que les zizanies (sans oublier les infiltrations exogènes) idéologiques étaient déjà fortement prégnantes et nettement avérées. Mais aussi que les propensions velléitaires, réfractaires, aux interprétations par le tout venant, à droite et à gauche-comme cela est d'ailleurs encore patent aujourd'hui-, étaient déjà monnaie courante contribuant de la sorte à semer dans les esprits le trouble, le doute, la contradiction assassine et les divisions internes qui ont toujours servi au premier chef les intérêts des ennemis extérieurs. Cependant, il ne faudrait pas perdre de vue aussi que, en 1492, les juifs chassés et expulsés d'Espagne (et du Portugal en 1496) se réfugièrent et s'établirent prioritairement dans nombre de pays musulmans où ils eurent tôt fait de s'introduire, s'installer, dans les circuits/rouages vitaux des sociétés d'accueil pour se livrer à nouveau à leur jeu favori d'intrigues, de conspirations et de félonies avérées pour contrecarrer tout essor décisif, toute évolution significative. Une autre vague de la même diaspora déferlera encore vers ces mêmes sociétés lors de l'expulsion, en 1595, des Arabes d'Espagne. Animés par une hostilité séculaire, ils ne cesseront d'ailleurs d'exercer, jusqu'à l'heure actuelle en sous-main ou en catimini, ce rôle éminemment perfide et pervers comme eux seuls savent le faire, tout en s'amusant à étiqueter d'antisémitisme quiconque en vient à les dénoncer, voire pointer simplement du doigt. Alors qu'ils se montrent sans concession contre tous les autres, on les voit faire systématiquement de l'appel d'air pour se faire passer comme d'éternelles et «innocentes» victimes. Après avoir contribué de manière directe au déclin de l'Andalousie et porté pareillement la pleine responsabilité du sabordage (injection de fausse monnaie) de l'économie naissante de l'Espagne chrétienne, ils auront le culot d'émigrer dans les pays arabes où ils trouveront sans difficulté aucune à la fois refuge, compassion et assistance. Ils ne tarderont pourtant pas à montrer rapidement leurs griffes typiquement acérées en s'y livrant en toute impunité à leurs combines favorites et fallacieuses roublardises en suçant, comme des vampires insatiables, tous les fruits des efforts entrepris dans ces mêmes contextes et en y injectant en retour, en continu, les doses nocives voulues pour provoquer, accélérer, les germes de la déroute, la division et la discorde consommées. Ainsi, il est fait état de circulation de fausse monnaie à Alger avant 1830, comme relatée par les chroniques historiques-Agissant à la manière des chenilles processionnaires, ils prendront le temps de s'infiltrer encore une fois dans tous les rouages institutionnels pour étouffer, contrecarrer et entraver, par leurs combines et autres filouteries, toute perspective d'essor significatif et, dans le même temps, s'assurer surtout la pérennité de leur infâme implantation. Du Golfe au Maroc, ils ont encore aujourd'hui les coudées franches, parce que bien placés dans toutes les structures de contrôle et de décision. Mais aussi, il ne faut point le nier, à cause de nombreuses complicités locales, pour poursuivre-en sourdine-leur indéracinable vilénie et profonde aversion envers les emblèmes qualifiés de l'Islam ou de l'Arabité ancestrale. Dans le même temps, une chape de plomb imposait de facto une véritable et pesante loi du silence pour empêcher quiconque d'avoir à soulever le cas échéant de tels détails et encore moins s'y appesantir. Ce faisant, en catimini et en sourdine, le lobby juif réussira à imposer, par contrôle de médias interposés, une véritable pensée unique à l'échelle mondiale. La dynamique culturelle grippée ou freinée, la matrice culturelle bloquée par un excès flagrant tantôt de conservatisme, tantôt d'immobilisme, le politique et le social seront à leur tour impitoyablement phagocytés, déstructurés; et, dès lors, immanquablement déréglés, détraqués et figés. K. Benmiloud écrivait : « Libérés, libres, nous ne sommes viables que si nous restons économiquement auteurs de nos productions et de nos progrès ». Or cette condition, nous le savons, n'est plus de mise pour ce qui concerne le monde arabe, voire arabo-musulman, dans sa presque totalité. A titre d'exemple, toutes les places financières qui brassent l'argent de la planète sont installées dans le monde occidental (New -York, Paris, Londres, Genève, Rome, Berlin...). De plus, l'ensemble des avoirs des pays arabes dort bien sagement dans les chambres fortes des banques occidentales. Ce n'est pas non plus l'effet du hasard mais simplement la conséquence d'un ordre économique et financier international conçu, inventé et habilement mis en place par les stratèges de la finance internationale qui relèvent bien, encore une fois, du bloc occidental, et davantage encore du puissant et vorace lobby juif y activant depuis des lustres, en particulier dans le segment des marchés dits hypothécaires. Mais aussi de complicités constantes et consentantes de la part de pouvoirs locaux et de régimes/gardes chiournes étonnamment dociles et coopératifs (en faisant même les yeux doux parce demeurés avec une mentalité de supplétifs), quand il s'agit tout particulièrement de gagner les faveurs d'un Occident obséquieusement adulé/courtisé et, dans le même temps, usant toujours de la même implacable main de fer(8) avec leurs populations respectives, allant jusqu'à entraver sciemment toute lueur de renouveau prometteur, propulseur. En fait, ce n'est ni par manque de réactivité ni encore moins d'inventivité que le monde arabo-musulman se trouve plus ou moins exclu des grandes inventions du temps présent mais pour cause de censures multiples, pluridirectionnelles, imposées par des Iznogoud nonchalants, invariablement lourdauds et patauds. Comme dans des équipes sportives, il y a ainsi des sociétés qui ont envie de gagner en avançant de victoire en victoire et d'autres pas, parce que tout simplement le «courant» ne passe plus avec leurs coachs/boulets respectifs. Qu'on ne s'y trompe guère: à l'abominable colonisation ont souvent succédé des régimes honnis qui, en termes d'exploitation, d'oppression, de mépris, d'assujettissement et d'avilissement des populations, n'ont absolument rien à envier aux pires méthodes du système supplanté comme le confirment les fourbes tracasseries bureaucratiques et autres visées d'endoctrinement/manipulation des masses ou d'obscurantisme consommés(9). Dans bien des cas, les inégalités, injustices et sombres fléaux de la corruption prédatrice ont vite fait de ternir et assombrir, comme par une sorte de funeste maléfice, le rêve d'après-indépendance(10). En témoignent d'ailleurs aujourd'hui les innommables interdictions faites à ces mêmes populations d'avoir à exprimer tout simplement leur soutien, leur indéfectible solidarité pour la noble et juste cause de leurs frères de Ghaza, alors que ces derniers se trouvent soumis, sans répit, à un abominable, monstrueux et inhumain déluge de feu perpétré par l'hydre sioniste. Par conséquent, il ne fait donc de doute pour personne que ce même lobby juif a eu (et c'est toujours le cas, n'en déplaise à ceux qui tendent à vouloir prouver le contraire) les coudées franches pour «formater», «programmer» et «configurer» à sa seule convenance le ''pedigree'' de telles imposantes et stratégiques institutions (B.M, FMI, OMC...). Devenues au fil du temps non seulement de véritables citadelles et dotées, comme chacun le sait, de pouvoirs exorbitants quasi-tutélaires sur l'ensemble de la planète et, subsidiairement, la quasi-totalité de ses richesses, mais aussi de véritables institutions/araignées s'arrangeant pour «prendre» entre leurs fils/tenailles des pays peu consciencieux dans la gestion de leurs affaires courantes. Placées aux premières loges(11) de ces mêmes citadelles, comme de bien entendu, les têtes brulées de ce lobby ne se priveront guère de s'adonner à leur jeu favori: les spéculations hypothécaires, subprimes et autres opérations risquées qui ne tarderont pas à conduire le système financier international vers une impasse presque en tous points similaire à celle ayant découlé de la fameuse récession de 1929 et dont les effets/séismes ne font pour ainsi dire que commencer. D'autre part, nul ne peut ignorer qu'à l'intérieur même du système capitaliste il y a des inégalités flagrantes, criantes, dues en grande partie à la place abusivement et ostentatoirement prééminente qu'occupe le billet vert dans le marché monétaire international. Cela dit, les économies de ces pays, même si elles font face aujourd'hui à des difficultés réelles, ne s'en portaient pas jusque-là si mal. Si l'on prenait le cas de la France, par exemple, elle compense allègrement certaines de ces difficultés conjoncturelles grâce à un esprit d'initiative et d'innovation qui fait de son industrie notamment un secteur performant et parfaitement compétitif dans certains domaines de pointe. Sa vie culturelle, même si elle subit de plus en plus l'hégémonie américaine(12), est malgré tout fort appréciable et témoigne d'une vitalité certaine. Mais en sera-t-il toujours le cas au détour de la crise financière sus-évoquée et dont les effets ne font en réalité que commencer? On ne trouve plus aujourd'hui ces dispositions(13) dans les sociétés arabes qui-du moins pour certaines-ont perdu ou monnayé leur identité, leur art de vivre, et probablement même une bonne partie de leur spiritualité profonde parce qu'elles se contentent de prendre sans rien donner ou imposer en retour, à quelques exceptions près. Il n'est qu'à suivre, entre autres, les programmes de certaines chaines télévisées de ces pays pour s'apercevoir que l'on y «déverse» n'importe quoi et n'importe comment, sans la moindre retenue au sens éthique/moral du terme. S'adonnant quasiment en permanence à un mimétisme des plus terre à terre et sans goût aucun, on les voit reproduire à tour de bras des scènes fallacieuses et fades à l'excès. Même les spots publicitaires se mettent à faire des allusions au «nu», comme pour se mettre au diapason des normes occidentales à tout prix et se faire encenser au bout du compte comme étant «in» au détriment de valeurs confirmées de saine retenue et de décence convenue. Dans le même temps, on a pu voir des feuilletons de la Corée du Sud tels celui intitulé «Djawharat al qasr» (la perle du pa lais) riche d'une incontestable portée philosophique et morale, relatant des relations commandées par le sens de l'honneur, de la responsabilité, du sacrifice et de la fidélité à de grands principes intangibles; ou celui intitulé «l'empereur de la mer» qui, à quelques exceptions près, englobait les mêmes critères de hautes qualités morales, élevant les êtres vers des niveaux proprement inégalés et où l'on pouvait voir des hommes converser en aparté avec des femmes en ayant les yeux systématiquement baissés vers le sol, exprimant ainsi un total et loyal respect de codes prescrits. Sans oublier qu'à tout cela s'ajoutait la touche référée à l'habillement, portant elle aussi l'empreinte d'un raffinement élevé et assurément exquis. Ce qui, soit-dit au passage, semble loin d'être le cas dans d'autres contextes, désespérément tarabiscotés et concassés, où ne prédominent plus que les seules préoccupations faites de sournoises hypocrisies, flagorneries, mesquines compromissions ou infidélité notoires. Le tout fulminé le plus souvent au détour de scabreuses contorsions et révulsives veuleries comme si, en un clin d'-il ou par simple claquement de doigt, ne subsistait plus rien de tout un patient héritage légué par nos admirables devanciers. Or, fait remarquer K. Benmiloud, «une société qui se contente de recopier, sans innover, entre irrémédiablement en décadence. (Par contre), une société qui parle, c'est-à-dire qui produit de la culture est en progrès constant. Mais pour parler, une société doit être réellement libérée dans sa vie économique ; elle doit avoir couvert ses besoins matériels ». C'est précisément le maillon qui manque à la chaîne. D'où l'équation : une économie dépendante ne peut, en définitive, que générer une culture dépendante. Il en est ainsi déduit que «une société arabe inerte est une société fatalement silencieuse. Il faut en effet un niveau de satisfaction du besoin acceptable pour que des énergies soient disponibles à la création culturelle »(14). Sans vouloir nécessairement entrer dans le vif des détails, il ne faisait là évidemment que décrire en gros une situation générale prévalente à un moment donné. Depuis, il ne fait aucun doute que d'autres données factuelles ont progressivement émergé et doivent, par conséquent, impérativement retenir l'attention de tout observateur. C'est dire que pour pouvoir cerner plus en détail ces nouveaux contours en question, il convient de prendre en compte les causes multiples, prolixes, qui provoquent et matérialisent immanquablement ce retrait «visible» de la scène politique, économique, sociale, culturelle, spirituelle même. Des sociétés comme le Koweït, l'Arabie Saoudite ou autres-ont apparemment leurs besoins de base satisfaits mais ne produisent pas grand chose sur le plan culturel (15)et restent, de ce fait, étroitement dépendantes d'autres sphères hégémoniques (américaine ou anglo-saxonne notamment). Il ne suffit pas, en effet comme l'ont d'ailleurs relevé d'autres analystes, d'avoir beaucoup d'argent pour être assuré de pouvoir se développer et avancer avec détermination vers l'essor, le progrès. D'autres conditionnalités sont donc requises et, au premier chef, la formalisation d'un véritable projet d'avenir porteur, mobilisateur et fédérateur. Ensuite, une démarche clairement affirmée d'innovation et de structuration des perspectives nouvelles envisagées. Dans bien des cas, ce qui nous est «fourgué» et comptabilisé-rubis sur l'ongle-comme «activités créatrices» ne doit aucunement faire illusion. A l'image, par exemple, de ces productions plus que douteuses et d'une platitude consternante relevées, ici ou là, dans les domaines de l'édition, du cinéma, du théâtre, de l'information- C'est bel et bien le règne éhonté, débridé, du «heff», du «khortisme»(16), du boniment, du bluff, de l'entourloupe généralisés et, qui plus est, formellement institutionnalisés, pérennisés. Tout semble n'être désormais que simulacre, faux semblant, verbiage creux, pacotille, toc, postiche et vulgaire vernis du moment que la question-clé-centrale et primordiale-de l'éthique, du sens moral et du sens esthétique ne semblent apparemment plus préoccuper grand monde. Même la presse, anormalement séduite par des considérations purement mercantilistes-par publicité interposée-, n'exerce plus comme avant son pouvoir critique sur de telles productions fanées, décrépies, rabougries et desséchées, avant même d'avoir vu le jour. Et, en l'espèce, la loi du nombre ne doit aucunement faire illusion, encore moins diversion ; car sous de fausses apparences d'ouverture, de pluralisme et de diversité, le verrouillage grabataire reste encore de mise à bien des égards. Dans les années soixante-dix (avec pourtant un nombre infime de journaux comparativement à la pléthore d'organes de presse qui sévit aujourd'hui), le moindre film qui passait à la cinémathèque était passé au crible, analysé, fouillé, décortiqué et disséqué avec une rigueur d'expert(17). Et le lecteur pouvait légitimement se délecter des coups de dents (ou de scie!) assénées à tel ou tel film, telle ou telle pièce de théâtre sans complaisance aucune. Y a pas à dire, il y avait bel et bien dans ces années-là une atmosphère culturelle et intellectuelle certaine qui étendait ses bénéfiques et dynamogènes effets dans tous les segments de la société en lui imposant tout à la fois un certain rythme et même une certaine classe qui, du reste, n'avait rien à envier à l'ambiance dite quartier latin, à l'image des librairies foisonnantes et des cafés qui orbitaient autour des facultés dans le centre d'Alger de naguère. A l'image de ce côté un peu romantique qui, telle une aura immaculée, semblait couvrir de son ombre les étudiants de cette période vraisemblablement révolue. Au risque de bousculer des idées reçues, il est permis de dire que la presse, suite aux fréquentes admonestations (façon «-il rouge») en provenance des centres de pouvoir, en est venue à s'imposer et s'infliger, en plus de la censure formelle convenue, une autocensure pour ne pas avoir à faire les frais d'humeurs officielles «gerbantes» ou frondeuses à l'excès. Aujourd'hui, les faits divers et encarts publicitaires prennent le dessus sur toutes autres considérations. Le mercantilisme goguenard traverse désormais tous les segments et interstices de nos sociétés, y incrustant quotidiennement sa marque fruste et indélébile empreinte. La bonne foi, l'engagement citoyen, le sens de la discipline, la déférence, la probité, la droiture, la rectitude, la politesse et la courtoisie, se raréfient ou se chloroforment à vue d'-il au milieu d'un environnement social/«poudrière» en phase de désertification continue, dans tous les sens du terme. Aujourd'hui, paradoxalement avec tous les moyens disponibles, on sent tout de même que l'inspiration fait défaut et que le fast-foodisme culturel prend nettement le dessus parce que les gens, pris dans l'engrenage de la vitesse et du tatawul/tafakhûr El ijtima'i («compétition sociale»), ne se donnent même plus la peine de voir ce qu'ils mangent (ou plutôt bouffent et empiffrent). Tout passe dans les panses carnassières dégainées en non-stop, à tel point que même le risque d'obésité ne semble plus effrayer personne. Dès lors, une obligation vitale pour se remettre à flot: avoir une capacité d'adaptation et être suffisamment réactif pour déterminer exactement dans quelle direction se dessine l'évolution tout en faisant preuve d'une sacrée dose de persévérance, ténacité et pugnacité pour rester dans la course. Il semble tout de même qu'un premier déclic soit en cours comme cela se passe notamment aux Emirats Arabes où des citoyens avertis(18) choisissent de s'éloigner-volontairement et consciencieusement-de la ville mégalopolisée et «houbelisée» pour tenter ainsi de sauvegarder, préserver un mode vie ancestral face à la déferlante occidentalisante(19) qui s'abat sans répit et en non-stop sur les grandes agglomérations urbaines. Une façon salutaire aussi afin de tenter de sauvegarder un lien fécond avec la nature et un environnement sain, non pollué par le raz-de-marée technologique. Ils ont donc choisi de déserter la ville parce qu'il a été constaté que, de plus en plus, « la ville est livrée à elle-même sans la moindre règle de fonctionnement régissant la vie en communauté (_). La ville devenue un grand douar où tous les mécanismes et repères d'une vie moderne sont quasiment absents »(20). Une certaine manière enfin de prendre un nécessaire et indispensable recul pour ne point se laisser submerger, voire emporter, par un courant profondément, aveuglément, matérialiste et tape-à-l'-il ; peu regardant, en fait, sur une infinité d'autres choses (écologiques entre autres) pourtant radicalement essentielles, primordiales. Mais qu'en est-il de tous les autres se contentant de «singer» en continu des rythmes de vie formalisés dans d'autres contextes spécifiques, sans même les accompagner du souci constant d'adapter et agencer-de façon éclairée, lucide, réfléchie-de tels emprunts à nos propres cadres socioculturels et identitaires? Ceci étant dit, il n'en reste pas moins que la question du «silence sociologique» a également été soulevée dans le contexte spécifique de sociétés passant pourtant pour être techniquement ou culturellement plus avancées, plus outillées ou plus développées(21) et où néanmoins les simulacres de production ne doivent pas faire là non plus, aux yeux de certains observateurs desdites sociétés, diversion ou illusion. Pour notre part, nous distinguerons deux niveaux d'analyse. Le premier est nettement corroboré par les chroniques historiques qui en rendent compte et montrent qu'entre la civilisation occidentale et la civilisation islamique existe un rapport de force qui est toujours présent et qui n'est plus, du moins à l'heure actuelle, à l'avantage de la seconde. Le destin de ces deux civilisations semble scellé par un esprit de perpétuelle confrontation. Le dépeçage, le morcellement et le démembrement du monde arabo-islamique en Etats hétérogènes, rivaux, souvent opposés les uns aux autres sont une illustration parmi d'autres de cet affrontement sans merci. La mainmise des Anglais, ensuite des Français, puis tout récemment des Américains sur le Moyen-Orient et ce que l'on a appelé la route du pétrole est une autre version des enjeux serrés, implacables, qui animent, nourrissent et orientent de bout en bout ces mêmes rapports de force. Deuxième niveau d'analyse: le rôle joué par les centres de pouvoir locaux dont certains, notamment au Moyen-Orient encore une fois, furent mis en place avec l'aval direct des grandes puissances et qui appliqueront depuis une politique assidue, convenue, de dévitalisation, fragmentation et neutralisation du corps social en faisant appel à l'endoctrinement religieux, idéologique, au charlatanisme même, pour avoir la stabilité, la quiétude et la tranquillité assurées. Avec en prime, l'option inchangée du culte personnel qui «vampirise» et phagocyte les énergies fécondes et créatrices. Sociétés privées d'information, de livres porteurs, de médias. Sociétés quasi-médiévales traitées comme inaptes-voire incapables au sens juridique du terme , à s'assumer; privées de liberté, de moyens d'expression. Sociétés bloquées et réduites au silence pour ne pas poser à leurs frileux gestionnaires politiques (22)de problèmes majeurs ou insolubles, surtout ne pas remettre en cause le sacro-saint ordre établi. Sociétés souvent aux horizons délibérément fermés, verrouillés ou cadenassés, vivant leur quotidien au jour le jour et soucieuses avant tout de garantir les durs moyens de subsistance. Sociétés comme tenues en laisse par des despotes copieusement attachés à des pratiques archaïques de gestion d'un autre temps. Sociétés défaillantes, parce que tout simplement en faillite de ressorts dynamogènes et propulseurs servant à optimiser les volontés à même de mobiliser les énergies face aux enjeux impérieux, majeurs, du temps présent ou du futur proche(23). Au cours d'un précédent voyage dans la contrée du golfe, nous fûmes surpris de constater que la fouille imposée manu militari dans l'aéroport ne permettait pas de laisser passer un quelconque écrit, pas même une seule feuille d'un journal ou d'une revue de provenance extérieure. Tout comme nous fûmes également surpris du traitement réservé aux «Occidentaux», d'une part, et aux «Arabes» d'autre part- Adultes confrontés journellement aux dures conditions de l'existence. Jeunesse démobilisée, vivant en jachère et en déshérence parce que radicalement dépourvue d'un idéal communautaire adossé à un véritable projet de société, à même de cristalliser ses aspirations et son énergie créatrice(24). A suivre NOTES : 1- Discours ayant pour caractéristique d'être simultanément embrouillé, touffu et confus, c'est-à-dire en définitive sans signification probante, avérée et, à ce titre, sans épaisseur affirmée, encore moins confirmée. 2- Cf. Algérie Actualité, n°987, 13-14 septembre 1984, pp.31-32. 3- Idem. 4- Les sommes colossales dépensées pour l'importation des seules denrées alimentaires prouvent à quel point cette dépendance est loin d'être simplement un jeu de mots. 5- Et l'on ne peut en effet que souligner « _le contraste entre ce qu'avait été le monde musulman à l'apogée de son intelligence et l'espèce d'immense geôle qu'il et devenu maintenu pour la majorité de ses citoyens ». Cf. ''Arts et lettres'' in El Watan, 26 oct. 2006, p. 13. Quand on songe que « il y a moins de dix siècles (l'Orient musulman) était derrière les grandes batailles de la rationalité. (Qu'Il) a su la préserver, la huiler et la mettre en marche avant de la transmettre sous son plus beau visage à l'occident ». Cf. Idem, 12/10/06, p.25. 6- «...malgré les bonnes volontés, l'argent disponible, les compétences existantes, ( il) tarde à surgir dans le monde arabe une vision, une pensée culturelle qui trouverait sa matérialisation en livres (_). L'on mesure combien notre retard est immense et quelle distance (un gouffre) nous sépare des autres nations. (On) peut dire que le livre est aussi un indice pertinent pour évaluer l'état d'une société ». Cf. El Watan, supplément arts et lettres, 17 novembre 2005, p.15. « Les parents d'élèves, enseignants ou autres badauds, ont dû remarquer ces jours-ci, une ruée de potaches vers les cybercafés. A se demander : «Quel tam-tam les a avisés d'être tous ensemble au même endroit ?» Le phénomène s'explique, en effet, par les nouvelles orientations issues de la réforme du système éducatif. Celle-ci a introduit la pédagogie du projet. L'approche par des compétences est instaurée. La participation de l'élève est vivement recommandée. Les élèves doivent s'y mettre pour préparer leurs projets. Ils essaiment vers ces nouveaux pôles attractifs devenus rentables. Ces jeunes sollicitent alors la magie moderne, le net, susceptible de leur procurer les documents utiles à leurs exposés. La tâche est aisée pour les initiés au web. Il leur suffit de quelques incantations magiques. Le sésame s'ouvre. Le document se présente intégralement et l'imprimante enchantée le leur offre. Pour ces jeunes esprits, la tâche s'achève là. Toutefois, lire le document, le comprendre, l'analyser afin d'en dégager une synthèse, importe peu. «La note, ça se décroche sans cogiter. On a qu'à débourser quelques dinars pour avoir un exposé tout fait», se targue un lycéen ». Cf. ''Sans cogiter'' in El Watan, 23 nov. 2006, p.12. «...On le sait, la traduction est l'autre facteur d'évaluation de l'avancement d'une société. Plus on traduit, plus on signifie la capacité à s'ouvrir à l'autre, à emmagasiner le savoir, d'où qu'il vienne ». Idem, p.16. 7- « Lorsqu'aux XVIIIè et XIXè siècles (_) les voiles de l'Europe se gonflèrent au vent des conquêtes coloniales, les quatre points de la planète se mirent à danser ». Cf. M. Bédjaoui ''notre Maison commune'' in le Quotidien d'Oran, 2 nov. 2006, p.9. 8- D'aucuns jugent qu'il y aurait comme une «...incapacité à honorer le pacte formel qu'ils ont conclu avec leurs citoyens. Au lieu de rétablir les équilibres dont ils sont garants et comptables des hommes d'Etat (ou ce qui tient lieu) se mettent en vente et soldent les biens appartenant à tous. Concédant des prérogatives et abdiquant des territoires qui ne sauraient relever que la propriété collective ». Cf. Le Quotidien d'Oran, 1er février 2007, p.11. «Dans les nouvelles politiques de voisinage, l'Europe ne pense qu'à une bonne conduite. Les Etats eux-mêmes sélectionnent des contingents d'émigrés pour l'Europe, la Tunisie et le Maroc le font déjà. Selon mon point de vue, si un Etat ne peut pas se doter économiquement pour mobiliser sa jeunesse, il peut au moins négocier la circulation de cette jeunesse vers l'Europe, c'est le cas notamment de l'expérience de la diaspora libanaise ». Cf. El Watan, 27 mars 2008, p.4. 9- «A quoi bon parler du chômage endémique qui frappe une jeunesse et qui la pousse vers la périlleuse aventure de la harga? A quoi bon déplorer l'éternelle crise du logement et la spéculation foncière qui en est la cause et l'effet en même temps? A quoi bon dénoncer le bradage des entreprises publiques ou le gaspillage des ressources financières dans des opérations de prestige? A quoi cela sert-il de s'indigner de l'évasion des ressources vers des places étrangères quand une large part de la population se paupérise chaque année un peu plus? Vais-je me lamenter éternellement du triste état du syndicalisme en Algérie? Qui m'entendra quand je dénoncerai les conditions dans lesquelles les enfants reçoivent l'enseignement? Tu te rends compte! Il y a encore des classes qui ne sont pas chauffées dans mon pays, quand je me souviens que jadis, tout indigènes que nous étions, nous avions le chauffage à l'école. Voilà pourquoi, je parle de l'école d'antan! Ce n'est pas par nostalgie. C'est pour dire que les choses, loin de s'arranger, empirent. Et puis, parler de la question palestinienne. Tout a été dit et par des gens beaucoup plus compétents que moi! Cela fait 60 ans que cela dure et les régimes arabes s'entêtent dans leurs contradictions et leurs incohérences ». Cf. L'Expression, 6 janvier 2009.. 10- Le poète syrien Adonis affirme : «Nos sociétés sont sclérosées. Nous sommes absents de la carte du monde actuel et en marge du cours de l'Histoire. ( Les) élites politiques qui se disent progressistes et laïques, qui ont libéré leurs pays du joug de la colonisation, n'ont fait que perpétuer le clanisme et le népotisme et sont soutenus par des intellectuels, ce sont leurs complices! (_). Dans nos sociétés arabes et musulmanes, l'élite intellectuelle ne remplit aucun critère de probité morale qui lui permet d'être à l'avant-garde des changements nécessaires. C'est-à-dire la sécularisation de la société qui est au c_ur de la crise de la modernité dans ces sociétés». Cf. Jour d'Algérie, 15 oct. 2008, p.15. S'en prenant aux régimes arabes, particulièrement ceux qui ont pris le pouvoir depuis la seconde moitié du 20e siècle et auxquels il reproche un échec cuisant, car «ils n'ont pas pu libérer l'Homme et asseoir des Etats modernes basés sur le droit et le respect de l'individu (_).Ces politiques ont des réflexes tribaux, ils nient l'individu et la liberté individuelle ». Idem. 11- « Que ce soit aux Pays-Bas, en France, aux Etats-Unis, pour ne pas mentionner l'Allemagne, les Juifs sont largement représentés dans le monde des affaires, les médias et les arts. Et ils ne sont stigmatisés, menacés ou exclus dans aucun de ces pays ». Cf. Le Monde diplomaique, juin 2008, pp.28-29. 12- « Notre identité culturelle même se perd ; l'imaginaire des jeunes en Europe est modelé davantage par les mythes américains du Far West ou de l'aventure spatiale que par les valeurs propres de l'Europe ou des nations qui la composent ». Cf. J.P. Chevènement in le pari sur l'intelligence, (entretiens avec H. Hamon et P. Rotman), Flammarion 1985 p.178. 13-« Les échanges commerciaux et circulations humaines interarabes en cinquante ans équivalent aux échanges intereuropéens d'une année ». Cf. Le Quotidien d'Oran, 19 février 2003, p. 6. 14- Idem. « Le silence d'une société annonce sa décadence prochaine. Une société qui ne parle plus, voit sa culture s'appauvrir et sa civilisation se dégrader », dépérir et sombrer dans la monotonie la plus placide et la plus dérisoire. « Malheureusement, le chaos, la stagnation, la décomposition, les intrigues et la fatalité ont basculé vers le camp arabe, encouragés et fructifiés par une mentalité féconde de régression ». Cf. Le Quotidien d'Orann 19 férvier 2003, p.6. 15- C'est ce que l'on pourrait également aujourd'hui de la société algérienne entrée dans une consommation effrénée mais sans que cela soit accompagné d'un effort conséquent de production de signes culturels manifestes et décisifs. « L'ensemble des livres traduits en arabe, depuis de que l'effort de traduction des livres des langues étrangères a été commencé sur l'impulsion du calife abbasside Al Ma'moun (_) jusqu'à nos jours, ne dépasserait pas les cent mille ouvrages, c'est-à-dire autant que ce qui est traduit en une seule année en langue espagnole ». Cf. Le Quotidien d'Oran, 7 mai 2006, p.7. « La sclérose structurelle (...à est inscrite dans un atavisme de type conservateur qui frappe de nullité la quête d'ouverture, de consensualité, de modernité et des approches adaptées au monde contemporain ». Cf. Horzons, 6 janier 2009. 16- boniment, bluff, paroles en l'air, sans consistance et sans lendemain. « Le portable s'est banalisé dans la société algérienne, tout le monde en possède un : les adultes, les enfants, les vieilles personnes, les chômeurs, les voleurs et même les mendiants. Nous, tous sommes collés à notre téléphone, nous parlons à longueur de journée (_). De nouveaux «métiers» ont vu le jour grâce à ce nouvel outil : flasheur, réparateur, vendeur, maître chanteur, mauvais plaisantin et aussi voleur de portable. Les gens changent d'appareils comme ils changent de chaussettes. Certains ont même inventé un jeu, bête et dénué de la moindre once de civilité et de savoir-vivre. Ce jeu consiste à s'acheter une puce chez l'un des divers fournisseurs de téléphonie mobile ou tout bonnement au souk de l'informel où l'on vend tout et en toute impunité, et un appareil, même volé (_). On forme ensuite, au hasard, un numéro et là, on a le choix : on peut passer la journée à «biper», on peut insulter les gens, les menacer, draguer_ Tout dépendra de l'esprit tordu que l'on possède. Aucune sanction ne sera prise à l'encontre (du) mauvais plaisantin, l'anarchie et l'immunité régnant... Une réglementation et une déontologie devraient (s'imposer) pour freiner ce genre de comportements irresponsables et malveillants causant des désagréments à des victimes qui en veulent, désormais, à l'inventeur du portable devenu source de malheurs. Cet outil de travail et de communication s'apparente à une malédiction pour beaucoup ». Cf. ''La malédiction du portable'' in El Watan 29 oct. 2006. 17- «Nous avons hérité lors du recouvrement de notre indépendance de 420 salles magnifiques qui constituaient alors le parc le plus important d'Afrique et du Moyen-Orient. Il existait en outre une tradition cinéphilique exceptionnelle dans le pays. Cet amour du cinéma avait permis à des cinéastes comme Djamel Chanderli de placer le film comme arme majeure dans le combat pour la libération du pays. Il faut dire qu'au sein du GPRA, il y avait des visionnaires de la dimension politique de M'hammed Yazid qui étaient capables de comprendre le poids des images produites et leur impact sur l'opinion internationale ». Cf. Supplément T.V El Watan, 27_28 février 2007, p.5. 18- Lire article ''Les indigènes de Dubaï se protègent'' in Le Quotidien d'Oran, 3 juin 2006, p.15. 19- « Complètement inhibés par le clinquant et le progrès souvent factices de la civilisation matérialiste occidentale, nous ne parvenons toujours pas à concilier nos valeurs fondatrices et les exigences d'une modernité qui s'est faite quasiment sans nous ». Cf. Le Quotidien d'Oran, 26 sept. 2006, p.6. 20- Cf. El watan 13 janvier 2006. 21- E. Morin parle lui aussi de « silence sociologique et politique » : «...des continents entiers sont redevenus inconnus ; aux anciennes tâches blanches géographiques ont succédé les immenses zones de silence sociologique et politique qui sont en même temps des zones d'information-fiction ». Cf. Pour sortir du vingtième siècle, Dossiers 90, F. Nathan, Paris 1981, p.26. Il note encore plus loin : « Chez nous, il est des zones d'ombre informationnelle. Ainsi, lorsque mai 68 a éclaté, aucun journal ne disposait d'antennes là où se passait/forgeait l'action...». Idem, p.27. 22- « Alors que les militants nationalistes ont réussi à libérer de haute lutte leurs peuples, les gouvernants nationalistes, pour leur part, ont échoué dans la construction et le développement des sociétés, notamment par le choix de modèles qui n'ont pas tenu leurs promesses ». Cf. Le Quotidien d'Oran, 26 sept. 2006, p.6. 23- « Les peuples arabes ont soif de considération (_), de développement. C'est la mission que l'on doit réaliser au plus vite ...L'essentiel réside dans le fait que nos gouvernements doivent rester à l'écoute de ns peuples. Cela pour le plus grand bien de tous. Il n'y a pas autre chose à faire que cela. Il y va de la place de ce monde arabe et sa place dans le concert des nations. La dignité de l'homme arabe se mesure à sa capacité d'expression de ses aspirations les plus légitimes_Nous considérons que le monde arabe n'est pas dépourvu de moyens et que la marge de maneouvre des pays arabes n'est pas aussi faible qu'on le dit. Nous devons nous livrer à une analyse sans détours ». Cf. Interview accordée par M. Bedjaoui, ministre des Affaires Etrangères au Quotidien d'Oran, 7 sept. 2006, p.4. « Dans le monde arabe, les systèmes actuels ont choisi de tourner le dos à la bonne gouvernance Alors que les potentialités sont immenses, il est à craindre que, sous les contraintes de l'autoritarisme, la science dans le monde arabe végète par épuisement, passivité ou soumission. Les pouvoirs publics seraient alors comptables de ce désastre qui renforce la «colonisabilité» qu'ils auraient programmée par aveuglement ». Cf. L'expression, 25 sept. 2008. 24- Le réalisateur égyptien « Chahine (met) à l'index _ l'incompétence et l'irresponsabilité des décideurs dans l'art. Les pesanteurs bureaucratiques qui bloquent la création, les indigences qui étouffent la liberté de création sans laquelle on ne saurait parler de cinéma, la débilité et l'aliénation portées ou véhiculées par la production filmique arabe dite classique » . Cf. ''Cinémas arabes'' in El Moudjahid, 6 juin 1988, p.20. |
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