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Le service public n'est pas désincarné : ce sont des hommes et des femmes qui le font vivre, c'est un esprit qui l'habite. (Gabriel de Broglie). La bureaucratie et la promotion du service public figurent parmi les revendications portées par la classe politique et les organisations civiles, ou celle présentées comme indépendantes comme la «commission Bensalah», installée en mai 2011, dont les travaux n'ont pas été vains, puisque le dernier remaniement ministériel s'en est fait l'écho ; cela s'est traduit, notamment, par la création d'un ministère auprès du Premier Ministre, chargé de la Réforme du Service Public. Une première du genre chez-nous même si, en France, il existe un ministère chargé de la Réforme de l'Etat. Ainsi, et lors de la prise de fonctions du ministre titulaire du poste Monsieur El Ghazi Mohamed, le Premier Ministre montrant la voie à suivre, a déclaré : «la réussite de l'Etat dans ses missions est tributaire de la facilitation des conditions de vie du citoyen, de son environnement, notamment l'administration, qui continue à poser des problèmes au citoyen». Abdelmalek Sellal a ajouté également : «ce ministère est transversal et forcément, il va se nourrir des contributions des autres départements». Le premier ministre, d'ailleurs, a eu personnellement à conduire les affaires de plusieurs ministères dont celui de l'Intérieur et des Collectivités Locales d'où sa lisibilité, dans un large spectre, des situations et des contraintes vécues, notamment, par les usagers du service public et, ce faisant, il a, certainement, une idée de la probable maîtrise des voies, procédures et moyens de stopper la bureaucratie qui le caractérise et de rendre la vie de l'usager plus facile. Autant qu'on se le dise, tout acte bureaucratique est une recherche de corruption. Cela ne peut plus durer, car la bureaucratie freine l'économie nationale, a encore déclaré le Premier Ministre. Dans cette optique, celui qui a hérité du maroquin, lui-même grand connaisseur des Collectivités Locales dont il a eu à gérer les destinées dans de nombreuses wilayas, a, semble-t-il, tracé l'ébauche d'un projet de reprise en main de l'administration ; celui-ci consisterait en plusieurs mesures qui, fatalement, vont profiter aux administrés, à l'échéance de l'année en cours, et qui vont, forcément, atteindre leur vitesse de croisière en 2014. Parmi ces mesures, on retient déjà ce «choc de simplification» proposé par le Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et des Collectivités Locales Tayeb Belaïz, concernant, par exemple, les procédures de délivrance du passeport, sans l'enquête de police, ou encore le «choc d'allégement» prôné par le même ministre en ce qui concerne les dossiers administratifs et la réduction drastique des pièces exigées dont certaines relevant de l'état civil, nécessitent des réaménagements réglementaires. Mais ce qu'il faut retenir, tout de suite, c'est l'engagement ferme du Premier Ministre et partant du gouvernement dans son ensemble, de «réhabiliter l'administration algérienne et le service public», même si les citoyens n'y croient plus, car habitués à trop de promesses du genre. Il n'en demeure pas moins qu'Abdelmalek Sellal, en gage de sa bonne volonté, a décidé de dispenser les jeunes demandeurs d'emploi, de l'exigence de production de la carte de dispense du service national. C'est un geste très fort en direction de la jeunesse et il serait intéressant d'en mesurer la portée, d'ici la fin de l'année en cours, en termes d'impact sur la courbe du chômage et dans la foulée sur celle de la «Harga» si l'on admet que ces deux fléaux ont alimenté le désespoir des jeunes des années durant. D'aucuns diront que redonner à l'administration algérienne, non pas sa rigueur des lendemains d'indépendance, ce qui au demeurant, restera pour les algériens qui ont vécu cette période un vœu pieu, mais juste un semblant de normalité, de respect dû au citoyen et à l'administré, ce qui relève, pratiquement, de l'impossible, car trop d'annonces sur la réhabilitation et la moralisation du service public, nuisent forcément aux intentions, sans nul doute, sincères du gouvernement (1) Prenons, toutefois, acte de cette volonté gouvernementale affichée et, très modestement, apportons notre pierre à l'édifice, dès lors que nous sommes convaincus, à l'instar du Premier Ministre de la «transversalité» de ce nouveau ministère, qui soit dit en passant, n'est pas une invention algérienne puisqu'il existe en version Brésilienne et même Béninoise et nous y reviendrons. Signalant dans la foulée l'autre gage de changement de mentalité qui a été donné par le président de la République qui a décidé d'opérer un mouvement dans le corps des walis, du moins ceux qui ont été muté et qui ont, par ailleurs, été briffés par leur ministre de tutelle, à l'occasion de leur installation, sur «la nécessité de renforcer l'écoute avec le citoyen, de lui réserver des journées ponctuelles d'audiences et partant, de prendre en charge ses besoins». Dans la wilaya d'El Oued, par exemple, le Ministre d'Etat Tayeb Belaïz, dans son allocution, a exhorté les walis et les élus «à associer les citoyens dans le développement local». C'est, assurément, un bon discours, tout aussi important que celui qui doit être, à notre sens, tenu en direction de ces mêmes responsables locaux, qui doivent «prendre l'engagement, aujourd'hui plus que jamais, de dépenser utilement et de maîtriser, pour le moins, leurs dépenses de fonctionnement». Et à ce niveau du discours, Tayeb Belaïz ne pourrait être qu'en phase avec Karim Djoudi qui, tirant la sonnette d'alarme, vient d'affirmer «qu'il a eu beaucoup de peine à boucler, en équilibre, le budget 2014». Il s'agit d'une nécessité qui vient de nous être rappelée par le représentant du FMI, de passage en Algérie, qui recommande l'urgence de «consolidation de notre système bancaire et la rationalisation des dépenses». Comme quoi, on a beau dire qu'on a remboursé notre dette extérieure, mais tant qu'on ne se décide pas à diversifier notre économie en dehors de la sphère des hydrocarbures, notre «face à face» avec l'institution de Breton Wood risque de connaitre quelques rebondissements, si à Dieu ne plaise, le baril de pétrole venait à chuter, au-dessous de la barre des 70 dollars. (2) Cette parenthèse fermée, disons qu'aux paroles, il faut donc joindre les actes et en la matière il y a à faire au regard des «points noirs des administrations où le service public connait un dysfonctionnement». Il conviendrait, en conséquence, de les répertorier, dans une première étape, à condition déjà de commencer le travail chez El Ghazi, mission qui peut être pris en charge par les inspections générales des ministères qui gagneraient à investir, d'ores et déjà, le terrain. A propos de terrain, citons le bel exemple du président de l'APC d'Ait-Boumahdi en haute Kabylie, où, dans cette commune, ils sont cinq à parapher les documents de l'Etat-civil, contrairement aux grandes communes, où la délégation de signature n'est donnée qu'à un seul agent, avec tous les désagréments que cela cause aux usagers et à l'administration même, qui reste encombrée en permanence. Il y a aussi, bien évidemment, la responsabilité des agents et des préposés du service public. Dans l'administration, la professionnalisation des agents est presque un paradoxe : si les agents sont des bons professionnels, ce qui est le souhait à la fois des agents eux-mêmes et de l'administration qui les emploie, il n'est pas facile pour eux de renoncer à la qualité du service public dont ils ont rêvé et l'usager également. Il y a donc un paradoxe à faire croire qu'on recherche une performance absolue des individus, en fait, la performance recherchée n'est pas seulement individuelle car elle s'appuie, également, sur des personnes dans un système social collectif. Et si dysfonctionnement il y a, il ne se situe pas forcément dans la compétence ou le savoir-faire mais dans la mentalité ancrée dans la tête de ceux qui ont pour missions d'informer l'usager et de l'orienter vers les services qui lui permettent de connaître ses obligations, d'exercer ses droits et d'accomplir ses démarches. Les causes de ce dysfonctionnement du service public sont à rechercher, notamment, dans les contraintes budgétaires qui empêchent, non seulement, l'amélioration des services publics mais, également, ne permettent aucune planification en terme de recherche ou de mode de gestion qui dure dans le temps et l'espace. Et le rôle du responsable du service public, fonctionnaire ou élu soit-il, consiste globalement à : ? Répertorier les besoins utiles au fonctionnement de son service ? Connaître parfaitement le déroulement des procédures ? Les enseigner à ses agents à travers des protocoles et des guides ? Veiller à la cohésion du groupe dont il a la charge ? Veiller aussi à le mettre dans les meilleures conditions matérielles et morales pour l'accomplissement du service dont il a la charge ? Faire fonctionner la communication ? Assurer à chaque membre du groupe, non seulement une place mais aussi une reconnaissance. Voilà un programme qui ne demande qu'à être mis en application, sans retard, par le département de Monsieur le Ministre chargé de la Réforme du Service Public. Le déroulement de la carrière de l'agent impliqué dans le service public, celui qui, notamment, traite avec les usagers, ne doit pas être négligé par ailleurs, ni en termes de formation ni en terme de rémunération ou de déroulement de carrière. Il y a, également, l'amour du travail bien fait, la performance, la reconnaissance professionnelle et sociale qui sont aussi importants que la rémunération elle-même ou les primes de rendement qui, soit dit en passant, ne profitent pas qu'aux meilleurs éléments, au nom du social ou d'un égalitarisme de mauvais aloi. Pour qu'un agent se mobilise au travail, il faut, bien sûr, utiliser tous les moyens mobilisables pour marquer sa réussite ou surmonter ses difficultés et d'un autre côté, il faut doser, justement, leur utilisation et instituer et enseigner la méthode d'utilisation à, fortiori, quand elle nécessite l'apport d'outils modernes de gestion notamment l'internet, l'intranet, sans oublier la modernisation des autres équipements. L'autre défi des services publics concerne aussi leur organisation ; il faut faire des choix : quelles fonctions doivent être renforcées ? Quelles compétences faut-il privilégier ? Quels points noirs faut-il combattre en priorité ? Dans quels domaines peut-on réduire l'activité et éventuellement, redéployer les moyens humains et matériels sous-utilisés par la force des choses ? Tout un programme, encore un me diriez-vous, à enrichir et à mettre en œuvre sans délais dans tous les ministères, sous l'égide du Premier Ministre. Comme nous l'avons affirmé supra, il faut aussi savoir agir sur les causes de contre performance. Les agents ne sont pas, individuellement parlant, responsables de l'absence de performance ou de résultats ; souvent ils ont à faire face à : ? La routine ? L'utilisation des solutions périmées, ou pour le moins, inadaptées ou fondées sur une vision peu opérationnelle ? L'incapacité à comprendre les besoins des usagers ? L'inaptitude à communiquer leurs propres contraintes ? L'absentéisme et le présentéisme (3) de leurs collègues voire même de leurs responsables Pour être atteinte, la performance n'est pas celle consistant à se conformer à l'image idyllique du service public, tel qu'on le perçoit ailleurs, mais elle serait celle qui permettrait de réaliser, au mieux, le travail qui est attendu par l'usager et tel que conçu, en normes et en procédures, par les responsables administratifs. Pour ce faire, oui il faut une formation, mais pas de celle dont se targuaient à leur époque, Daho Ould Kablia et celle qui lui a présenté «la formation des élus»comme étant la panacée et la solution idoine pour améliorer le service public et éradiquer la bureaucratie dans l'administration centrale et locale. Certes, des Secrétaires Généraux des communes ont bénéficié d'un cycle de formation au budget local, mais la cible idéale qui nous intéresse, c'est celle des préposés aux guichets et tous ceux qui, au quotidien, représentent l'interface de l'administration et qui, n'ayant pas peur des mots, malmènent les citoyens en usant et abusant de leur temps et de leur patience. Sinon que reste-il de la formation dispensée aux maires, du moins ceux qui été plus ou moins enclins à y participer ? Comment a-t-elle était traduite sur le terrain ? L'écoute a-t-elle était renforcée ? Les audiences ont-elles étaient multipliées ? La cité a-t-elle bénéficié de plus d'intérêt ? La sécurité a-t-elle été renforcée ? L'enlèvement des ordures a-t-il gagné en efficacité ? En matière de gestion participative, qu'est ce qui a été appliqué, au niveau local, pour associer les citoyens aux affaires de leur commune ? Quel bilan a tiré de tout cela Ould Kablia à la veille de son départ du Ministère de l'Intérieur ? On ne le saura peut-être pas, même si du constat fait précédemment, il apparait une évidence : il faut repartir sur des bases plus rationnelles si l'on veut réellement améliorer le service public, dans son sens le plus large. Faut-il, pour autant, tout remettre à plat ? C'est à voir car tout est service public dans ce face à face Administration-Citoyens ; quant aux APC, hauts lieux du service public, elles sont au devant de la scène du fait de leurs attributions et leurs missions au service du citoyen, mais elles restent, faut-il le dire, dépassées par les problèmes d'hier, les nuisances d'aujourd'hui ou plus encore, les défis de demain. Et en l'état, il y a urgence à revoir le code communal pour conférer plus de prérogatives et de moyens aux élus. Il y a aussi cette notion de «Beylik» qu'il faut absolument bannir et cette devise qu'on aimerait entendre plus souvent «service, service, camarade après» signe que le passe-droit et le piston, grands fléaux devant l'Eternel, n'ont plus cours dans notre république qu'on espère irréprochable, même s'il est permis de fantasmer. Ceci étant dit, revenons au Ministère chargé de la Réforme du Service Public qui n'est pas comme nous l'avons affirmé, une spécificité algérienne ; il aurait pu, peut-être, s'appeler aussi «Ministère chargé du Redressement du Service Public» dans le sens où il s'agit beaucoup plus «de redonner vie» à ce qui existe déjà, même si, il faut en convenir, le challenge consisterait, aussi, à «réformer des conduites». En tous les cas, ce nouveau ministère arrive à point et dans cet ordre d'idées et pour conclure, prenons les deux exemples suivants pour conforter son utilité : Tout d'abord le Brésil où la présidente Dilma Roussef a promis «un Grand Pacte» pour l'amélioration des services publics et surtout «tout faire pour lutter contre la corruption». C'est l'engagement qu'elle a pris devant le peuple qui s'est révolté devant tant de mépris de l'administration et devant les dépenses effrénées du gouvernement, Coupe du Monde oblige. Elle a cité des transports communs de qualité à des tarifs justes, la santé, l'éducation également, en faveur de laquelle elle a réitéré son souhait de consacrer beaucoup de moyens. Elle a en tous les cas engagé son joker dans cette affaire. L'autre exemple plus édifiant et autrement plus intéressant car concret, nous vient d'Afrique, du Bénin plus précisément. Pour améliorer, un tant soit peu, la qualité des services publics, le gouvernement de ce pays, à travers le Ministère de la Réforme Administrative et Institutionnelle par abréviation «M.R.A.I», a initié en 2012 «la Semaine Nationale du Service Public». L'initiative, très bien accueillie, a été renouvelée en 2013 ; elle s'est déroulée du 21 mai au 21 juin 2013 et à pris, en conséquence, l'appellation «Mois du Service Public», avec l'objectif «zéro dossier en instance dans les tiroirs». Pour ce faire, il a été mis en place un dispositif pour recevoir les plaintes des usagers : centre d'écoute téléphonique, courrier électronique, page face-book. Ainsi, les usagers-clients des services publics ont été invités par l'initiateur dudit dispositif le «M.R.A.I» en l'occurrence, à renseigner leurs dossiers en souffrance et partant, fournir les références précises tels les numéros et dates d'enregistrement, l'objet etc, et à exprimer, librement, leurs opinions. L'opération a connu, non seulement un engouement populaire mais aussi, un grand succès. Il est à signaler que le P.N.U.D a soutenu cette initiative en mettant à la disposition du ministère concerné des volontaires des Nations-Unies, notamment des informaticiens, économistes, statisticiens, sociologues entre-autres. Au bout d'un mois, plus de 8000 appels ont été enregistrés. Ce chiffre, ne vous méprenez surtout pas, rendu à la population du Bénin est considérable. Les doléances ont portées sur le non paiement des salaires, des retraites, des allocutions familiales ainsi que le retard mis dans l'établissement de titres fonciers ou le non reclassement dans le grade dans la fonction publique, notamment. Ce qui est intéressant à noter dans cette expérience béninoise, c'est le hit-parade des ministères épinglés pour «bureaucratie» tels : ? Le ministère de l'Economie et des Finances avec 40,46% des plaintes ? Le ministère de l'enseignement avec 11,41% ? Le ministère du Travail et de la Fonction Publique avec 11,31% Toutes proportions gardées et au-delà du fait que notre pays n'a nullement besoin, bien évidemment, de l'assistance onusienne, compte tenu de ses innombrables ressources humaines, matérielles et financières, gageons que si cette expérience venait à être menée en Algérie, sous l'égide bien sûr, du Premier Ministre ou même du Ministre chargé de la Réforme du Service Public, beaucoup de départements ministériels et d'entreprises publiques, sans compter les collectivités locales, auront à y pâtir dans un premier temps et feraient en sorte, dans un deuxième temps de prendre toutes leurs dispositions afin de ne plus figurer au palmarès, infâmant, de la plus mauvaise administration. Et le service public aura à y gagner et l'usager aussi ! En attendant, méditons cette citation du service public attribuée à D-Wynot qui a dit ceci : «construire les services publics pourrait être la meilleure façon de faire l'histoire, sans avoir besoin d'un fusil ou d'être président». Renvois : (1) Voir l'article d'A.REMILI intitulé «Attention administration» dans EL Watan du 7 novembre 2013 (2) Voir l'article de CHERIF ALI intitulé «FMI, es-tu là ?» dans le Quotidien d'Oran du 27mai 2013 (3) Voir l'article de CHERIF ALI «le service public, entre l'absentéisme et le présentéisme» dans El Watan du 28 décembre 2013. |
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